Texte: Hélène Naudy et Jean-Claude Moussey
J'ai sollicité pour cet écrit un grand ami qui a eu l'audace de
retranscrire dans un style libre et familier ce que nous avons
coutume de cacher (aux autres et à soi-même) : notre monde mental
intérieur fait de pensées jugeantes, lapidaires et orgueilleuses.
Le texte alterne entre une écriture réfléchie, introspective qui
invite à la remise en question et un témoignage qui nous prend à
bras le corps et qui ne fait preuve d'aucune hypocrisie. Un grand
merci à cet ami.
Elle: Afin qu'il n'y ait pas de confusion
possible sur ce que sont les émotions, afin aussi que nous ne
naviguions pas à l'aveuglette ou dans des sphères trop éthérées ou
encore ne soyons hors des réalités, nous ne pouvons faire
l'économie de définir dans quel champ d'investigation nous nous
plaçons. Pour cela, je m'en suis référée à la psychologie. La
définition qu'elle en donne est celle-ci : une émotion est
provoquée par la confrontation à une situation et à
l'interprétation de la réalité. Cinq d'entre elles sont désignées
comme émotions de base (la tristesse, la joie, la colère, la peur,
le dégoût) à partir desquelles toutes les autres sont considérées
comme des mélanges de celles-ci (la souffrance, le mépris,
l'affection, la jalousie, la haine, la nostalgie, la satisfaction,
la passion, la rancune…pour n'en citer que quelques unes). La joie
et l'amour sont définis comme émotions agréables, la tristesse et
la souffrance comme émotions qui retiennent notre attention, la
peur et la colère comme désagréables, le dégoût et le mépris comme
émotions qui provoquent un rejet.
De toutes celles
mentionnées, seules la joie et l'amour ont nos faveurs. Quant aux
autres que nous qualifions de désagréables, allant même jusqu'à les
désigner comme étant négatives, nous les évitons, les fuyons, les
combattons si elles viennent de l'extérieur sinon si nous en sommes
les auteurs, les refoulons, les nions et si nous les extériorisons
nous en défendons, nous justifions allant même, là aussi jusqu'à
les nier.
Et si nous déposions les armes dans notre
rapport à ces émotions jugées de… mauvaises ou de négatives (parce
qu'appartenant, ceci est souvent affirmé dans les milieux
spirituels, aux basses vibrations énergétiques). Et si nous allions
à leur rencontre plutôt que de les combattre ou de les prendre
pour nos ennemis. Car, en effet et je vous invite sans plus tarder à
vous poser ces questions : comment les considérons-nous ? Les
jugeons-nous ?
Je vois deux autres questions découler de ces
premières : quelles relations avons-nous avec nos émotions, là dans
notre quotidien ? Les accompagnons-nous ou sommes-nous pris par
elles, collé, identifié ? Car c'est de la considération que nous
leur portons que tout le reste résulte.
Que signifie s'identifier ?
Tout
d'abord, j'aimerais préciser ce que signifie s'identifier (tout du
moins la compréhension que j'en ai), que ce soit à un point de vue
(point de vue qui peut avoir comme synonyme une idée, un jugement,
un a priori), à une émotion, à une image.
- en ce qui
concerne les points de vue, cela signifie que l'on croit dur comme
fer que le point de vue que l'on a n'est pas un point de vue mais une
évidence, un constat. Par exemple : "la colère est une émotion
négative dont on doit se défaire". Les intégristes sont convaincus
que leurs idées religieuses sont naturelles et évidentes à tel
point que pour eux, ce ne sont pas des points de vue mais la vérité
et même la seule. Nous sommes convaincus que nous devons approfondir
la confiance en soi, notre pouvoir personnel, ceci afin d'atteindre
une stabilité émotionnelle voire même afin d'être soi-même. Et
vous, quelles sont vos idées concernant les attitudes, les
comportements, les motivations de ceux qui vous entourent et de
vous-même ?
- en ce qui concerne l'émotion, nous croyons
que nous sommes l'émotion qui s'exprime. Nous disons d'ailleurs :
je suis en colère, je suis triste, je suis dépressif, je suis
joyeux, j'ai peur, je suis émerveillé. Nous allons considérer un
individu pris de colère pour compulsif et susceptible. Nous allons
louer celui toujours heureux et bienveillant. Nous allons qualifier
nos connaissances, nos proches de stressés, d'émotifs, de
dépressifs, d'agressifs, d'égoïstes, de boute-en-train… et à cela
nous rajouterons des appréciations ou défavorables ou favorables.
Nous allons penser qu'un éveillé n'exprime plus aucune émotion
hormis la joie et qu'en lui ne vit ni tristesse, ni dépression, ni
colère, ni affection… Et vous quels sont les jugements que vous
avez sur les émotions, sur chaque émotion ?
-
Maintenant en ce qui concerne l'image, cela signifie que nous allons
inconsciemment nous fabriquer une personnalité jusqu'à être
convaincu que nous sommes cette personnalité et nous tiendrons à
cette image car nous penserons qu'elle nous donne de la valeur. Les
images sont assez nombreuses : être révolté, être efficace,
être riche, être savant, être combatif, être paisible bien sûr
(bien sûr ? Oui, parce que dans le milieu de la connaissance de soi
et de la spiritualité, cette image est assez répandue),… Ainsi, et
par exemple, nous sommes un être paisible, maître de nos émotions,
d'ailleurs la pratique de l'aïkido que nous avons entrepris il y a
de cela une vingtaine d'années nous a appris à les canaliser.
Autre exemple : parce que nous exprimons nos émotions, nous avons
une image de nous fragile, nous nous considérons inconsistant, peu
fiable. Dernier exemple : nous sommes un être solitaire qui se
débrouille seul en toutes circonstances… Et vous à quelles images
vous identifiez-vous ?
Lui: Pourquoi faudrait-il
que je vive mes émotions ? Hein ! Je vous le demande ? Et en plus,
il faudrait apprendre à les reconnaître. Déjà qu'elles m'emmerdent
assez. Impossible d'avoir la paix. Ah ! Ils ont raisons ceux qui
prônent l'état sans émotion. Avec eux, tu peux espérer un peu de
tranquillité, zen quoi ! Rien qui dépasse, le bonheur !
Bon
d'accordn ça demande un sacré entraînement : TOUTE UNE VIE. Un
sacré but, un but sacré (ah ! le sacré, je touche du doigt le grand
Oeuvre). Mais quand il faut, il faut et puis ils m'ont dit : "La
paix, la joie sont au bout du tunnel". Comprenez ! Il faut
travailler sur soi pour dompter tous ces soubresauts qui peuvent
arriver sans crier gare. Et ces soubresauts, quelles plaies !
Et
puis quelle image je donne aux autres. Incapable de se maîtriser
le garçon. Lui qui suit une voie spirituelle, à son âge, il devrait
quand même arriver à se protéger de tout ça non ?
Je
regarde autour de moi, c'est insupportable ces gens qui se laissent
aller à exprimer leurs soi-disant émotions. Aucune tenue et en plus
ils me mettent mal à l'aise.
C'est pour se rendre important, pour que l'on s'intéresse à eux. Un stratagème de victime, ça Madame.
Ah,
ça y est, la colère arrive. Elle va me prendre, je le sens, elle
va me posséder. Vite ! Je respire, abdominale la respiration,
descends avec elle dans le hara.
Voilà Ouf ! Ça fait du bien, je suis à nouveau calme et détendu.
Ça peut faire des dégâts une colère non maîtrisée. Je peux faire du mal aux autres, je peux les faire souffrir.
Elle: Etre et ne pas être identifié, deux attitudes différentes
Etre
identifiée à nos émotions et laisser s'exprimer nos émotions tout
en les accompagnant, tout en les ressentant sont bien deux
"attitudes" différentes que nous pouvons observer, constater en
nous-même.
Dans la première, nous sommes en quelque sorte
assujetti, esclave et inconscient de l'émotion qui s'exprime en
nous-même, dans la seconde, nous sommes témoin bienveillant, nous
reconnaissons et accompagnons l'émotion qui s'exprime, nous
apprenons à voir dans quel événement passé (enfance, petite
enfance, adolescence) elle s'inscrit.
Dans la première, nous
aurons le désir de nous libérer de nos émotions, de guérir, nous
aspirerons à la tranquillité (surtout s'il s'agit de la colère, de
la tristesse, de la dépression, de la haine), dans la seconde, nous
sommes installé dans le ressenti et qui dit ressenti dit écoute,
abandon et discernement.
La difficulté est de nous rendre
compte à quel point nous sommes la plupart du temps inconscient (de
l'inconscience) de ce qui se manifeste en nous et donc assujetti à
notre inconscient. Pourquoi est-ce une difficulté ? Parce qu'il
s'agit justement d'avoir conscience de notre inconscient,
inconscient qui renferme des souvenirs que nous voulons justement
oublier, que nous refusons de reconnaître parce qu'en lien avec une
souffrance voire une détresse passée mais aussi parce qu'ayant été
jugés par nos parents, le maître d'école, le voisin..., toutes
personnes qui, à nos yeux d'enfant représentaient l'autorité et des
référents, donc des modèles. Les termes : "ça va passer", "va
marcher, ça te fera du bien", "avec l'âge, tu verras, tu seras plus
paisible", "calme-toi, voyons !", témoignent de notre ignorance,
dans le sens ici où nous sommes pris par l'idée que nous devrions
être tranquille, tout au moins, différent de ce que nous
manifestons, là, alors que (par exemple) la rancune arrive au
galop.
L'idée que nous devrions ne pas être identifié,
l'idée qu'être non-identifié est plus évoluée qu'être
identifié font aussi partie d'une forme d'ignorance, étant un point
de vue provenant d'un jugement, lui-même résultant d'une
identification, dans ce dernier cas, une identification à un mécanisme
de comparaison, celui d'être plus ou moins évolué.
Alors,
la difficulté sera de se rendre compte combien lorsque nous nous
observons et nous regardons, nous nous jugeons. Qui sont ces "nous"
? C'est le témoin en nous, mais un témoin jugeant.
Une tendance très ancrée : nous nous jugeons.
Regardons
attentivement ce qui se passe en nous lorsqu'un état de colère se
manifeste. Une fois la situation passée, alors que nous repensons à
notre attitude, que faisons-nous la plupart du temps nous qui nous
regardons (donc, nous témoin de nous-même), nous nous jugeons,
nous parlant à nous-même : "Tu aurais dû prendre la chose avec plus
de diplomatie", "Est-ce vraiment sérieux ?", "Je vais aller
méditer pour faire le silence en moi et me vider de toute cette
colère"… Nous ne sommes pas en conscience avec nous-même, nous ne
regardons pas ce qui s'est manifesté, nous camouflons cet état de
colère. Ce camouflage peut avoir plusieurs visages : nous nous
dévalorisons, nous nous moquons de nous, nous nous justifions, nous
nions… mais dans tous les cas, nous nous regardons en nous prenant
de haut. Nous surimposons à l'émotion un autre mécanisme : nous
jugeons, nous nous jugeons nous qui nous sommes mis en colère. Nous
mettons un voile opaque par-dessus notre émotion, le voile étant
un jugement qui, comme tous les jugements, a pour fonction de
recouvrir l'émotion afin de ne pas être en contact avec elle, afin
de ne pas la ressentir. "Moi la colère, je l'élimine et prône la
non-violence."
Lui : Je juge ? Comment ça ? Je juge ? Ce mec-là a tout fait pour me mettre en colère !
D’accord,
c’est un pauvre mec et ce n’est pas un jugement. C’est un constat !
Il m’a mis en colère. Et me mettre en colère a juste prouvé que
j’avais encore du boulot à faire à cet endroit-là, non ? Les autres
ça sert à ça. Non ? A vous montrer où il faut travailler encore et
encore.
Je m’énerve je m’énerve. Voilà, je respire profond, là………….. je me calme.
Ma
colère témoigne de mon manque de vigilance, de ma faiblesse. Elle
n’est pas bonne. Comment ? C’est un jugement ? Hou lalala !
Que
vous dites ! Pour moi, c’est encore un constat. La preuve qu’elle
n’est pas bonne la colère, c’est qu’après, je me sens mal.
Ce
mec-là, d’accord il est vraiment très crétin mais il ne pouvait
pas faire autrement. Comprenez-vous Madame, sur son disque dur, la
bêtise, que dis-je, l'ignorance est encodée. C’était à moi de le
voir et de ne pas tomber dans le panneau. Finalement il est arrivé à
me culpabiliser ce connard, et je me sens complètement fautif de
m’être laissé aller à cette foutue colère. Ça c’est la vérité. Je
vous l’dis moâ. La route est longue et difficile.
Elle : Et des jugements que nous prenons pour des constats !
Oui,
nous ne supportons pas nos émotions dites négatives. Nous en avons
des idées et ces idées, nous n'en doutons pas une seconde, ne sont
pas des idées mais des certitudes, des vérités, des constats. Des
certitudes, des vérités, des constats ? Oui, pour notre mental !
Parce que ces idées font partie du social, du culturel, du
religieux, du spirituel, du familial. Nous vivons dans un monde où
l'expression des émotions est considérée comme une faiblesse, comme
un handicap. Et j'en reviens à l'identification : étant identifié
au social, au culturel, au religieux, au spirituel, au familial, en
définitive ETANT IDENTIFIE AUX AUTRES, nous aurons donc,
inévitablement, de fait, cela ne peut être autrement, des idées sur
nos émotions. Ainsi, les jugements que nous plaquons sur les
émotions, la présence de ces jugements sont la conséquence de
l'identification au milieu dans lequel nous avons grandi : nous
prenons pour vrais les points de vues générés par la société, la
famille, la religion, par les Autres… L'IDENTIFICATION CREE
L'IGNORANCE. Tous ces jugements sont signe que nous sommes
assujetti, dépendant inconsciemment de points de vue.
Enfin,
pourquoi les considérons-nous comme négatives ? Y aurait-il un
seuil zéro en dessous duquel seraient consignées toutes les
émotions dites de basses vibrations énergétiques et au-dessus
duquel seraient rapportées toutes les émotions dites de hautes
vibrations énergétiques ? Bien sûr, ce seuil n'existe pas, ce sont
nos jugements qui sont à l'origine de cette appréciation. Lorsque
nous ressentons une émotion, il n'y a que vibrations. Et si ces
vibrations nous semblent négatives c'est qu'avant tout elles nous
incommodent, nous dérangent, dérangent notre confort, notre bonheur
superficiel, notre sommeil enténébré d'ignorance.
Lui : Ah ! Les zautres, les zôtres. Les zôôôtres. Je m’en passerais bien. PFFFFUIT !!!!!
Mais
: ILS SONT LA ! Tout autour, de partout. Arrgh ! J’étouffe et ça
depuis ma naissance et tiens-toi bien, j’ai appris que même avant
celle-ci quand je n’étais qu’un fœtus, ils étaient déjà là, à
comploter pour ma vie future alors que je n'étais pas encore né.
Ils étaient déjà là, à se poser des questions : "il ressemblera
à qui ? Son père ? Ce serait bien. Sa mère ? Oh ! Après tout,
pourvu qu’il ne ressemble pas à l’oncle Henry. Ça suffit, un, dans
la famille mais va savoir avec les mômes de nos jours. Ils sont
capables de tout pour nous emmerder." Et puis, est-ce que je serai
une aubaine pour leur fierté de géniteurs.
Pour commencer, les premiers zôtres que j’ai connu et MOÂ je te le dis, pas les moindres, tudieu ! Mes vieux !
Ceux-là,
ils ont profité, lâchement, que j’étais relativement vierge de
tout, pour me faire avaler, ingurgiter toutes leurs morales, leurs
doctrines, enfin celles qui les arrangeaient bien sûr.
Parce
qu’après, figure-toi, j’en ai découvert plein d’autres, des
théories, des dogmes, des doctrines, des lois et celles-ci étaient,
tiens-toi bien, divines ! Oui ! Tu as bien entendu, divines, elles
étaient les lois. Le summum non ?
Apparemment en
contradiction avec celles du cercle familiale, amical, mais en y
regardant de plus près, là, maintenant, je peux m’apercevoir
qu’elles ne font que renforcer ou peaufiner celles de la matrice
primordiale. Les divines venaient elles aussi des zôtres, des
zôtres encore, de ceux qui sont plus évolués, plus inspirés, plus
haut, plus loin. Oui OUI il y a des zôtres encore plus loin que ça,
qui te refilent encore plein de nouveaux concepts sur le chemin à
parcourir où il faut faire table rase des émotions ou du moins de
leurs expressions. Enfin je dis : qui te refilent mais c’est toi
qui choisis en fonction de ce qui t’arrange bien sûr, et de ce qui
te convient. Et tu cherches parce qu’à ce moment-là, tu es un :
Chercheur, vieux frère. Tout ce qui va dans le sens de la
perfection, de la pureté, de la sainteté, tout ce qui va enfin
pouvoir te libérer de ta condition humaine avec ce qui va avec,
tout cela est bon. Transcendé, je serai. Alors je découvrirai un
endroit merveilleux où les autres ne seront plus un problème parce
que je serai au-dessus d’eux.
Ah ! L’espoir !
Heureusement il y a l’espoir -l’espoir fait vivre à ce qu’il
paraît-, sortir de ma condition humaine, atteindre le nirvana sorte
de « Disneyland » doublé « Hollywood », monde merveilleux où les
pensées n’ont plus cours et où je pourrai être enfin ce que je suis
c'est-à-dire formidable, brillant, plein de lumière. Sans rien qui
puisse venir ternir ma vision idyllique. L’égal des dieux.
J’exagère
? Vous dites ? C’est juste les mots qui paraissent trop forts
sinon à bien y regarder, qu’est-ce je veux. Le plus, non ? Le plus
du plus tant qu’à faire.
En attendant, je ne baise plus car il faut garder son énergie sexuelle pour le chemin.
Et
je suis descendu dans des énergies aux vibrations si basses mais
si basses tellement je médite, que tout m’agresse quand je sors
dans la rue. Le bruit, les autres, tous les autres.
Aucune colère pourtant ne sera exprimée ni d’autres formes de faiblesses, bien sûr.
Pourtant,
je commence à douter, Oh ! léger. Ce qui m’a dirigé, soutenu
pendant toutes ces années, je ne peux le larguer comme ça, pas vrai
? Pourtant, je commence à être fatigué de tous ces autres qui me
disent que c’est là, que je suis sur le chemin, le vrai de vrai
avec encore de l’abstinence et de la rigueur.
Une fatigue me prend. Une lassitude.
Et moi qu'est-ce que j'en pense ?
Elle:
Alors, cela est assez simple, tant que nous ne verrons pas que nous
sommes identifiés à des idées, identifiés voulant dire (je le
répète) que nous prenons ces idées pour réelles, véridiques, pour
des constats, NOS YEUX, NOTRE CONSCIENCE SERONT ENGLUES, PRIS
D'IGNORANCE. Nous ne verrons pas le réel, nous ne serons pas en
contact avec le réel, mais en contact avec ces idées. Et nous
aurons beau méditer, faire du taiji quan ou du yoga, ou je ne sais
quelles autres techniques actuelles énergétiques, méditations,
acupuncture, chamanisme, même dans certains domaines de la psychologie,
je pense à celle qui traite du comportement…, aucune d'entre
elles ne nous apprendra à nous rendre compte que nous sommes identifié,
que nous sommes esclave (esclave parce qu'inconscient) des pensées
ou points de vue limitants du monde dans lequel nous sommes né,
parce que des pensées ou points de vue que nous avons fait nôtre.
Un exemple : Vrai ou faux : être sans émotion = être paisible ?
Nos
émotions, tout comme notre intellect, nos expériences énergétiques,
nos réactions, notre corps et sa santé, sont des expressions de
ce que nous sommes. Des expressions. Nos idées nous empêchent de
comprendre, de ressentir, de reconnaître ces expressions. Dans ce
monde somme toute assez obscur (à mon sens, ceci est un constat), nous
confondons être sans émotion et être en paix. Nous pensons
qu'être sans émotion est signe que nous sommes en paix. Cette idée
dénote la présence d'un infantilisme qui lui-même provient d'un
besoin impérieux - et néanmoins nié - d'être aimé et qui provoque
un besoin non moins impérieux de faire taire le volcan qui grouille
en nous afin d'être reconnu comme sage, paisible, plein
d'assurance.
Lui: Soixante quatre ans aux cerises.
Mon
désir d’atteindre cet endroit qui n’est pas un endroit qu’ils
disent, s’éteint doucement mais sûrement. L’apathie, la dépression,
la tristesse m’envahissent de plus en plus souvent et je n’arrive
même pas à pleurer. J’aimerais tellement y arriver, je pressens que
ça me ferait un bien fou mais vous savez, ça va de soi, pour un
homme c’est pas bien, pas correct, ça fait pas mâle, c’est bon pour
les femmes ça ! D’ailleurs mon père disait : "Il faut que tu
sois fort sinon tu ne seras qu'une hommelette, qu'une femmelette."
Alors je ne sais plus faire. Je regarde des films qui me font pleurer et j’ai honte. Vous savez cela ?
Et
la colère gronde toujours en moi, je ne la laisse pas s’exprimer
préférant me faire quelques maladies bien douloureuses. Sans doute
pour payer la faute de ne pas être arrivé à faire taire cette même
colère qui m’habite.
La lutte contre les émotions
m’épuise et la culpabilité engendrée par leurs expressions quand
celles-ci se manifestent me tue. Alors pour ne plus avoir à subir
ces retours de bâtons, je suis devenu, je m'en rends compte,
rigide, dur et hautain. Je pioche dans les différentes traditions
spirituelles pour justifier mon comportement.
Je suis
devenu cynique, enfin quand je dis devenu…… envers ceux qui
expriment leurs émotions. Ils n’ont rien compris et ne sont pas sur
la voie de la liberté. Alors, j'explique à ces pauvres hères. Je
suis ainsi reconnu pour mon côté bienveillant et en plus dans la
panoplie, je me taille un costard d’adulte responsable, reconnu,
aimable, drôle et sympathique. Reconnu également comme un être
profond qui manie la syntaxe, les idées et idéaux et qui sait ce
qui est bon pour vous.
Surtout si dans ce qui est bon pour vous contient l’idée que je suis le meilleur.
Tout cela me fatigue.
Où est l’erreur ?
Et si tout depuis le début était tronqué ?
Toute
cette littérature, tous ces personnages, ces êtres plein de
charisme appelés instructeurs, gourous, maîtres, sages, saints.
Jamais
remis en cause, toujours écoutés avec respect. Eux ! Là-haut sur
leur piédestal que je leur ai fabriqué. Les doctrines répétées,
jamais mises à l’épreuve du feu de l’expérience. L’espoir au bout
du bout, là-bas, toujours là-bas et surtout le « ici et maintenant
». Il faut arriver à « ici et maintenant ». Voilà le paradoxe
non ? Il faut arriver à « Ici et maintenant » mais plus tard là-bas
quand tu seras pur, détaché de toutes pensées, émotions,
sentiments et de tous. Je ne supporte plus le « ici et maintenant
».
J’en peux plus. J'en veux plus.
Etre
sans émotion n'est pas, n'est aucunement synonyme d'être en paix.
Etre sans émotion est signe à 100% que nous nous contrôlons, que
nous sommes identifié à des idées, que nous refoulons notre
inconscient et/ou le mettons sous silence (par exemple en l'entourant
d'énergie lumineuse), que nous ne nous connaissons pas et sommes dans
l'ignorance et dans une rigidité mentale. Et une ignorance qui
peut avoir pour visage l'érudition spirituelle, cela n'empêche en
rien. Car ce n'est pas parce que l'on est érudit que l'on a saisi,
que l'on comprend. L'érudit n'est pas exempté du mécanisme
identificatoire. L'érudit a un intellect, une mémoire qui lui
permettent d'engranger un grand nombre de savoirs intellectuels. Le
savoir intellectuel n'est pas synonyme "d'être avec le réel"
mais synonyme "d'être rempli de savoirs".
Elle: Etre sans émotion est encore du domaine de l'identification.
D'ailleurs,
lorsque nous sommes pris par l'identification aux émotions (je
parle toujours des émotions dites désagréables) qui se manifestent
en nous et que nous les jugeons sévèrement, si nous observons
attentivement ce qui se joue intérieurement, nous allons constater
certains grands types de comportements, comportements que je préfère
appeler mécanismes :
- le contrôle des émotions déjà décrit plus
haut qui est plutôt une attitude masculine. Contrôle ? Maîtrise
? Y aurait-il une différence entre les deux ? Nous répondrions,
aussi rapide que l'éclair : "bien sûr, sans nul doute, ce sont deux
choses très différentes." Et nous refusons obstinément de voir que
la maîtrise, car nous parlons de maîtrise de nos émotions, qui a
notre faveur n'est que du contrôle, car nous voulons arriver à être
un maître… Car oui, nous louons la maîtrise des émotions sans voir
aucunement que nous ne faisons que contrôler. La maîtrise est le
joli mot que nous employons pour nous faire croire que nous sommes
davantage évolué. Nous maîtrisant, nous contrôlant, nous nous
manipulons sans vergogne et manipulons de même nos relations aux
autres.
- la victimisation plus féminine,
- l'attitude de
supériorité vis-à-vis de nos émotions, attitude liée à une
identification au social et au milieu professionnel, mais aussi à
une identification aux enseignements spirituels, religieux,
philosophiques, psychologiques, lorsque ces enseignements restent
intellectuels. Cette attitude pourra d'ailleurs prendre la forme de
la sainteté qui deviendra elle-même soit de l'intégrisme s'il y a
prédominance masculine soit du sacrifice s'il y a prédominance
féminine. Mais tous deux, intégrisme et sacrifice se surimposent à
un sentiment de supériorité. Une autre émotion qui souvent a
notre faveur et qui fait partie de ce mécanisme de supériorité :
l'émerveillement. L'émerveillement ? Encore une image très
appréciée dans le milieu spirituel et non-duel. Car l'émerveillement
renvoie aux éveillés et… à la spontanéité. Nous serons donc
émerveillés.
Quand je parle d'attitude masculine ou
féminine, je ne parle pas de l'être sexué, de l'homme et de la
femme, je parle de la masculinité et de la féminité qui vivent en
nous tous, que nous soyons homme ou femme.
Mais qu'il
s'agisse du contrôle ou de la maîtrise, de la victimisation ou de
l'attitude de supériorité, derrière ces mécanismes réactionnels
(car il s'agit bien de mécanismes réactionnels), en amont, il y a
toujours identification à des idées. Ces réactions ne sont pas des
émotions, mais bien des réactions à des jugements duels, bien-mal,
jugements du type : "l'orgueil, la luxure, la rancoeur, c'est mal."
Alors pris par des jugements, comment pouvons-nous nous rendre
compte lorsque ces émotions dites négatives se manifestent en nous ?
Nous ne le pouvons pas.
Les crises émotionnelles
Cependant,
lorsque nous sommes pris par une émotion très forte – nous
appelons cela une crise -, est-ce que ce que j'énonce est toujours
valable ? Dans tous les cas, ce que j'énonce ne vaut rien si cela
reste de l'ordre de l'intellect. Tant que vous n'avez pas expérimenté
par vous-même, dans le quotidien ce que vous lisez, tant que vous ne
le mettez pas à l'épreuve, ce que vous lisez n'a aucune valeur
sinon une valeur mondaine, intellectuelle, un savoir de plus. Donc
lorsque nous sommes pris par une émotion très forte, que faire ?
Parce que tout de même, qui dit être pris par une émotion très
forte, dit être identifié et dans ces cas-là, et bien… Et bien, il
n'y a qu'identification.
Attention, cela est constat. Il n'y a
aucun jugement à être identifié. Je ne prône pas la
non-identification. Je prône le réel. Et le réel dans ce cas bien
précis est le fait d'être identifié. Alors ? Quoi faire ? Cela
dépend de votre caractère ! Je n'ai pas de solution miracle.
Appeler un copain, téléphoner à votre homéopathe, regarder un film à
la télé, prendre rendez-vous chez un psychanalyste, courir, faire
du sport, un gâteau, faire des achats, taper dans un punching-ball
ou des coussins, prendre la voiture et faire un tour, avaler un
médicament… Tout dépend aussi de l'émotion. Mais il me semble
cependant que dans ces cas-là, être soutenu, accompagné est
primordial.
Si l'émotion est très forte c'est aussi que la douleur
intérieure a atteint un paroxysme, c'est signe que personne ne
nous a écouté, ne nous a reconnu dans notre souffrance. Et si
personne ne nous a écouté, comment pouvons-nous nous-même nous
écouter, avant cela, savons-nous que nous pouvons nous écouter ?
Ecouter, respecter, reconnaître ce qui se vit en nous-même s'apprend, et ceci nécessite le concours d'un autre.
Que désirons-nous ?
Alors,
la question qui se pose est on ne peut plus logique : aurions-nous
le désir d'apprendre à aimer ces émotions (émotions, réactions,
pulsions, sentiments, sensations, douleurs…) qui se manifestent en
nous ? Ou préférons-nous nous maîtriser ? Ou emprunterons-nous le
chemin de l'irresponsabilité (c'est toujours la faute des autres si
je suis mal) afin de pouvoir être reconnue comme victime à vie ?
Ou entreprendrons-nous de méditer pour calmer l'émotion (synonyme
de contrôle) ? Que désirons-nous vraiment ? Etre un étranger pour
nous-même, un ennemi, ou être un ami pour nous-même ? Il n'y a pas
de mieux. Il n'y a que ce que nous voulons, pouvons, désirons,
sommes en mesure de vivre. Préférons-nous rester identifié à des
idées, des jugements, des a priori sur les émotions ? Est-ce pour
nous, la réflexion est une prise de tête ?
Voyons,
qu'est-ce qui vit en nous-même lorsque nous sommes pris par ce type
de comparaison : "plus je suis paisible extérieurement, plus je
suis sage et mature" ? Peut-être est-ce l'enfant en nous qui a un
grand besoin d'être reconnu ? Il aimerait avoir la meilleure note,
le plus beau trophée. Pourquoi espère-t-il être le numéro 1 ? Parce
qu'il attend, il espère que ses parents, son père et/ou sa mère,
vont le reconnaître et l'aimer. Et l'adulte que nous sommes –
l'adulte, la personne d'un certain âge, ou celle très âgée,
l'ignorance n'a pas d'âge, la conscience non plus – l'adulte, donc,
est identifié à cet enfant que nous avons été et qui vit toujours
en nous, sauf que nous n'avons aucune conscience que nous nous
identifions à cet enfant en nous. A l'enfant en nous ? Oui, à cette
partie de notre inconscient ; car l'enfant que nous étions, si
nous le refusons, le nions, par le fait même que nous le refusons
ou le nions passe du conscient à l'inconscient. Et plus nous
nierons ce besoin de reconnaissance et plus nous serons dans la
comparaison, dans un vouloir plus, encore plus, plus de connaissances,
plus évolué, plus sage, plus "vide", plus confiant, en
définitive, plus nous serons dans l'avoir…
Une colère doublée de tristesse se propage en moi.
Que veulent-elles me dire ?
La
colère est là, la tristesse est là. Elles m’envahissent, me
submergent. Je ne peux le nier. Prendrai-je le risque de les voir
s’épanouir et de les vivre, de les reconnaître et ainsi de remettre
en question toutes ces croyances qui m’ont servies de supports, de
béquilles pour me tenir debout et survivre pendant toutes ces
années ? Trahir des convictions qui me servent de FOI, enracinées
par des années et des années de lectures, de méditations, de
travail auprès de maîtres divers et variés ?
Mais à qui ? Oui
à qui appartiennent ces jugements ? Jugements qui se dressent sur
la route de ce qui se manifeste, de ce qui est ?
Comment en
suis-je arrivé à prendre ces jugements pour des vérités ? Les
surimposer devant ce qui est vivant et qui se vit, pour nier et cacher
ce qui se vit ?
Une vision apocalyptique se déploie devant mes sens apeurés.
Et si ? Et si je remettais en question toutes ces croyances, tous ces jugements, source de l’image que je dis être moi.
L’angoisse
m’envahit. Et si je remettais en question toutes ces croyances,
serai-je différent par la suite ? Aurai-je encore la force de
contrôler les émotions qui m'habitent ? Ou se manifesteront-elles,
s'extérioriseront-elles, là, face à moi et… aux autres ?
Je ne peux pas faire ça. J’ai trop à perdre.
Mais
qu'ai-je à perdre ? Et puis… une question se profile, là, dans mon
regard, je le vois, elle provoque un silence apaisant, une absence…:
et puis, qui a à perdre ?
Au fond, oui, qui, en nous, a
peur de perdre ? Et, qu'avons-nous peur de perdre comme repères ?
Car toutes ces idées sur les émotions sont des repères. Et de
manière générale, toutes les idées que nous avons sont des repères.
Et les repères sécurisent, nous sécurisent.
En fait, j'en reviens toujours à cette interrogation : désirons-nous être sincère envers nous-même ?
Refuser
nos émotions, les contrôler est une manière de nous nier. C'est là
aussi un constat. Mais peut-être est-ce trop douloureux de
reconnaître ces émotions qui vivent en nous ? Peut-être est-ce trop
douloureux parce que l'image que nous avons de nous va être
détruite, ou tout du moins bousculée par ce que nous allons
découvrir : nous qui nous pensions sûr de nous, nous nous rendons
compte que nous avons besoin d'être soutenu. Nous qui nous pensions
au service des autres, nous découvrons que nous ne sommes que dans
l'orgueil. Peut-être est-ce tout simplement trop douloureux parce que
le vécu familial a été extrêmement douloureux ?
Qu'expriment nos émotions ?
Nos
émotions, pour la plupart d'entre elles, expriment ce que nous
petit enfant, enfant, adolescent, jeune homme ou jeune femme n'avons pu
assimiler ou comprendre. Toutes expériences douloureuses et qui le
restent, parce que nos parents n'ont pu ou n'ont su nous
accompagner ou n'en avaient rien à faire, toutes ces expériences,
toutes ces douleurs demeurent en nous-même, tapies dans notre
corps. Et malgré le fait qu'elles soient inconscientes, elles vont
régir notre vie de telle sorte que ce sera en fonction d'elles que
nous réagirons aux autres et aux événements. Ce ne sera pas nous en
conscience qui agiront mais ces mémoires qui régleront notre vie.
Lui :Il
me le faut ce véhicule, un VSL ça s’appelle. Il me faut sortir ma
mère de l’hôpital pour lui faire visiter un « mouroir »
pompeusement appelé maison de retraite. Vous savez celle dont on ne
sort que les pieds devant. Mais je m’égare. A l’accueil de cette
entreprise d’ambulance, un secrétaire vaguement blonde déjà bien
mûre, pleine de pouvoir et d'assurance qui la font déborder de
partout et qui trône derrière son bureau NE VEUT PAS satisfaire ma
demande ! Elle refuse d’écouter, de comprendre. Non ! Elle ne veut
pas. Même essayer un tout petit peu. Fermée à double tour, Madame !
Et en plus elle me soupçonne d’intentions peu honnêtes. Je ne sais
quoi ! Un enlèvement peut-être ? Mais qui voudrait enlever ma mère
? Je vous le demande ?
J’explique encore calmement,
puis plus fort, je m’énerve, je craque, une envie de pleurer me
secoue. Je sors du bureau en claquant la porte, donne un coup de
pied au chien attaché sur le perron. Fais un écart. C’est qu’il
voudrait me mordre, ce con. Rejoins le parking, monte dans la
voiture, embraye, passe la première, attends devant la barrière
qu’un gardien en uniforme tarde à lever.
A ce moment-là,
je maudis l’univers dans son entier. Un sentiment d’injustice me
submerge, m’envahit. Je suffoque, une crise d’asthme pointe son
nez. Je tousse à perdre haleine.
Je ne suis plus dans la voiture.
J’ai
15 ans, révolte et sentiment d’injustice m’habitent, je peste et
tempête. Tout le monde est contre moi et personne ne veut
m’entendre. Là, dans cette voiture, devant cette barrière qui reste
immobile, possédé par cet ado à qui personne n’a donné le droit de
parler, de s’expliquer, de se révolter, je fulmine et rage.
Et cette blondasse qui ne voulait rien entendre et qui me regardait d’un air suspicieux ? Et cette envie de pleurer ?
QUOI
? MA MERE ? DEVANT MOI ? LA ? Je n’en reviens pas. Cette mère qui
ne voulait pas comprendre, ni écouter et qui me regardait de son
œil plein de soupçons en pensant que de toutes façons je mentais et
à qui je criais en pleurant : « Non maman ! Non maman ce n’est pas
ça ! Ecoute moi. Je ne veux pas te faire de mal. Je n’ai rien
fait. »
Bordel ! Le petit garçon est là aussi. Et je ne
l’ai pas vu, pas entendu et pourtant il pleure et crie comme l’ado
crie aussi.
Mais qui va les écouter aujourd’hui. Ils sont
toujours là, réclamant l’écoute et l’amour dont ils ont tant
besoin. Qui ? Qui peut les écouter et les aimer ? Qui ? Sinon moi.
Elle
: Nos émotions sont en lien avec notre vécu passé. Nous avons un
prix à payer à notre passé, à nos douleurs qui toutes ont pour
origine des incompréhensions et des non-dits, douleurs qui ont
toutes pour source le sentiment d'avoir été abandonné. Ce prix est
celui de reconnaître et d'accueillir ces manques, ces abandons, ces
rejets, ces humiliations que l'enfant que nous avons été a vécu.
De les reconnaître et de les accueillir sans demander à l'enfant de
changer, sans lui demander d'être moins en demande, d'être moins
fragile, d'être plus fort. De les reconnaître et de les accueillir
tels qu'ils sont. De parler à cet enfant, ado…, de mettre des mots
sur ce passé afin que l'incompréhension s'éclaire et devienne
discernement.
L'enfant que nous avons été, le fœtus, le
nourrisson… ont besoin de nous. C'est, à mon sens, et c'est dans
tous les cas ce que je constate dans mon vécu, dans cette amitié,
dans cet accompagnement à nous-même que nous apprenons à être un
témoin bienveillant pour nous-même, et ainsi, que nous pouvons voir
sans trier ce qui s'exprime en nous. Et ce n'est plus d'un témoin
bienveillant théorique dont il est question, mais bien d'un témoin
bienveillant vivant : nous-même.
Je vous invite à cela.
Et…
après ce "retournement", avons-nous encore des émotions ? Cette
question est posée par un mental qui souffre et dont les émotions
sont vécues comme douloureuses. Encore une fois, s'il n'y a plus
d'émotions, c'est que nous sommes mort intérieurement. Mort ? Oui,
sclérosé, rigide. Hiératique. Figé. S'il n'y a plus d'émotions,
cela signifie que nous sommes identifié à l'idée que nous devrions
ne plus être dans des émotions, passé un accompagnement en
profondeur.
La vie est émotions.
Disponible, attentif à ce qui se manifeste, nous n'avons plus d'idée concernant ce que nous devrions être.
Hélène Naudy et Jean-Claude Moussey
Non-Dualité
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