mercredi 28 mai 2014

Cannibale


Y’a ton visage dans les draps, au pied de la couette, imprimé, tout froissé, la bouche ouverte, les dents qui crient, y’a tes yeux qui roulent sur le parquet, grands ouverts, ta peau en petits tas sur la table de l’entrée, mélée de poils, ta barbe, posée au coin de la porte. Y’a ton odeur laissée un peu partout, surtout quand je l’oublie, y’a ton t-shirt roulé en boule, humide et pourri. Y’a moi, juste là, qui pense à ces petits bouts de toi que j’imagine surement, qui n’existent même pas. Y’a mes doigts qui cherchent les tiens, y’a ma peau qui voudrait bien mais qui ne peut pas, y’a ma tête qui m’échappe quand je pense à toi, y’a tout ca, et surtout du silence, de la musique parfois. J’en fais des dessins, j’écris pour de vrai, avec mes mains, dans un carnet que tu ne liras pas, je crayonne des lignes et je rature mon nom, j’entends la porte. Le chat s’asseoit, inquiet, près de ma tête, il monte sur mon ventre, il ronronne. Tout ca c’est chez moi, quand tu n’y es pas.
Je peux pas dire que ce soit douloureux, que j’en souffre, ou même que j’y pense. Ca me vient là, sans que je convoque quoique ce soit. Ca me vient comme une évidence, de vouloir que tu sois là. Ca monte quelque part dans mon ventre, pour finir par flotter tout autour, pour s’imposer doucement, la dictature du sentiment. Je peux pas dire que ca soit désagréable, de t’imaginer, de te faire dire tout ce que j’ai envie d’entendre, de mettre ma langue dans ta bouche, comme ca. C’est comme un rituel rassurant, tout se passera bien, puisque je décide de tout. Il n’y a pas d’angoisses, pas de questions, pas de mots à trouver qui ne viendraient pas. Il n’y a pas d’après, pas de manque, pas de regret, puisque tu es là. C’est pas pour de vrai, je sais. Est ce que ca compte, que ca soit vrai ou pas, j’ai du mal à faire la différence parfois. Baby baby baby. Je suis pas crooner pour un rond, mais parfois j’aimerais bien. Séduire comme ils font dans les vieilles chansons. Sussurer un truc bien cliché dans ton oreille et te voir rougir. Te séduire comme les garçons font dans les films pour filles, te promettre la lune, te mentir. Te jouer de la guitare même. Je suis un mec comme ca.
Je voudrais te faire danser. Au milieu du salon, juste pour rien, parce que la chanson est en sucre, parce que je suis contre toi. Viens danser, je te dirais. Viens, allez. Avec la lumière et rien pour te cacher. Juste ton nez dans mon cou. Je voudrais te regarder te laisser danser. Mais les filles ne font pas ca. Pas moi en tout cas. Je voudrais être ton mec, mon amour, je voudrais être en toi. Même pas pour le sexe, même pas pour jouir. Je voudrais juste sentir ce que ca fait. D’être toi. Avec ta peau et tes poils et ton dos. Mettre mes doigts dans tes yeux, sentir comme c’est mouillé. Voir ce qui se cache derrière. Aspirer tes oreilles. Couper tes ongles avec mes dents. Manger tes croutes. Mesurer tes pieds avec mes mains. Je voudrais te goûter. Je voudrais t’avaler. Moi si j’étais un homme, je serais cannibale.

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