Y’a ton visage dans les draps, au pied
de la couette, imprimé, tout froissé, la bouche ouverte, les dents qui
crient, y’a tes yeux qui roulent sur le parquet, grands ouverts, ta peau
en petits tas sur la table de l’entrée, mélée de poils, ta barbe, posée
au coin de la porte. Y’a ton odeur laissée un peu partout, surtout
quand je l’oublie, y’a ton t-shirt roulé en boule, humide et pourri. Y’a
moi, juste là, qui pense à ces petits bouts de toi que j’imagine
surement, qui n’existent même pas. Y’a mes doigts qui cherchent les
tiens, y’a ma peau qui voudrait bien mais qui ne peut pas, y’a ma tête
qui m’échappe quand je pense à toi, y’a tout ca, et surtout du silence,
de la musique parfois. J’en fais des dessins, j’écris pour de vrai, avec
mes mains, dans un carnet que tu ne liras pas, je crayonne des lignes
et je rature mon nom, j’entends la porte. Le chat s’asseoit, inquiet,
près de ma tête, il monte sur mon ventre, il ronronne. Tout ca c’est
chez moi, quand tu n’y es pas.
Je peux pas dire que ce soit douloureux,
que j’en souffre, ou même que j’y pense. Ca me vient là, sans que je
convoque quoique ce soit. Ca me vient comme une évidence, de vouloir que
tu sois là. Ca monte quelque part dans mon ventre, pour finir par
flotter tout autour, pour s’imposer doucement, la dictature du
sentiment. Je peux pas dire que ca soit désagréable, de t’imaginer, de
te faire dire tout ce que j’ai envie d’entendre, de mettre ma langue
dans ta bouche, comme ca. C’est comme un rituel rassurant, tout se
passera bien, puisque je décide de tout. Il n’y a pas d’angoisses, pas
de questions, pas de mots à trouver qui ne viendraient pas. Il n’y a pas
d’après, pas de manque, pas de regret, puisque tu es là. C’est pas pour
de vrai, je sais. Est ce que ca compte, que ca soit vrai ou pas, j’ai
du mal à faire la différence parfois. Baby baby baby. Je suis pas
crooner pour un rond, mais parfois j’aimerais bien. Séduire comme ils
font dans les vieilles chansons. Sussurer un truc bien cliché dans ton
oreille et te voir rougir. Te séduire comme les garçons font dans les
films pour filles, te promettre la lune, te mentir. Te jouer de la
guitare même. Je suis un mec comme ca.
Je voudrais te faire danser. Au milieu
du salon, juste pour rien, parce que la chanson est en sucre, parce que
je suis contre toi. Viens danser, je te dirais. Viens, allez. Avec la
lumière et rien pour te cacher. Juste ton nez dans mon cou. Je voudrais
te regarder te laisser danser. Mais les filles ne font pas ca. Pas moi
en tout cas. Je voudrais être ton mec, mon amour, je voudrais être en
toi. Même pas pour le sexe, même pas pour jouir. Je voudrais juste
sentir ce que ca fait. D’être toi. Avec ta peau et tes poils et ton dos.
Mettre mes doigts dans tes yeux, sentir comme c’est mouillé. Voir ce
qui se cache derrière. Aspirer tes oreilles. Couper tes ongles avec mes
dents. Manger tes croutes. Mesurer tes pieds avec mes mains. Je voudrais
te goûter. Je voudrais t’avaler. Moi si j’étais un homme, je serais
cannibale.
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