Moi ce que je voulais, c’était un peu de
tendresse, pas seulement baiser, c’est con mais au bout d’un moment, le
sexe est triste, il ne te raconte plus rien, moi je voulais des bras et
des sourires, que quelqu’un prenne le temps de faire semblant de me
plaire, je voulais de la tendresse mais ca ne se fait plus.
Peut-être
parce qu’être tendre c’est compliqué, parce qu’on se livre plus en
soutenant un regard ou en murmurant qu’en défonçant des culs, qu’il faut
plus d’intimité pour être tendre que pour la plus profonde des
sodomies, parce qu’on ne fait finalement que se masturber dans l’autre
en attendant que le temps passe, et que c’est triste, tout ce vide. Je
ne voudrais pas être vide, intéressant choix de mot pour une grosse
dirait mon psy, je ne voudrais pas être vide et ne rien vivre que des
bonheurs faciles et instantanés, figés en poudre humide comme ces soupes
dégueulasses qu’on te refourgue à la cantine. La tendresse, ce mot à la
con, loin des montages de cagoles enflammées qui déclarent par photo
montages leur amour éternel au premier kéké, ce truc doux et dingue qui
te pousse à te poser à côté de quelqu’un, juste pour être bien.
C’est peut-être ce qui fout tout le
monde le cul par terre devant des videos de Free Hugs, ces inconnus qui
proposent à d’autres inconnus de les serrer quelques secondes contre
leur coeur, cette tendresse humaniste, gratuite, je te serre parce que
je te reconnais, et que tu mérites d’être serré, c’est débile de le
décortiquer, ca devrait être évident. Et pourtant, des millions de vues,
de commentaires émus, juste parce que tu prends quelqu’un contre toi,
sans penser un instant à lui sucer la bite ou à explorer son vagin, à
lui tirer des tunes ou même à connaître son prénom, juste la force
stupide du lien qu’on crée en s’autorisant à être tendre, pour rien.
Bien sur ca ne change pas le monde, je ne crois pas aux énergies
décuplées par le frottement des corps, mais ca change le cours de la
journée, un hug, un calin, un coup de fil, un baiser. T’es pas obligé
d’y croire, tu peux même trouver ca niais, à chier, mais ca fonctionne,
méthode approuvée, quelques secondes de calme, la possibilité d’être
soi, la chaleur de l’autre qui colle à ton pull quand tu t’en vas.
J’aime poser ma main sur l’épaule de ma mère quand elle conduit, c’est
mon truc à moi, ma tendresse, même si elle ne le sait pas. J’aime serrer
mes amies contre moi, fort, jusqu’à ce qu’elles s’en aillent asphyxiée.
Et j’aime être serrée.
Je me demande ce qui merde à l’intérieur
pour qu’on se refuse tout ca. Pour que certains aient peur de se
montrer tendres, doux, parce que tu comprends, elle va s’attacher, elle
va se faire des films, et puis je suis pas comme ca, la tendresse, on ne
me l’a jamais donnée. Pour que certaines se blindent derrière des
couches de béton armé, maquillées à l’acide, le cynisme d’abord, le
doux, jamais, ou alors en privé, quand elles pleurent, quand elles se
laissent enfin aller. Je me demande pourquoi je ne peux pas écrire de
jolis billets amoureux parce que j’ai peur d’être traitée de romantique
mongole, de niaise à tête de licorne. Pourquoi je ne suis pas cette
fille qui organise de jolies surprises, pourquoi je préfère faire rire
plutôt que de me laisser toucher. Y’a la peur, le manque de confiance en
soi, la culture du LOL, l’impression de toujours tout faire foirer. Et
puis le monde qui tourne mal, avec des cadenas sur les poubelles pour
empêcher les pauvres de voler des produits périmés, ce genre de nouvelle
hyper violente qui me fout des crampes, la boule au ventre, envie de
dégueuler, de me mettre en colère, pas de m’attendrir ou de baisser ma
garde. Tout me fait violence, sans exagérer, j’ai presque honte de mes
envies de tendres, alors je les remballe, et je regarde ceux qui savent
kiffer.
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