lundi 18 août 2014

La description de l’âme et du corps d’énergie dans l’oeuvre de Carlos Castaneda

 

Dans « Voir »

 
Fibres de lumière sortant du plexus solaire
« La petite fumée t’aidera à voir les hommes comme des fibres de lumière.
– Des fibres de lumière ?
– Oui, des fibres, comme de blanches toiles d’araignée. Des fils très fins qui vont de la tête au nombril. L’homme ressemble alors à un œuf de fibres vivantes. Ses bras et ses jambes deviennent de lumineux poils de soie scintillant dans toutes les directions.
– Est-ce que tout le monde a cette apparence ?
– Tout le monde. De plus chaque homme est en contact avec tout le reste, non pas avec ses mains, mais grâce à un faisceau de longues fibres jaillies du centre de son ventre. Ces fibres mettent l’homme en relation avec la totalité de son environnement, elles préservent son équilibre, elles lui confèrent la stabilité. Ainsi, comme tu le verras peut-être un jour, un homme, qu’il soit mendiant ou roi, est un œuf lumineux; et il n’y a pas de manière de changer quoi que ce soit. Ou plutôt, que pourrait-on changer dans cet œuf lumineux ? Quoi donc ? »

La « fontanelle » de la volonté, un centre de gravité au niveau du nombril
Notre volonté opère en dépit de notre complaisance. C’est ainsi que par exemple ta volonté ouvre peu à peu ta trouée.
– De quelle trouée parlez-vous ?
– En nous, il y a une trouée et, un peu comme la fontanelle sur la tête des enfants qui se referme avec l’âge, cette trouée s’ouvre au fur et à mesure que l’on développe sa volonté.
– Où est cette trouée ?
– A l’endroit où sont tes fibres lumineuses, dit-il en pointant le doigt sur son ventre.
– A quoi ressemble-t-elle ? A quoi sert-elle ?
– C’est une ouverture qui crée un espace permettant à ta volonté de s’élancer au-dehors, comme une flèche.
– La volonté est-elle un objet ? Ou comme un objet ?
– Non. J’ai seulement dit cela pour que tu comprennes. Ce qu’un sorcier appelle volonté est une force en nous. Ce n’est pas une pensée, ni un objet, ni un souhait. Cesser de poser des questions ce n’est pas de la volonté, car cela exige de penser et de souhaiter. La volonté, c’est ce qui te permet de vaincre alors même que tes pensées te déclarent vaincu. La volonté c’est ce qui te rend invulnérable. La volonté, c’est ce qui envoie un sorcier à travers un mur, à travers l’espace, dans la lune s’il le désire » (…)
Il décrivit la volonté comme une force qui était le véritable trait d’union entre l’homme et le monde. Il prit grand soin de préciser que le monde était l’ensemble de ce que nous pouvions percevoir quel que soit le mode de perception envisagé. Don Juan expliqua qu’il fallait entendre par « percevoir le monde » le processus par lequel nous appréhendons toute chose qui se présente à nous. Cette « perception » particulière s’accomplissait par nos sens et par notre volonté. Je lui demandai si la volonté était un sixième sens. Il déclara que c’était plutôt un certain rapport entre nous et le monde perçu. (…)
« Ce que tu appelles volonté, c’est le caractère et une forte disposition. Ce qu’un sorcier appelle volonté, c’est une force qui vient de l’intérieur de nous-mêmes et qui va se greffer sur le monde en dehors de nous. Elle sort par le ventre, là où sont tes fibres lumineuses. »
Il frotta son nombril pour me montrer la zone dont il parlait.

L’acquisition de la volonté
Je pourrais dire que le guerrier apprend sans se presser parce qu’il sait qu’il attend sa volonté. Et un beau jour il accomplit un acte pratiquement impossible à accomplir ordinairement. Il se peut qu’il ne se  rende pas lui-même compte de son extraordinaire exploit. Mais comme il continue d’accomplir des actes impossibles, ou comme des choses impossibles continuent à lui arriver, il finit par prendre conscience qu’une sorte de pouvoir est en train d’émerger. Un pouvoir qui sort de son corps au fur et à mesure qu’il s’avance sur le chemin de la connaissance. Au début, c’est comme une démangeaison au ventre, ou un point chaud, qui ne peut pas être soigné; puis il éprouve une douleur, un grand malaise. Parfois la douleur et le malaise sont tels que le guerrier est pris de convulsions qui peuvent durer des mois. Plus les convulsions sont sévères, mieux cela vaut. Un excellent pouvoir s’annonce par de grandes souffrances.
« Quand les convulsions cessent, le guerrier remarque qu’il a des sensations bizarres par rapport aux choses. Il remarque qu’il peut maintenant toucher tout ce qu’il veut avec une sensation qui sort juste au-dessus ou juste en dessous de son nombril. Cette sensation c’est la volonté, et quand il devient capable de s’en servir pour attraper les choses, on peut vraiment dire que le guerrier est un sorcier, et qu’il a acquis la volonté. »

Dans « Le voyage à Ixtlan » :

 
Les lignes lumineuses du monde
Ne-pas-faire est réservé aux guerriers très forts et tu n’as pas encore le pouvoir de t’y frotter. De ta main tu n’attraperais que des choses terribles. Donc exerce-toi peu à peu jusqu’à ce que ta main ne se refroidisse plus ; lorsque la main reste chaude on peut vraiment sentir les lignes du monde. »
Il s’arrêta comme pour me donner le temps de le questionner, mais avant que je n’ouvre la bouche il m‘expliqua qu’un nombre infini de ces lignes nous reliait aux choses. Il précisa que cet exercice de « ne-pas-faire » pouvait aider n’importe qui à sentir une ligne qui sortait de sa main en mouvement, une ligne que l’on pouvait placer ou jeter où l’on voulait. Il ajouta qu’il ne s’agissait que d’un exercice, car dans une situation concrète les lignes formées par la main ne duraient pas suffisamment pour servir à quelque  chose.
« Un homme de connaissance se sert d’autres parties de son corps pour produire des lignes durables.
– De quelle partie du corps ?
Les lignes les plus durables qu’un homme de connaissance puisse produire viennent du milieu de son corps, mais il peut aussi les faire avec ses yeux.
– Sont-elles réelles ?
– Certainement.
– Peut-on les voir, les toucher ?
– Disons que tu peux les sentir. Ce qu’il y a de plus difficile dans l’attitude du guerrier c’est de se rendre compte que le monde n’est qu’une sensation. Lorsqu’on ne-fait-pas, on sent le monde, et on sent le monde au travers de ses lignes. » (…)
Alors je réalisai que le soleil m’inondait de sa lumière. Vaguement je pus distinguer une lointaine chaîne de montagnes vers l’ouest. Le soleil touchait presque l’horizon. Je le fixai, et soudain je vis les « lignes du monde ». Je perçus la plus extrême profusion de lignes blanches fluorescentes qui coupaient toute chose autour de moi. Pendant un instant je pensai qu’il s’agissait de la lumière du soleil réfractée par mes cils. Je clignai des yeux et regardai à nouveau.
Les lignes restaient constantes et surimposaient à tout ce qui existait aux environs ou le traversait. Je me retournai pour observer un nouveau monde extraordinaire. Les lignes étaient visibles et constantes même quand je regardais le soleil dans le dos.

Dans « Histoires de pouvoir »

 
Le pouvoir permet la constitution d’un double
– Bien, disons qu’un sorcier peut se dédoubler, dit don Juan. C’est tout ce qu’on peut dire.
– Mais en est-il conscient ?
– Bien sûr qu’il est conscient de se dédoubler.
– Sait-il qu’il se trouve à deux endroits en même temps ?
Tous les deux me regardèrent et échangèrent  ensuite un regard.
– Où est l’autre don Genaro ? demandai-je.
Don Genaro se pencha vers moi et me regarda dans les yeux.
– Je ne sais pas, dit-il doucement. Aucun sorcier ne sait où se trouve son double.
– Genaro a raison, dit don Juan. Un sorcier ne se doute pas qu’il est à deux endroits en même temps. En être conscient serait l’équivalent de se présenter devant son double, et le sorcier qui se trouve face à face avec lui-même est un sorcier mort. Telle est la règle. C’est ainsi que le pouvoir a établi les choses. Personne ne sait pourquoi. Don Juan expliqua que, lorsqu’un guerrier avait maîtrisé les actes de rêver et de voir, et avait développé un double, il devait aussi avoir réussi à effacer son histoire personnelle, sa suffisance et ses routines. Il dit que toutes les techniques qu’il m’avait apprises et que j’avais considérées comme du bavardage creux étaient essentiellement des moyens de faire disparaître l’impossibilité d’avoir un double dans le monde ordinaire, en rendant la personnalité et le monde fluides, et en les transportant hors des limites de la prédiction.
– Un guerrier fluide ne peut plus se représenter le monde de façon chronologique, expliqua don Juan. Et pour lui le monde et lui-même ne sont plus des objets. Le guerrier est un être lumineux, qui existe dans un monde lumineux. Le double est une affaire simple pour un sorcier, parce qu’il sait ce qu’il est en train de faire. Prendre des notes est pour toi une affaire simple, mais avec ton crayon tu fais encore peur à Genaro.
– Mais un observateur qui regarde un sorcier peut-il voir que celui-ci est simultanément dans deux endroits différents ? demandai-je à don Juan.
– Certainement. Ce serait la seule façon de le savoir.

La volonté et la région ombilicale
« Genaro sent, au point où nous en sommes, qu’il doit s’assurer que tu as emmagasiné suffisamment de pouvoir personnel pour que tu puisses transformer ta volonté en une unité agissante. »
La volonté était un autre concept que don Juan avait décrit d’une manière méticuleuse, sans toutefois le rendre explicite. De ses explications j’avais conclu que la « volonté » était une force qui émanait de la région ombilicale, à travers une ouverture invisible en dessous du nombril et qu’il appelait la « brèche ». En principe la « volonté » n’était cultivée que par les sorciers. Elle leur apparaissait enveloppée de mystère et on prétendait qu’elle leur donnait la capacité d’accomplir des actions extraordinaires.
Je fis remarquer à don Juan qu’il me semblait improbable qu’une chose aussi vague pût devenir jamais une unité agissante dans ma vie.
– C’est là que tu te trompes, dit-il. La volonté se développe chez un guerrier en dépit de toute opposition de la raison (…)

Nous sommes des êtres lumineux
– Nous sommes des êtres lumineux, dit-il, en secouant la tête rythmiquement, et pour un être lumineux, la seule chose qui compte c’est le pouvoir personnel. Mais si tu me demandes ce que c’est que le pouvoir personnel, je dois te dire que mon explication ne t’en fournira aucune. (…)
– Je ne cherche pas de vraies marques sur ton corps, mais des signes, des indices, dans tes fibres lumineuses, réseaux de luminosité. Nous sommes des êtres lumineux et tout ce que nous sommes ou tout ce que nous ressentons se manifeste dans nos fibres. Les êtres humains ont une luminosité qui leur est propre. C’est la seule façon de les distinguer des autres êtres lumineux vivants.

Extension de soi
Je lui demandai ce qu’il entendait par « se fondre ». Il répondit qu’il n’y avait pas moyen de l’expliquer, que c’était le corps qui, en contact avec d’autres corps par l’intermédiaire de l’observation, sentait ou agissait. Puis il explicita la question en ajoutant que, dans le passé, il avait dénommé ce processus « voir » ; celui-ci consistait en un moment de calme véritable, suivi d’un prolongement vers l’extérieur d’une partie du moi, prolongement qui rencontrait un autre corps ou un élément quelconque du domaine de notre perception et se fondait avec lui.

 Notre puissance créatrice (nagual) appartient à l’âme
– On peut dire que le nagual rend compte de la créativité, dit-il enfin, en me transperçant du regard. Le nagual est la seule partie de nous qui peut créer. Il se tut de nouveau, en me regardant. Je sentais qu’il était enfin en train de me conduire dans un domaine sur lequel j’aurais souhaité qu’il me donnât plus de lumières. Il avait dit que le tonal ne créait rien, mais qu’il observait et évaluait. Je lui demandai comment, d’après lui, nous pouvions construire des structures et des machines superbes.
– Ce n’est pas de la créativité, dit-il. C’est de la reproduction. Nous pouvons reproduire n’importe quoi avec nos mains, individuellement ou de concert avec les mains d’autres tonals. Un groupe de tonals peut reproduire n’importe quoi, des structures superbes, comme tu dis.

Voir le nagual (monde invisible de plus haute fréquence)
– Lorsqu’on entre en rapport avec le nagual, il ne faut jamais le regarder en face, dit-il. Ce matin tu l’as transpercé de ton regard, et c’est pour cette raison qu’il t’a terrassé. On ne peut regarder le nagual que comme si c’était une affaire banale. Il faut battre des paupières pour rompre la fixité. Nos yeux sont les yeux du tonal, ou peut-être serait-il plus exact de dire que nos yeux ont été entraînés par le tonal et, par conséquent, le tonal les revendique. Une des sources de notre stupéfaction et de notre malaise, c’est que ton tonal ne veut pas quitter tes yeux. Le jour où cela aura lieu, le nagual aura gagne une grande bataille. Ton obsession, ou plutôt l’obsession de chacun, consiste à arranger le monde selon les règles du tonal ; donc chaque fois que nous sommes confrontés avec le nagual, nous dévions de notre but en rendant nos yeux rigides et intransigeants. Moi je dois faire appel à la partie de ton tonal qui comprend ce dilemme, et toi tu dois faire un effort pour libérer tes yeux. Le tout c’est de convaincre le tonal de l’existence d’autres mondes, à travers les mêmes fenêtres. Le nagual t’est apparu ce matin. Laisse donc tes yeux en liberté ; laisse-les devenir des fenêtres. Les yeux peuvent être des fenêtres qui s’ouvrent sur l’ennui ou qui plongent dans cet infini.

Sans le pouvoir, le soi est dissocié. Le pouvoir procure l’unité
Cette chère unité que j’appelais «moi » n’existait plus. Il n’y avait rien, et pourtant ce néant était rempli. Il n’y avait ni lumière ni obscurité, ni chaud ni froid, ni agréable ni désagréable. Je ne me déplaçais pas, ni ne flottais, ni ne restais sur place, et je ne constituais pas non plus une seule unité, une personnalité comme j’avais l’habitude d’être. J’étais une multitude de personnalités, qui toutes étaient « moi », une colonie d’unités séparées qui étaient particulièrement solidaires les unes des autres, et qui se joindraient inévitablement, pour former une conscience unique, ma conscience d’homme. Je ne pouvais pas dire que je le savais sans l’ombre d’un doute, car il n’y avait rien que j’aurais pu « savoir », et toutefois toutes les unités de ma conscience  » savaient » que le « je », le « moi » de mon monde familier était un faisceau, un conglomérat de sentiments séparés et indépendants, qui avaient une solidarité mutuelle inébranlable. Cette solidarité inébranlable de mes innombrables consciences, cette fidélité que toutes ces parties se vouaient respectivement constituait ma force vitale.
Une fois don Juan avait affirmé qu’au moment de notre mort, la totalité de notre être explosait et, que sans la force agglutinante de la vie, les différentes parties se séparaient et tombaient, comme les perles d’un collier cassé. On aurait pu décrire cette sensation de dispersion en disant que les pépites de la conscience étaient éparpillées; chacune était consciente d’elle-même, et aucune ne dominait les autres. Puis, quelque chose les aurait fait bouger, elles se seraient unies et auraient émergé à l’intérieur d’un espace où elles constitueraient toutes un groupe, qui était le « moi » que je connaissais. Enfin en tant que « moi », que « moi-même », j’aurais été témoin d’une scène cohérente, me montrant l’organisation du monde, ou d’une scène qui appartenait à un autre monde et qui aurait relevé de l’imagination pure, ou enfin, d’une scène de l’ordre de la « pensée pure », c’est-à-dire dont les images auraient correspondu à des systèmes intellectuels, ou à des idées reliées par des verbalisations. Dans certaines scènes, je me parlais à cœur joie. Après chacune de ces images cohérentes, le « moi » se désintégrait et, de nouveau, se réduisait à zéro. (…)

La partie énergétique (nagual) de soi est une force que l’on accède par notre centre
– On ne peut pas faire allusion à l’inconnu, dit-il.
On ne peut qu’en être le témoin. L’explication des sorciers dit que chacun de nous a un centre à partir duquel on peut contempler le nagual : ce centre s’appelle la volonté. C’est ainsi qu’un guerrier peut se hasarder dans le nagual, en laissant son faisceau s’ordonner et se désajuster de toutes les façons possibles. Je t’ai dit que la façon dont s’exprime le nagual est une affaire personnelle. Je veux dire qu’il appartient à chaque guerrier de diriger l’arrangement et le désajustement du faisceau. La forme humaine ou le sentiment est la forme originale et peut-être celle qui nous est le plus chère ; il existe pourtant un nombre infini d’autres formes, que le faisceau peut adopter. Je t’ai dit qu’un sorcier peut prendre toutes les formes qu’il désire. C’est vrai. Un sorcier qui est en possession de la totalité de soi-même peut diriger les parties constitutives de son faisceau, pour les réordonner de n’importe quelle façon, concevable ou inconcevable. La force de la vie est ce qui rend possible cet entremêlement. Quand elle est épuisée, il n’y a plus moyen de reconstituer le faisceau.
« Ce faisceau, je l’ai appelé la bulle de perception. J’ai dit aussi qu’il est scellé, hermétiquement fermé, et qu’il ne s’ouvre jamais, sauf au moment de notre mort. Et pourtant, on peut l’ouvrir. Il est évident que les sorciers ont appris ce secret et, même si tous ne parviennent pas à leur propre totalité, ils en connaissent la possibilité. Ils savent que la bulle ne s’ouvre que lorsqu’ils plongent dans le nagual. Hier je t’ai donné une récapitulation de toutes les démarches que tu as suivies pour arriver à ce stade. »

La constitution énergétique de l’être humain
En jaune, les deux points (localisation hypothétique) qui ne sont pas évoqués directement par Don Juan.

Puis il jeta des cendres sur le sol, à côté de la lampe, en couvrant une surface d’une soixantaine de centimètres carrés, et traça avec ses doigts un diagramme qui consistait en huit points reliés entre eux par des lignes. C’était une figure géométrique trapézoïdale.
Il avait dessiné une autre figure similaire quelques années auparavant, quand il avait essayé de m’expliquer que, si j’avais observé la même feuille tomber quatre fois du même arbre, ce n’était pas l’effet d’une illusion.
Le diagramme tracé dans les cendres comportait deux épicentres; l’un, il l’appela raison, l’autre, volonté. La raison était reliée directement à la parole ; en outre, la parole établissait un lien entre la raison, d’une part, et le rêve, le sentiment, et l’acte de voir d’autre part. L’autre épicentre, la volonté, était directement relié au sentiment, au rêve et à l’acte de voir et, indirectement, à la raison et à la parole.
Je remarquai que le diagramme était différent de celui que j’avais copié quelques années plus tôt.
– La forme extérieure n’a pas d’importance, dit-il.
Ces points représentent l’être humain et on peut les tracer comme on veut.
– Est-ce que vous représentez le corps de l’être humain ? demandai-je.
– Ne l’appelle pas corps, dit-il. Ce sont huit points sur les fibres d’un être lumineux. Comme tu peux le voir sur le diagramme, un sorcier dit qu’un homme est avant tout volonté, parce que la volonté est directement reliée aux autres cinq points, qui incluent le sentiment, le rêve et l’acte de voir ; puis, en deuxième lieu, l’être humain est raison. C’est à vrai dire un centre moins important que la volonté, car il n’est en relation qu’avec la parole.
– Quels sont les deux autres points, don Juan ?
Il me regarda et sourit.
– Aujourd’hui tu es bien plus fort que tu ne l’étais  la première fois que nous avons parlé de ce diagramme, dit-il. Mais tu n’es pas encore assez fort pour connaître tous les huit points. Un jour viendra où Genaro te montrera les deux qui restent.
– Est-ce que tout le monde possède ces huit points ou n’est-ce que l’apanage des sorciers ?
– Nous pouvons dire que chacun de nous vient au monde avec huit points dont deux, la raison et la parole, sont connus de tous. Le sentiment est toujours imprécis mais, d’une façon ou d’une autre, familier. Toutefois ce n’est que dans le monde des sorciers que l’on se familiarise complètement avec le rêve, l’acte de voir et la volonté. Enfin, ce n’est qu’à la limite extérieure de ce monde que l’on rencontre les deux autres points. Les huit points constituent la totalité de soi-même.
Il me montra qu’au fond tous les points du diagramme pouvaient être reliés entre eux indirectement.
Je lui posai de nouveau la question concernant les deux mystérieux points qui restaient. Il me montra qu’ils n’étaient en rapport qu’avec la volonté et qu’ils se trouvaient loin du sentiment, du rêve et de l’acte de voir, et bien plus de la parole et de la raison. Il fit un signe du doigt pour indiquer qu’ils étaient isolés, non seulement du reste, mais aussi l’un de l’autre.
– Ces deux points ne se soumettront jamais ni à la parole ni à la raison, dit-il. La volonté est la seule à pouvoir les manipuler. La raison en est si éloignée, qu’il est absolument inutile d’essayer de se les représenter. C’est une des choses les plus difficiles à comprendre ; en effet le point fort de la raison est de raisonner sur tout.
Je lui demandai si les huit points correspondaient à des zones du corps humain ou à certains organes.
– Oui, répondit-il sèchement, et il effaça le diagramme.
Il me toucha la tête et dit qu’elle était le centre de la raison et de la parole. L’extrémité de mon sternum était le centre du sentiment. La zone en dessous du nombril correspondait à la volonté. Le rêve était localisé sur le côté droit, contre les côtes. Voir se trouvait sur la côté gauche. Il dit que quelquefois, chez certains guerriers, voir et rêver se trouvaient du côté droit.

Dans « Le Second Anneau de pouvoir »

 
Complétude et pouvoir personnel
J’ai fait tout ce que le Nagual m’a dit, et une nuit, dans ce même ravin, dans cette même caverne, je me suis retrouvée complète. Je m’étais endormie exactement à l’endroit où je suis en ce moment, et ensuite un bruit m’a réveillée. J’ai levé les yeux et je me suis vue comme j’étais autrefois, mince, jeune, fraîche. C’était mon esprit qui revenait à moi. Au début, il n’a pas voulu venir plus près parce que j’avais encore l’air drôlement affreuse. Mais ensuite il n’a pas pu s’empêcher de venir à moi. J’ai alors compris, aussitôt et tout d’un coup, ce que le Nagual avait eu tant de mal à me dire pendant des années. Il m’avait dit que quand on a un enfant, cet enfant prend le bord tranchant de notre esprit. Pour une femme, avoir une fille signifie la fin de ce bord tranchant. En avoir eu deux comme moi, cela signifiait la fin de moi-même. Le meilleur de ma force et de mes illusions s’en était allé avec ces filles. Elles ont volé mon tranchant (comme disait le Nagual) de la même façon que j’avais volé celui de mes parents. C’est notre destin. Un garçon vole la plus grande part de son tranchant à son père, une fille à sa mère. Le Nagual disait que les gens qui ont eu des enfants – s’ils ne sont pas aussi têtus que vous – peuvent dire que quelque chose manque en eux-mêmes. Une certaine folie, une certaine vigueur, un certain pouvoir qu’ils avaient auparavant, ont disparu. Ils avaient cela, mais où est-ce maintenant ? Le Nagual disait que c’est dans le petit enfant courant en tous sens dans la maison, plein d’énergie, plein d’illusions. En d’autres termes, complet. Il disait que si nous observons les enfants, nous pouvons affirmer qu’ils sont audacieux : ils se meuvent par bonds. Si nous observons leurs parents, nous pouvons voir qu’ils sont circonspects et timides. Ils ne bondissent plus. Le Nagual m’a dit que nous expliquons cela en disant que les parents sont des adultes, et qu’ils ont des responsabilités. Mais ce n’est pas vrai. La vérité à ce sujet c’est qu’ils ont perdu leur tranchant. »

Retrouver la complétude = Retrouver son âme
– Un homme vide se sert toujours de la plénitude d’une femme, poursuivit-elle. Une femme complète est dangereuse du fait qu’elle est complète, beaucoup plus qu’un homme, On ne peut pas compter sur elle, elle a de l’humeur, elle est nerveuse, mais elle est aussi capable de grands changements. Des femmes comme ça peuvent se prendre en charge et aller n’importe où. Elles n’y feront rien, mais c’est avant tout parce qu’elles n’avaient rien en cours d’accomplissement. Les gens vides, en revanche, ne peuvent plus sauter comme ça, mais on peut davantage compter sur eux. Le Nagual disait que les gens vides sont comme des vers qui regardent dans tous les sens avant d’avancer tant soit peu ; ensuite ils prennent appui, avant d’avancer encore un tout petit peu plus. Les gens complets sont toujours en train de bondir et de faire des cabrioles ; presque toujours ils atterrissent sur leurs têtes, mais ça n’a pas d’importance pour eux.
« Le Nagual disait que pour entrer dans l’autre monde il faut que l’on soit complet. Pour être sorcier il faut que l’on ait toute sa luminosité : pas de trous, pas de pièces, et tout le tranchant de l’esprit. C’est pourquoi un sorcier qui est vide doit retrouver sa plénitude. Homme ou femme, il doit être complet pour entrer dans ce monde là-dehors, cette éternité où le Nagual et Genaro sont maintenant, en train de nous attendre. »

Le double est comme le soleil
Vous avez changé de couleur, juste devant nous, par deux fois. Une des couleurs était si violente que j’ai eu peur que vous ne me tuiez moi aussi.
– Quelle couleur était-ce, Gorda ?
– Blanc. Quoi d’autre ? Le double est blanc, blanc jaunâtre comme le soleil. Je la fixai. Le sourire dans ses yeux me parut tout nouveau.
– Oui, poursuivit-elle, nous sommes des morceaux de soleil. C’est pourquoi nous sommes des êtres lumineux. Mais nos yeux ne peuvent pas voir cette luminosité parce qu’elle est très pâle. Seuls les yeux d’un sorcier peuvent la voir. Et cela arrive après un combat de toute une vie.
Sa révélation m’avait pris complètement au dépourvu. Je tentai de remettre de l’ordre dans mes pensées pour pouvoir poser la question la plus appropriée.
– Est-ce que le Nagual vous a dit quelque chose sur le soleil? demandai-je.
– Oui. Nous sommes tous comme le soleil, mais très, très pâles. Notre lumière est trop faible, mais c’est tout de même de la lumière.
– Mais, est-ce qu’il a dit que le soleil était peut-être le nagual ? insistai-je encore.

 Le double
– Mais dans ce cas qu’est-ce qu’un double ?
– Le double c’est l’autre, le corps que l’on obtient en rêve. Il ressemble à soi-même.

La complétude énergétique
La valeur, c’est que nous avons besoin de tout notre tranchant, de tout notre pouvoir, de toute notre plénitude, pour pouvoir pénétrer dans cet autre monde, dit-elle. J’étais une femme religieuse. Je pourrais, encore aujourd’hui, vous réciter ce que j’avais l’habitude de répéter sans en comprendre le sens. Je voulais que mon âme pénètre dans le royaume des cieux. C’est encore ça que je veux, sauf que je suis sur un sentier différent. Le monde du Nagual est le royaume des cieux.
Par principe, je fis objection à ce parallèle avec la religion. Don Juan m’avait habitué à ne jamais m’arrêter à ce genre de choses. Elle m’expliqua très calmement qu’elle ne voyait aucune différence, en matière de style de vie, entre nous-mêmes et de vraies religieuses et de vrais prêtres ; et elle me fit remarquer que non seulement les véritables religieuses et les véritables prêtres étaient complets par principe, mais même qu’ils ne s’affaiblissaient pas par des actes sexuels.
– Le Nagual disait que c’était la raison pour laquelle ils ne seraient jamais exterminés, quelles que soient les personnes qui cherchent à les exterminer, dit-elle.
Leurs persécuteurs sont toujours vides ; ils n’ont pas la vitalité qu’ont les vraies religieuses et les vrais prêtres.
Ces paroles m’ont fait aimer le Nagual. J’ai toujours beaucoup apprécié les religieuses et les prêtres. Nous sommes comme eux. Nous avons renoncé au monde et pourtant nous sommes en plein milieu. Les prêtres et les religieuses feraient de grands sorciers volants si quelqu’un leur disait qu’ils peuvent le faire.

L’attention du nagual, le corps de rêve
Don Juan avait dit que notre « premier anneau de pouvoir » est impliqué très tôt dans notre vie, et que nous vivons sous l’impression que c’est tout ce qu’il y a pour nous. Notre « second anneau de pouvoir » – l’« attention du nagual » – reste caché pour l’immense majorité d’entre nous, et c’est seulement au moment de notre mort qu’il nous est révélé. Mais il existe cependant une voie pour l’atteindre. Cette voie est à la disposition de chacun de nous, mais seuls les sorciers la suivent : cette voie passe par le « rêve ». « Rêver » c’est, en substance, transformer des rêves ordinaires en événements impliquant la volonté. Les rêveurs, en engageant leur « attention du nagual » et en la focalisant sur certains points et sur certains événements de leurs rêves ordinaires, changent ces rêves en « rêves ».
Don Juan disait qu’il n’existait pas de méthode pour parvenir à l’attention du nagual. Il ne m’avait donné que des jalons. Trouver mes mains dans mes rêves était le premier jalon; puis l’exercice consistant à concentrer son attention était étendu à la découverte d’objets, à la recherche de caractéristiques spécifiques, par exemple des bâtiments, des rues, et ainsi de suite. De là, il s’agissait de sauter au « rêve » de lieux spécifiques à des moments spécifiques de la journée. L’étape finale consistait à entraîner l’« attention du nagual » à se focaliser sur le moi total. Don Juan disait que ce stade final s’annonçait en général par un rêve qu’un grand nombre d’entre nous ont eu à un moment ou à un autre, un rêve au cours duquel on se regarde en train de dormir dans un lit. Au moment où le sorcier parvient à ce rêve, son attention a été développée à un tel degré qu’au lieu de se réveiller, comme la plupart d’entre nous le feraient en pareil cas, il tourne les talons pour se mettre en activité, comme s’il s’agissait dans le monde de la vie de tous les jours. À partir de cet instant, il se produit une rupture, pour ainsi dire une division dans sa personnalité jusque-là unifiée. Le résultat de l’engagement dans l’« attention du nagual » et de son développement à un niveau aussi élevé et aussi complexe que notre attention quotidienne pour le monde, c’est, dans le système de don Juan, l’autre moi – un être identique à soi-même, mais fabriqué par le « rêve ».
Don Juan m’avait dit qu’il n’existait aucune méthode type bien définie pour éduquer ce double, tout comme il n’existe aucune méthode bien définie pour nous faire atteindre notre conscience quotidienne. Nous le faisons simplement par la pratique. Il prétendait que par l’acte d’engager notre « attention du nagual », nous trouverions la méthode. Il m’avait pressé de pratiquer le « rêve » sans laisser mes angoisses transformer cet acte en une production encombrante. Il avait fait de même avec la Gorda et les petites sœurs, mais de toute évidence quelque chose en elles les avait rendues plus réceptives à l’idée d’un autre niveau d’attention.
– Genaro était dans son corps de « rêve » la plupart du temps, dit la Gorda. Il le préférait. C’est pour ça qu’il pouvait faire les choses les plus extraordinaires et vous faire à moitié mourir de frayeur. Genaro pouvait entrer et sortir par la fêlure entre les mondes comme vous et moi pouvons entrer et sortir par une porte.
Don Juan m’avait également parlé en long et en large de la fêlure entre les mondes. J’avais toujours cru qu’il parlait par métaphore d’une division subtile entre le monde que perçoit l’homme ordinaire, et le monde que perçoivent les sorciers.
La Gorda et les petites sœurs m’avaient montré que la fêlure entre les mondes était davantage qu’une métaphore. C’était plutôt la capacité de changer de niveau d’attention. Une partie de moi comprenait la Gorda parfaitement, tandis qu’une autre partie de moi était plus effrayée que jamais.

Les couches de luminosité du corps énergétique
Le Nagual m’a dit que les êtres humains sont des créatures fragiles, composées de nombreuses couches de luminosité. Quand vous les voyez, ils semblent avoir des fibres, mais ces fibres sont en réalité des couches, comme un oignon. Les chocs, de n’importe quel genre, séparent ces couches et peuvent même provoquer la mort de certains êtres.

Note :
Elle se leva et me ramena dans la cuisine. Nous nous assîmes face à face. Lidia, Rosa et Josefina s’affairaient dans la cour. Je ne pouvais pas les voir, mais je les entendais parler et rire.
– Le Nagual disait que nous mourons parce que nos couches se libèrent et ne peuvent plus se remettre ensemble.
– Vous avez déjà vu ces couches, Gorda ?
– Bien sûr. J’ai vu un homme mourir dans la rue. Le Nagual m’a dit que vous aviez rencontré vous aussi un homme en train de mourir, mais que vous n’aviez pas vu sa mort. Le Nagual m’a fait voir les couches du mourant. Elles étaient comme les pelures d’un oignon.
Quand les êtres humains sont en bonne santé, ils sont comme des œufs lumineux, mais s’ils sont blessés, ils se mettent à peler, comme un oignon.
« Le Nagual m’a dit que votre attention seconde était parfois si forte qu’elle poussait tout vers le dehors. Il fallait qu’avec Genaro, il maintienne vos couches ensemble ; sinon vous seriez mort. C’est pour ça qu’il avait estimé que vous auriez assez d’énergie pour faire sortir de vous votre nagual deux fois. Il voulait dire que vous pourriez maintenir vos couches ensemble deux fois par vous-même. Vous l’avez fait plus souvent que ça, et maintenant vous en avez fini : vous n’avez plus assez d’énergie pour maintenir vos couches ensemble au cas où surviendrait un autre choc. Le Nagual m’avait chargée de prendre soin de tout le monde ; dans votre cas, il fallait que je vous aide à consolider vos couches. Il m’a expliqué que le centre de notre luminosité, qui est l’attention du nagual, est toujours en train de pousser vers l’extérieur, et c’est ça qui libère les couches. Alors la mort a beau jeu de se glisser entre elles et de les séparer complètement. Les sorciers doivent faire de leur mieux pour conserver leurs couches fermées. C’est pour ça que le Nagual nous a enseigné à rêver. Rêver consolide les couches. Quand un sorcier apprend à rêver, il relie l’une à l’autre ses deux attentions, et ce centre n’a plus à pousser vers l’extérieur.
– Vous voulez dire qu’un sorcier ne meurt pas ?
– C’est exact. Un sorcier ne meurt pas.

Dans « Le Don de l’Aigle »

 
Les « oeufs lumineux »
Je me mis à décrire à la Gorda ce que j’avais vu. La caractéristique de ces œufs lumineux qui m’avait le plus frappé était leur mouvement. Ils ne marchaient pas. Ils avançaient comme s’ils flottaient, tout en étant accrochés au sol. La façon dont ils se déplaçaient manquait de grâce. Leurs mouvements étaient guindés, gauches et saccadés. Quand ils se mettaient en branle, leur forme d’œuf tout entière devenait plus petite et plus ronde ; ils bondissaient, pour ainsi dire : ils tressautaient et se secouaient verticalement à toute vitesse. Le résultat était une sorte de frétillement nerveux très agaçant. Je ne saurais mieux décrire la gêne physique provoquée par leurs mouvements qu’en la rapprochant de l’impression que me font les images d’un film projeté en accéléré. Autre chose qui m’avait frappé : je n’avais pas remarqué de jambes. Je me souvins d’un spectacle de ballets que j’avais vu autrefois. Les danseurs imitaient le mouvement de soldats sur des patins à glace ; pour produire cet effet, ils portaient des tuniques vagues tombant jusqu’au sol. On ne pouvait pas voir leurs pieds, d’où l’illusion qu’ils glissaient sur la glace. Mais les œufs lumineux qui avaient dolé devant moi m’avaient donné l’impression qu’ils glissaient sur une surface rugueuse. Leur luminosité tressautait de façon presque imperceptible – mais suffisamment pour me soulever le cœur. Quand les œufs étaient au repos, ils devenaient plus allongés. Certains étaient si longs et rigides qu’ils me firent songer à des icônes de bois.
Autre caractère encore plus troublant des œufs lumineux : l’absence d’yeux. Jamais je ne m’étais aperçu avec une telle intensité que nous étions attirés par les yeux des êtres vivants. Les œufs lumineux étaient extrêmement vivants ; ils m’observaient avec une grande curiosité ; je pouvais les voir sautiller et se pencher pour m’observer – mais sans yeux.
Un grand nombre de ces œufs lumineux avaient des taches noires, des taches énormes situées plus bas que leur milieu. D’autres n’en avaient pas. La Gorda m’avait appris que la reproduction affecte les corps des hommes et des femmes, en faisant apparaître un trou au-dessous de l’estomac, mais les taches sur ces œufs lumineux n’avaient pas l’air de trous, autant que je puisse en juger. C’étaient des zones sans luminosité mais il n’y avait pas de creux, comme dans le cas d’un vrai trou. Ceux qui avaient les taches noires semblaient moins brillants, fatigués ; le haut de leur forme ovoïde était fané, il avait l’air opaque comparé au reste de leur éclat. En revanche, ceux qui n’avaient pas de taches étaient éblouissants. Je les imaginais dangereux. Ils vibraient, chargés d’énergie et de blancheur. La Gorda me dit qu’à l’instant où j’avais posé ma tête contre la sienne, elle était entrée elle aussi dans un état qui ressemblait au rêve. Elle était éveillée mais ne pouvait remuer. Elle avait conscience de la présence des gens tournant autour de nous. Ensuite, elle les avait vus se muer en taches lumineuses, et enfin en créatures ovoïdes. Elle ne savait pas que je voyais moi aussi. Au début, elle s’était dit que je veillais sur elle, mais bientôt, la pression de ma tête était devenue si lourde qu’elle en avait conclu, de façon très consciente, que je devais être en train de voir moi aussi. J’avais soupçonné ce qui lui était arrivé uniquement après m’être redressé, quand j’avais surpris le jeune voyou en train de la caresser pendant son sommeil apparent. Nos visions n’étaient pas identiques, car elle avait pu distinguer les hommes des femmes, à la forme de certains filaments qu’elle appela « racines ». Les femmes, me dit-elle, avaient des paquets touffus de filaments qui ressemblaient à des queues de lion ; ils poussaient vers l’intérieur, depuis l’endroit des organes sexuels. Elle m’expliqua que ces racines sont les sources de la vie. L’embryon, pour accomplir sa croissance, s’attache à l’une de ces racines nourricières, et la consume entièrement : il ne reste qu’un trou. Les hommes, en revanche, avaient des filaments courts, qui vivaient en flottant presque séparément de la masse de luminosité constituant le corps.

La zone du sentiment forme le rêve et le plexus solaire permet la volonté
Quand je réussis à maîtriser mon attention et que je pus travailler pendant des heures à n’importe quelle tâche sans m’en distraire – chose dont je n’avais jamais été capable auparavant – il m’avait dit que la meilleure façon de susciter le rêve était de se concentrer sur la zone du bout du sternum, au creux de l’estomac. Il disait que l’attention dont un homme a besoin pour rêver prend racine dans cette zone; mais que l’énergie nécessaire pour se déplacer et aller de l’avant dans le rêve prend racine dans une autre zone, à trois ou quatre centimètres au-dessous du nombril. Il appelait cette énergie « vouloir » ou faculté de choisir, de rassembler. Chez une femme, l’attention et l’énergie pour le rêve ont toutes les deux leur origine dans la matrice.
– Le rêve d’une femme doit venir de sa matrice parce que c’est son centre, me dit la Gorda. Pour pouvoir me mettre à rêver ou pour arrêter le rêve, il me suffit de placer mon attention sur ma matrice. J’ai appris à en sentir l’intérieur. Je vois une lueur rougeâtre pendant un instant, puis je suis partie.
– Combien vous faut-il de temps pour voir cette lueur rougeâtre ? demandai-je.
– Quelques secondes. A l’instant où mon attention se trouve sur ma matrice, je suis déjà en rêve, continua-t-elle de m’expliquer. Je n’ai jamais de mal, jamais. Les femmes sont ainsi. Pour une femme, la partie la plus difficile est d’apprendre à commencer ; il m’a fallu deux ans pour arrêter mon dialogue intérieur en concentrant mon attention sur ma matrice.

Grille d’énergie et attention seconde
Je fus comme hypnotisé par ses récits, nets et secs, d’événements dépassant mon entendement. Pour moi, le plus fascinant fut sa description de certains faisceaux de lumière ou d’énergie qui, disait-il, formaient un réseau autour de la Terre. Ces faisceaux ne subissent pas de fluctuations comme tout le reste dans l’univers, ils sont fixés sur leur réseau qui coïncide avec des centaines de points dans le corps lumineux. Hermelinda comprenait que tous les points étaient dans notre corps physique. Juan Tuma expliqua que le corps lumineux étant très grand, certains de ces points étaient, en fait, à presque un mètre du corps physique lui-même. En un sens, ils étaient hors de nous – mais sans l’être vraiment ; ils se trouvaient à la périphérie de notre luminosité et appartenaient donc encore au corps total. Le plus important de ces points était situé à une trentaine de centimètres de l’estomac, à 40 degrés sur la droite d’une ligne imaginaire tracée tout droit au milieu du corps. Juan Tuma nous dit que c’était un centre de rassemblement pour l’attention seconde, et qu’il était possible de le manipuler en caressant doucement l’air avec les paumes des mains. Les paroles de Juan Tuma me firent oublier ma colère.

Briser la coquille énergétique qui ternit la luminosité du noyau
A cet effet, il nous avait entraînés, la Gorda et moi, à voir ensemble et il nous avait montré que tout en apparaissant au voyant comme des œufs lumineux, la forme d’œuf des êtres humains est un cocon extérieur, une coquille de luminosité qui abrite un noyau hypnotique très troublant, obsédant, fait de plusieurs cercles concentriques de luminosité jaunâtre, de la couleur d’une flamme de bougie. Au cours de notre séance la plus importante, il nous a fait voir des gens qui allaient et venaient auprès d’une église. L’après-midi s’achevait, il faisait presque sombre, mais les créatures, à l’intérieur de leurs cocons lumineux rigides, irradiaient assez de lumière pour rendre tout le décor autour d’elles d’une clarté de cristal. C’était un spectacle merveilleux.
Don Juan nous expliqua que leurs coquilles en forme d’œuf, qui nous semblaient si brillantes, étaient en réalité complètement ternes. La luminosité émanait du noyau étincelant. La coquille ternissait la brillance du noyau. Don Juan nous montra qu’il fallait briser cette coquille, pour libérer l’être. ll fallait la briser de l’intérieur, au bon moment, exactement comme les créatures qui naissent d’œufs brisent leur coquille pour éclore. S’ils ne réussissent pas à la briser, ils s’étouffent et meurent. Comme c’est le cas pour les créatures qui éclosent, le guerrier n’a aucun moyen de briser cette coquille tant que le moment n’est pas venu.
Don Juan nous dit que perdre la forme humaine était le seul moyen de briser cette coquille, le seul moyen de libérer ce noyau lumineux obsédant – le noyau de conscience qui est la nourriture de l’Aigle. Briser la coquille signifie se souvenir de l’autre moi et parvenir à la totalité de soi-même.

La volonté permet le déplacement du corps énergétique
Quelque chose se balança en moi et soudain je fus debout. Je n’aurais su préciser ce que j’avais fait pour me déplacer. Je me dis que si je recommençais tout, je pourrais fixer la séquence. Dès que cette pensée me traversa l’esprit, je me retrouvai allongé. Quand je me levai de nouveau, je me rendis compte qu’il n’y avait aucun processus impliqué : pour me déplacer, il fallait simplement que je veuille mon mouvement à un niveau très profond. En d’autres termes, il fallait que je sois parfaitement convaincu que je désirais me déplacer – ou peut-être serait-il plus juste de dire que je devais me convaincre d’avoir besoin de me déplacer. Quand j’eus compris ce principe, Zuleïca me fit pratiquer tous les aspects concevables du mouvement par vouloir. Plus je m’exerçai, plus il devint clair pour moi que rêver était un état rationnel. Zuleïca me l’expliqua. Elle me dit qu’en rêve, le côté droit, la conscience rationnelle, est enveloppé dans la conscience du côté gauche pour donner au rêveur un sens de calme et de rationalité ; mais l’influence de la rationalité doit rester minime et n’être utilisée que comme mécanisme d’inhibition pour protéger le rêveur d’excès et d’initiatives bizarres.

Dans « Le Feu du dedans »

 
Phénomènes énergétiques de l’acte sexuel
« Le commandement de l’Aigle exige que l’énergie sexuelle soit utilisée pour créer la vie. À travers l’énergie sexuelle, l’Aigle donne la conscience. Ainsi, quand les êtres sensibles pratiquent l’acte sexuel, les émanations intérieures à leur cocon font de leur mieux pour donner la conscience au nouvel être sensible qu’ils sont en train de créer. »  Il dit encore que, pendant l’acte sexuel, les émanations enfermées dans le cocon des deux partenaires sont soumises à une agitation profonde, dont le point culminant est un amalgame, une fusion de deux fragments de la lueur de la conscience – chacun venant d’un des partenaires – qui se détachent de leur cocon.
“ L’acte sexuel est toujours un don de conscience, même si ce don peut ne pas se consolider, poursuivit-il. Les émanations intérieures au cocon des êtres humains ignorent la relation sexuelle pour le plaisir. ”
De sa chaise qui se trouvait de l’autre côté de la table, Genaro se pencha vers moi et me parla d’une voix basse, accentuant ce qu’il disait par des hochements de tête.
“ Le nagual te dit la vérité, dit-il, et il me fit un clin d’œil. Ces émanations l’ignorent réellement. ”
Don Juan se retint pour ne pas rire et ajouta que l’erreur de l’homme est d’agir sans tenir aucun compte du mystère de l’existence et de croire qu’un acte aussi sublime que celui de donner la vie et la conscience n’est qu’un besoin sexuel, que l’on peut déformer à volonté.
Genaro fit des gestes sexuels obscènes tout en faisant pivoter son bassin, sans arrêt. Don Juan approuva d’un signe de tête et dit que c’était exactement ce qu’il avait voulu dire. Genaro le remercia d’avoir reconnu sa seule et unique contribution à l’explication de la conscience.
Ils se mirent à rire tous deux comme des idiots en disant que si je savais à quel point leur benefactor était sérieux en ce qui concernait l’explication de la conscience, je rirais avec eux.
Je demandai instamment à don Juan ce que tout cela signifiait pour un homme ordinaire vivant dans le monde de tous les jours.
“ Tu parles de ce que fait Genaro ? ”, me demanda-t-il, faussement sérieux.
Leur allégresse était toujours contagieuse. Il leur fallut longtemps pour se calmer. Leur énergie était d’un niveau si élevé que je semblais, auprès d’eux, vieux et décrépit.
“ Je ne sais vraiment pas, me répondit enfin don Juan. Tout ce que je sais, c’est ce que cela signifie pour les guerriers. Ils savent que la seule véritable énergie que nous possédions est une énergie sexuelle dispensatrice de vie. Ce savoir les rend conscients, en permanence, de leur responsabilité.
“ Si les guerriers veulent avoir suffisamment d’énergie pour voir, ils doivent devenir avares de leur énergie sexuelle. Telle est la leçon que nous a donnée le nagual Julian. Il nous a poussés dans l’inconnu, et nous avons tous failli mourir. Comme chacun de nous désirait voir, nous nous sommes évidemment abstenus de gâcher notre lueur de conscience. ”
Je l’avais déjà entendu exprimer cette conviction. Chaque fois qu’il le faisait, cela nous entraînait dans une controverse. Je me sentais toujours obligé de protester et d’élever des objections contre ce que j’estimais être une attitude puritaine à l’égard du sexe.
Je formulai à nouveau mes objections. Ils rirent tous les deux aux larmes.
“ Que faut-il faire de la sensualité naturelle de l’homme ? demandai-je à don Juan.
– Rien, répliqua-t-il. Il n’y a rien à redire à la sensualité de l’homme. Ce qui est mauvais, c’est l’ignorance et l’indifférence de l’homme à l’égard de la nature magique qui est la sienne. Gaspiller avec insouciance la force du sexe, dispensatrice de vie, est une erreur, mais c’est également une erreur d’ignorer que le fait d’avoir des enfants éprouve la lueur de la conscience.
– Comment les voyants savent-ils que le fait d’avoir des enfants éprouve la lueur de la conscience ?
– Ils ont vu qu’à la naissance, la lueur de la conscience des parents diminue et que celle de l’enfant s’accroît. Chez certains parents hypersensibles, fragiles, la lueur de la conscience disparaît quasiment. Tandis que la conscience des enfants s’accroît, une grande tache sombre se forme dans le cocon lumineux des parents, à l’endroit même d’où s’est retirée la lueur de la conscience. Elle se trouve généralement sur la section médiane du cocon. On peut parfois même voir ces taches en surimpression sur le corps lui-même. ”

Les êtres énergétiques de l’indivisible
Les êtres organiques sont pourvus d’un cocon qui entoure les émanations. Mais il existe d’autres créatures dont les réceptacles ne ressemblent pas à un cocon pour un voyant. Elles renferment pourtant les émanations de la conscience et elles ont des caractéristiques de vie différentes de la reproduction et du métabolisme.
– Comme quoi, don Juan ?
– Comme la dépendance émotionnelle, la tristesse, la joie, la colère, et ainsi de suite. Et je n’ai pas encore dit le meilleur, l’amour ; une forme d’amour que l’homme n’est même pas capable de concevoir.
– Vous êtes sérieux, don Juan ? demandai-je sincèrement.
– Sérieux comme ce qui est inanimé ”, répondit-il, le visage vide d’expression, puis il éclata de rire.
“ Si nous prenons pour clé ce que voient les voyants, poursuivit-il, la vie est vraiment extraordinaire.
– Si ces êtres sont vivants, demandai-je, pourquoi ne se font-ils pas connaître de l’homme ?
– Ils se font connaître tout le temps, et pas seulement des voyants, mais également de l’homme ordinaire. Le problème réside dans le fait que toute l’énergie disponible est consommée par la première attention. Non seulement l’inventaire de l’homme épuise toute cette énergie, mais encore il durcit le cocon jusqu’à le rendre rigide. Dans ces conditions, une relation de réciprocité est impossible.

Le renforcement du cocon durant l’enfance
Je parlais de ce qui arrive aux êtres humains lorsqu’ils sont enfants, répondit-il, une époque où tout le monde autour d’eux leur apprend à répéter un dialogue sans fin sur eux-mêmes. Le dialogue s’intériorise, et cette seule force maintient le point d’assemblage fixé.
Il me dit que les voyants voient que les enfants n’ont pas, au début, de point d’assemblage fixe.
Leurs émanations intérieures se trouvent dans un état de grande agitation et leur point d’assemblage se déplace partout, au sein de la bande humaine, leur permettant de se concentrer avec force sur des émanations qui seront plus tard entièrement négligées. Puis, à mesure qu’ils grandissent, les adultes qui les entourent, grâce au pouvoir considérable qu’ils exercent sur les enfants, contraignent le point d’assemblage de ces derniers à plus de stabilité, par le truchement d’un dialogue intérieur de plus en plus complexe. Le dialogue intérieur est un processus qui consolide constamment la position du point d’assemblage, parce que cette position est arbitraire et nécessite un renfort régulier. 
“ En réalité, beaucoup d’enfants voient, poursuivit-il. La plupart de ceux qui voient sont considérés comme des excentriques et toutes lès mesures sont prises pour les corriger, pour leur faire renforcer la position de leur point d’assemblage.
– Mais ne pourrait-on pas encourager les enfants à garder leur point d’assemblage plus fluide ? lui demandai-je.
– Seulement s’ils vivent parmi les nouveaux voyants, dit-il. Autrement, ils seraient pris au piège, dans le labyrinthe du côté silencieux de l’homme. Et, crois-moi, cela est pire que de tomber sous les griffes de la rationalité. ”

Le combat de la vie et de la mort au sein de son énergie vitale
Il me dit qu’il ne faut qu’un déplacement du point d’assemblage pour s’ouvrir à la force roulante. Il ajouta que lorsqu’on voit cette force de propos délibéré, le danger est minime. En revanche, un déplacement involontaire du point d’assemblage, dû, peut-être, à la fatigue physique, à un épuisement émotif, à la maladie ou simplement à une crise émotionnelle ou physique mineure, comme un état de frayeur ou d’ébriété, produit une situation extrêmement dangereuse.
« Quand le point d’assemblage se déplace involontairement, la force roulante fend le cocon, poursuivit-il. J’ai parlé plusieurs fois d’un trou qui se trouve sous le nombril de l’homme. Il ne se situe pas, en réalité, sous le nombril, mais dans le cocon, à la hauteur du nombril. Ce trou ressemble plutôt à une cavité, à une défectuosité naturelle du cocon qui, par ailleurs, est lisse. C’est là que le culbuteur nous frappe continuellement et c’est là que le cocon se fend. »
Il continua, et m’expliqua que lorsqu’il s’agit d’un déplacement mineur du point d’assemblage, la fente est très petite, le cocon se répare vite lui-même et les gens subissent ce qui arrive à tout le monde un jour ou l’autre : la vision de taches de couleurs et de formes contournées qui persiste même si l’on ferme les yeux. 

Note :
Il se peut que ce soit ce phénomène très curieux, celui de voir une sorte de tâche, comme une tâche de peinture dans la vision, dont les bords sont nettement contournés, et qui apparaît d’un coup suite à un choc pour disparaître quelques minutes plus tard. C’est une tâche opaque, noire ou colorée, avec des couleurs unies et réparties sans dégradé.

Lorsqu’il s’agit d’un déplacement considérable, la fente est elle aussi très grande et il faut du temps au cocon pour se réparer, comme dans le cas des guerriers qui utilisent des plantes de pouvoir exprès pour provoquer ce déplacement, ou des gens qui se droguent et aboutissent sans le savoir au même résultat; dans ce genre de cas, les hommes ont froid et se sentent engourdis ; ils ont du mal à parler et même à penser ; tout se passe comme s’ils avaient été gelés de l’intérieur.  
Don Juan me dit que lorsque le point d’assemblage se déplace d’une manière radicale sous l’effet d’un traumatisme ou d’une maladie mortelle, la force roulante provoque une fente de la longueur du cocon ; le cocon s’effondre et s’enroule sur lui-même et l’individu meurt. 
« Un déplacement volontaire peut-il également provoquer un trou de cette nature ? demandai-je.
– Parfois, répondit-il. Nous sommes vraiment fragiles. Tandis que le culbuteur nous frappe sans discontinuer, la mort nous atteint à travers le trou. La force roulante, c’est la mort. Quand elle trouve un point faible dans le trou d’un être lumineux, elle le fend automatiquement et provoque son effondrement. 
– Tous les êtres vivants ont-ils un trou ? demandai-je.
– Bien sûr, répondit-il. S’ils n’en avaient pas ils mourraient. Les trous sont cependant de différentes tailles et de différentes configurations. Le trou de l’homme est une dépression en forme de cuvette, de la dimension d’un poing, ce qui représente une configuration très fragile et vulnérable.
Le trou des autres créatures organiques ressemble beaucoup à celui de l’homme ; certains sont plus résistants que les nôtres, d’autres plus fragiles. Mais le trou des êtres non organiques est vraiment différent. Il ressemble à un long fil, un cheveu de luminosité ; les êtres non organiques sont, en conséquence, infiniment plus solides que nous. 
« Il y a quelque chose, dans la longue vie de ces créatures, qui engendre une attraction obsédante, et les anciens voyants n’ont pu s’empêcher de se laisser emporter par cette attraction. »
Il me dit qu’une même force peut produire deux effets diamétralement opposés. Les anciens voyants furent emprisonnés par la force roulante et les nouveaux voyants sont récompensés de leur peine par le don de la liberté. Parce qu’ils se sont familiarisés avec la force roulante grâce à la maîtrise de l’intention, les nouveaux voyants ouvrent, à un moment donné, leur propre cocon et la force les inonde au lieu de les faire rouler comme une tique recroquevillée. Cela a pour résultat final leur désintégration totale et instantanée.  Je lui posai de nombreuses questions sur la survie de la conscience après la consomption de l’être lumineux par le feu intérieur. Il ne répondit pas. Il gloussa, haussa les épaules, et poursuivit, en disant que l’obsession des anciens voyants à l’égard du culbuteur les rendait aveugles à l’autre aspect de cette force. Les nouveaux voyants, avec, comme d’habitude, leur souci minutieux de refuser la tradition, sont allés à l’autre extrême. Ils étaient tout à fait opposés, au début, à ce que l’acte de voir se concentre sur le culbuteur ; ils disaient qu’il leur fallait comprendre la force des émanations en liberté dans son rôle de dispensatrice de vie et de source d’accroissement de la conscience.
« Ils comprirent qu’il est infiniment plus facile de détruire une chose que de la construire et de l’entretenir. Anéantir la vie par un roulement n’est rien en comparaison du fait de donner la vie et de la nourrir. Les nouveaux voyants se trompaient, évidemment, à cet égard, mais ils corrigèrent leur erreur en temps voulu.
– En quoi se trompaient-ils, don Juan ?
– C’est une erreur que d’isoler quoi que ce soit pour voir. Les nouveaux voyants firent d’abord exactement le contraire de ce qu’avaient fait leurs prédécesseurs. Ils se concentrèrent avec la même attention sur l’autre aspect du culbuteur. Ce qui leur arriva fut aussi dramatique, sinon plus, que ce qui arriva aux anciens voyants. Ils moururent de morts stupides, exactement comme l’homme ordinaire. Ils n’étaient pas pourvus du mystère ou de la malignité qui caractérisaient les anciens voyants, et n’étaient pas non plus motivés par la quête de la liberté, comme les voyants d’aujourd’hui.
« Ces nouveaux voyants de la première génération servaient tout le monde. Comme ils concentraient leur voir sur l’aspect dispensateur de vie des émanations, ils étaient pleins d’amour et de bonté. Mais cela ne leur évita pas d’être anéantis par le culbuteur. Ils étaient vulnérables, tout comme l’étaient les anciens voyants qui étaient imprégnés de morbidité. »
Il me dit que pour les nouveaux voyants des temps modernes, l’idée de rester sur le carreau, après une vie de discipline et de labeur, tout comme des hommes qui n’ont jamais eu de leur vie un moment de réflexion, était intolérable.  Don Juan me dit que ces nouveaux voyants comprirent, après avoir repris leur tradition, que les anciens voyants avaient eu une connaissance complète de la force roulante : les anciens voyants avaient conclu, à un certain stade, que la même force comportait, effectivement, deux aspects différents. L’aspect qui est propre à faire culbuter est exclusivement lié à la destruction et à la mort. L’aspect circulaire, d’autre part, est ce qui entretient la vie et la conscience, l’accomplissement et la résolution. Ils avaient cependant choisi de n’avoir affaire qu’à l’aspect qui fait culbuter.
« Comme ils contemplaient en équipe, les nouveaux voyants purent voir la séparation qui se trouve entre l’aspect qui fait culbuter et l’aspect circulaire, m’expliqua-t-il. Ils virent que les deux forces sont fondues, mais ne sont pas identiques. La force circulaire vient à nous juste avant la force qui fait culbuter ; elles sont si proches l’une de l’autre qu’elles semblent identiques.
« L’expression de “force circulaire” est due à ce que cette force se présente en anneaux, en cercles filiformes d’irisation – une chose vraiment très délicate. Et, tout comme la force qui fait culbuter, elle frappe continuellement tous les êtres vivants pour leur donner la force, l’orientation, la cons- cience ; pour leur donner la vie.
« Ce que les nouveaux voyants ont découvert, c’est que l’équilibre de ces deux forces, à l’intérieur de chaque être humain, est un équilibre très fragile. Si, à un moment donné, un individu sent que la force qui fait culbuter frappe plus fort que la force circulaire, cela signifie que l’équilibre est rompu ; à partir de ce moment, la force qui fait culbuter frappe de plus en plus fort jusqu’à ce qu’elle réussisse à fendre le trou de l’être vivant et à le faire mourir. »
Il ajouta que, de ce que j’avais appelé des boules de feu, sort un cercle irisé, de la dimension exacte des êtres vivants, qu’il s’agisse d’hommes, d’arbres, de microbes ou d’alliés.
« Existe-t-il des cercles de diverses dimensions ? demandai-je.
– Ne prends pas ce que je dis dans un sens aussi littéral, protesta-t-il. Il n’y a pour ainsi dire pas de cercles, mais seulement une force circulaire qui donne aux voyants, qui la rêvent, une impression d’anneaux. Et il n’y a pas non plus de dimensions diverses. Il y a une seule force indivisible qui s’adapte à tous les êtres vivants, organiques et non organiques.
– Pourquoi les anciens voyants se sont-ils concentrés sur l’aspect propre à faire culbuter ? demandai-je.
– Parce qu’ils croyaient que leur vie dépendait du fait de voir cet aspect, répondit-il. Ils étaient sûrs que leur voir leur fournirait des réponses à des questions vieilles comme le monde. Vois-tu, ils s’imaginaient que s’ils découvraient les secrets de la force roulante, ils deviendraient invulnérables et immortels. Ce qui est triste dans l’affaire, c’est qu’ils ont bien découvert, d’une façon ou de l’autre, ces secrets et ils ne devinrent pourtant ni invulnérables ni immortels.
« Les nouveaux voyants ont transformé tout cela en découvrant qu’il est impossible d’aspirer à l’immortalité tant que l’homme est pourvu d’un cocon. »
Don Juan m’expliqua que les anciens voyants n’ont apparemment jamais compris que le cocon humain est un récipient et ne peut soutenir indéfiniment l’assaut de la force roulante. Malgré toute la connaissance qu’ils avaient accumulée, ils n’étaient au bout du compte pas mieux, et peut- être l’étaient-ils plus mal, lotis que l’homme ordinaire.

Dans « La Force du silence »

 
Les différentes focalisations de la conscience
« Mais le nagual continua à lui expliquer patiemment que, lorsqu’il avait lutté contre le courant, dans le fleuve, il avait accédé au troisième point. Le vieux nagual lui expliqua que la position de la connaissance silencieuse était appelée le troisième point, parce que, pour y parvenir, on devait franchir le deuxième point, le lieu sans pitié.  Il dit à don Juan que son point d’assemblage avait acquis une fluidité suffisante pour lui permettre d’être double, grâce à quoi il pouvait se trouver à la fois dans  l’endroit de la raison et dans celui de la connaissance silencieuse, soit alternativement, soit en même temps,
Le nagual dit à don Juan que sa réussite était magnifique. Il alla même jusqu’à étreindre don Juan, comme s’il s’agissait d’un enfant. Et il ne pouvait s’arrêter de répéter que don Juan, en dépit du fait qu’il ne savait rien – ou peut-être parce qu’il ne savait rien – avait transféré toute son énergie d’un endroit à l’autre.
Ce qui signifiait, aux yeux du nagual, que le point d’assemblage de don Juan était doué d’une fluidité naturelle des plus propices.
Il dit à don Juan que tous les êtres humains pouvaient bénéficier de cette fluidité. Mais, chez la plupart d’entre nous, elle restait en réserve et nous ne l’utilisions jamais, sauf en de rares occasions qui étaient suscitées par des sorciers, comme dans le cas de l’expérience qu’il venait de vivre, ou par des circonstances naturelles dramatiques, comme une lutte contre la mort. Don Juan écoutait, fasciné par le timbre de la voix du vieux nagual. Quand il se concentrait, il suivait tout ce que disait le vieil homme, ce qu’il n’avait jamais pu faire lorsque le nagual Julian parlait.  Le vieux nagual poursuivit. Il lui expliqua que l’humanité se situait au niveau du premier point, la raison, mais que le point d’assemblage de tous les êtres humains ne se trouvait pas carrément sur la position de la raison. Ceux qui se trouvaient sur cette position elle-même étaient les véritables chefs de l’humanité. La plupart du temps, il s’agissait d’inconnus dont le génie consistait à exercer leur raison.
Le nagual me dit qu’il y avait eu une autre époque, où l’humanité se situait au niveau du troisième point qui, bien sûr, était alors le premier point, mais qu’en suite, l’humanité s’était dirigée vers l’endroit de la raison.
À l’époque où la connaissance silencieuse était le premier point, c’était pareil. Le point d’assemblage de tous les êtres humains ne se trouvait pas carrément sur cette position exacte. Cela signifiait que les véritables chefs de l’humanité avaient toujours été les rares êtres humains dont le point d’assemblage se situait sur la position exacte de la raison ou de la connaissance silencieuse. Le reste de l’humanité, dit le vieux nagual à don Juan, n’était faite que de spectateurs. À notre époque, il s’agissait des amoureux de la raison.
Autrefois, c’était le cas des amoureux de la connaissance silencieuse. C’étaient eux qui admiraient les héros de l’une ou l’autre position et leur chantaient des odes.
Le nagual déclara que l’humanité avait passé la plus longue partie de son histoire sur la position de la connaissance silencieuse, et que ceci expliquait la grande nostalgie que nous en éprouvions.

L’impeccabilité pour développer l’énergie
« L’impeccabilité, comme je te l’ai dit tant de fois, n’est pas la moralité, dit-il. Elle lui ressemble seulement. L’impeccabilité n’est que la meilleure utilisation de notre niveau d’énergie. Naturellement, elle exige de la frugalité, du sérieux, de la simplicité, de l’innocence ; et elle exige par-dessus tout l’absence d’auto contemplation. Tout cela semble s’apparenter à un manuel de vie monastique, mais ce n’est pas le cas.
« Les sorciers disent que pour commander à l’esprit, et ils entendent par là commander au déplacement du point d’assemblage, on a besoin d’énergie.  La seule chose qui accumule des réserves d’énergie à notre usage est notre impeccabilité. »
Don Juan me fit remarquer qu’il n’est pas nécessaire d’être étudiant en sorcellerie pour déplacer son point d’assemblage. Parfois, à cause de circonstances naturelles mais dramatiques, comme la guerre, la privation, la tension, la fatigue, le chagrin, l’impuissance, le point d’assemblage des hommes subit des mouvements profonds. Si les hommes qui se sont trouvés dans des circonstances de ce genre pouvaient adopter l’idéologie d’un sorcier, dit don Juan, ils pourraient amplifier au maximum ce mouvement naturel sans problème. Et ils chercheraient et trouveraient des choses extraordinaires au lieu de faire ce que les hommes font dans ces conditions : désirer ardemment le retour à la normale. (…)

Le déplacement du point d’assemblage
– En réduisant l’auto contemplation, répondit-il.
La vraie difficulté ne consiste pas à déplacer le point d’assemblage ou à casser sa propre continuité. La  vraie difficulté consiste à disposer d’énergie. Si on dispose d’énergie, une fois que le point d’assemblage se déplace, on trouve des choses inconcevables à la pelle. »
Don Juan m’expliqua que la situation difficile qui était celle de l’homme tenait à ce qu’il avait l’intuition de ses ressources cachées mais qu’il n’osait pas en faire usage. C’est pourquoi les sorciers disent que la situation critique où se trouve l’homme est le contrepoint de sa stupidité et son ignorance. Il dit que l’homme a, plus que jamais aujourd’hui, besoin d’apprendre de nouvelles idées concernant exclusivement son monde intérieur – des idées de sorciers, non pas des idées sociales, mais des idées qui se rapportent à l’homme en face de l’inconnu, en face de sa propre mort. Maintenant, plus que toute autre chose, il a besoin d’apprendre les secrets du point d’assemblage.

Dans « L’Art de rêver »

 
L’univers est un tissage de filaments de lumière
Pour ces sorciers, l’acte de sorcellerie le plus significatif est de voir l’essence de l’univers. Selon don Juan, les sorciers de l’antiquité, qui furent les premiers à voir l’essence de l’univers, la décrivirent au mieux. Ils déclarèrent que l’essence de l’univers ressemble à des fils incandescents parcourant l’infinité dans toutes les directions imaginables, des filaments lumineux qui ont conscience de leur existence de manière inconcevable pour la pensée humaine.
Après avoir vu l’essence de l’univers, les sorciers de l’antiquité s’attachèrent à voir l’essence énergétique des êtres humains. Don Juan déclara qu’ils avaient décrit les êtres humains comme des formes brillantes ressemblant à des oeufs géants qu’ils nommèrent oeufs lumineux.
« Quand les sorciers voient un être humain, dit don Juan, ils voient une forme géante et lumineuse qui flotte et fait, en se déplaçant, un profond sillon dans l’énergie de la terre, comme si la forme lumineuse possédait une, racine principale qui le creuse en se traînant. »

Dans « Le Voyage définitif »

 
Le noyau énergétique est en relation avec tout l’univers
« Ils avaient aussi découvert, me dit-il, que toutes les créatures de l’univers sont rattachées à la mer sombre de la conscience par un point lumineux que l’on peut voir si on les perçoit sur le plan énergétique. Par ce point lumineux, qu’ils appelaient point d’assemblage, la perception est mystérieusement reliée à la mer sombre de la conscience.
Sur le point d’assemblage des êtres humains, m’affirma don Juan, convergent des milliards de champs énergétiques provenant de l’ensemble de l’univers, sous forme de filaments lumineux qui le traversent. Ces champs énergétiques y sont convertis en données sensorielles, qui sont ensuite interprétée et perçues comme le monde que nous connaissons. C’est la mer sombre de la conscience, me dit-il en poursuivant ses explications, qui transforme les fibres lumineuses en données sensorielles. Les sorciers voient cette transformation, qu’ils appellent le rayonnement de la conscience, comme une lueur formant un halo autour du point d’assemblage. »

Dans « Les Stratégies du Nagual » (Armando Torres)

 
Les différents niveaux de conscience
« Le voyage dans l’inconnu » se fait en entrant dans « d’autres mondes, d’autres royaumes de perception [...] Une navigation complète implique de se déplacer d’un monde à l’autre ». Mais ces autres mondes se trouvent en fait dans « d’autres positions du point d’assemblage », différentes de la position journalière du point d’assemblage, c’est-à-dire, « la position de la raison ». Cela signifie qu’il existe différents niveaux de la conscience. « Le royaume des êtres inorganiques est situé dans l’un d’entre eux, c’est l’endroit du royaume de Sambogakhaya pour les bouddhistes, dans l’univers des symboles et archétypes examinés par Jung (la source de révélation de toutes les mythologies). »

Développer le corps d’énergie
Ils nous dirent que la raison, disons, la raison intrapsychique de « l’interruption de notre voyage de la conscience » est la prédominance actuelle du « corps droit » (le tonal ou la position de la raison) sur « le corps gauche » (le nagual ou la position de la connaissance silencieuse). Pour rétablir « l’équilibre, la fusion harmonieuse entre le corps droit et le corps gauche » et pour parvenir à la totalité de soi-même comme unité du tonal et du nagual, « le praticien doit élargir sa conscience et, en même temps, cela doit être soutenu par une discipline extraordinairement exigeante ». Autrement, ce « processus d’évolution », comme n’importe quel type d’élargissement de la conscience, s’accomplit « de façon douloureuse ».
Quand les deux côtés d’une personne, son corps (droit) et son corps d’énergie, sont réunis, le miracle de la liberté a lieu [...]

L’auto-contemplation
 Nous vivons tous enfermés dans une « bulle d’énergie »; au début, de notre vie, elle est ouverte et en contact avec le monde que nous aimons profondément.
Ensuite, petit à petit, elle commence à se fermer, jusqu’à ce que nous nous conformions à une espèce de « cocon ». Là, à l’intérieur, nous pouvons passer le reste de notre vie sans être conscient ou alors seulement partiellement, des mondes merveilleux qui nous entourent.
Usant du symbole de sainte Thérèse d’Avila, nous vivons comme des larves enfermées à l’intérieur du cocon que nous avons fabriqué. Comme des papillons, nous avons besoin de commencer notre envol vers le coeur de la liberté.
Don Juan indiquait que dans les couches du cocon, nous sommes les seuls témoins de notre propre reflet. Le reflet est notre description du monde, qui devient alors notre vision du monde dans laquelle notre attention est piégée.
C’est comme si les couches du cocon étaient une lentille qui filtrait la réalité, qui se structure selon la description du monde qu’on nous a donnée depuis l’enfance. C’est-à-dire le conditionnement culturel ou social (…)
Selon le point de vue de la psychologie transpersonnelle, il est dit que dans les premiers mois de notre vie, la conscience ou perception, est ouverte et s’étend à tout ce qui nous entoure – nous percevons directement l’énergie des stimuli. Lorsque nous passons à l’état mental de la conscience de l’ego, cette perception cesse sa grande expansion – elle se réduit à un « cocon éthérique » qui entoure le corps physique – et entame le processus de conformation de notre propre individualité et identité.


L’économie d’énergie et l’énergie sexuelle
L’essence du message de Carlos est d’économiser de l’énergie. Quand votre niveau énergétique croît, vous savez sans avoir besoin de mots. Votre corps vibre et le point d’assemblage se déplace. Ainsi, vous entrez dans le consensus des sorciers. Pour économiser de l’énergie, vous avez avant tout besoin de savoir ce qu’est l’énergie, et pour accomplir cela, vous devez en économiser mais pas en l’intellectualisant. (…)
« Vous êtes tellement fixés dans vos routines que vous ne voulez pas m’écouter, vous entendez ce que vous voulez entendre. Ce que je dis aux hommes, c’est d’arrêter d’être des machos, et aux femmes d’arrêter de soutenir le monde des mâles ! Parce qu’en le soutenant, vous entretenez une complicité malsaine. »
Il expliquait que la sexualité a plusieurs niveaux et que son expression maximale, entre être humains, est l’utilisation de l’énergie sexuelle pour rêver. C’est ce qui caractériser les sorciers. Il insistait sur l’exemple de l’homme et de la femme nagual, un couple qui créent l’harmonie et qui, à la place de se livrer à l’usure émotionnelle ayant normalement lieu lors d’un rapport sexuel, complotent pour se libérer : « Au lieu de d’être les complices de la destruction de notre énergie, pourquoi ne deviendrons-nous pas les complices de la création et de l’évolution ? »
Teotihuacan
Teotihuacan était une cité construite avec un objectif très clair : atteindre un accomplissement total pour tous les êtres humains. (…) Il existe un signe flagrant de tout cela dans Teotihuacan : le coeur saignant, emblème de la concentration d’énergie et de la porte entre les dimensions.

Dans « Rencontres avec le nagual » (Armando Torres)

Le double des rêves
 
« Dans notre sphère de perception, il existe une force diverse de celle que nous appelons « soi-même » qui est détectable au travers du rêve. Cette force peut en arriver à se rendre auto consciente, absorbant les principes de notre personnalité et se comportant en indépendance. La sensation d’avoir affaire avec elle, produit en nous une sensation inqualifiable, parce qu’il s’agit d’un être inorganique.
« Non organique ? »
« C’est cela même ! Nous appelons « organique » l’attention quotidienne parce qu’elle s’appuie sur un corps composé d’organes, n’est-ce-pas ?
J’acquiesçai.
« Comment pourrions nous alors appeler un corps qui perçoit et qui agit lorsque tu dors ? »
« Je dirais que c’est une apparence » répondis-je prudemment.
« D’accord ! C’est un être inorganique ; il a une apparence mais pas de masse. Pour toi c’est uniquement une projection mentale. Toutefois, du point de vue de cet être, c’est notre côté physique qui vit dans un monde imaginaire. Si tu possédais l’énergie et la concentration nécessaire pour prendre conscience de ton autre  » moi  » et que tu puisses lui demander ce qu’il pense de ton monde quotidien, il te répondrait qu’il lui paraît assez irréel, presque un mythe. Et, tu sais quoi ? Il aurait raison !
« Notre être rêvé se voit beaucoup d’applications. Il peut se transporter en un temps nul à l’endroit où tu désires vérifier des choses. Il peut en outre se matérialiser, créer un double visuel, quelque chose que d’autres personnes peuvent voir, qu’elles soient endormies ou éveillées. Mais cependant, malgré son apparence, il n’a pas de fonctions corporelles. Un être humain le voit comme une personne, mais un animal le verrait sous une autre forme. (…) »
Alors, quand tu parles du double de rêve ou de corps d’énergie, tu fais référence à la même chose ?
« Pratiquement. Tu peux approcher le premier au travers du rêver et le second par le biais de la traque (ou guet). Dit autrement, le corps énergétique est le double du rêve avec le contrôle volontaire de la part du rêveur ; cependant les deux sont une seule et même chose. La différence est dans le comment on parvient à y accéder.
« Les anciens sorciers moulèrent leur corps de rêve à force de volonté et ils tentèrent de reproduire le corps physique dans ses plus petits détails. C’est de là que vient cette tradition de l’appeler « double ». L’idée comporte un sens très pratique, puisque nous sommes tellement habitués à nous voir d’une certaine forme que, au début, il est très commode pour le rêveur de se considérer soi même en termes physiques. »
Mais, les nouveaux voyants disent que conduire cette intention jusqu’à ses fins ultimes est un gaspillage inutile, parce que cela nous force à investir de grandes quantités d’attention en des détails qui ne trouveraient peut-être jamais un usage pratique. Ils ont appris à se voir comme ce qu’ils sont réellement : des bulles de lumière.  » (…)
« Le rêve est l’utilisation délibérée du corps énergétique. L’énergie est plastique et si tu lui appliques un pression constante, elle finira par adopter la forme que tu veux. Le double est le nagual, l’ »autre », le sceau du nagualisme. Lorsque tu le maîtrises, tu ouvres le chemin pour être ce que tu veux, de l’être libre jusqu’à la bête. « 

Dans « Les Portes du Rêve » (Florinda Donner-Grau)

 
Le corps énergétique stocke les rêves dans certains endroits du corps
« Je tentai de rassembler des souvenirs, mon corps se crispa. Florinda intervint :
- On se rappelle facilement les événements de la vie de tous les jours car on a l’habitude. Mais ce qu’on vit dans les rêves, c’est une autre histoire. Il faut lutter pour ramener les détails à la mémoire. Tout simplement parce que le corps les stocke dans des endroits différents. Lorsqu’on a affaire à des femmes qui n’ont pas tes dons de somnambule, il faut d’abord leur faire tracer une carte de leur corps – un travail très minutieux qui révèle les endroits où sont enregistrées les images de leurs rêves.
- Comment dessiner cette carte, Florinda ?
- En tapotant systématiquement chaque endroit du corps centimètre par centimètre, précisa-t-elle. Mais je ne peux pas t’en dire plus. Je suis ta mère, pas ton professeur de rêve qui, elle, recommande un petit maillet en bois pour cet exercice. Et elle suggère de ne le faire que sur les jambes et les hanches car les souvenirs de rêves nichent rarement ailleurs. Ceux qu’on trouve dans le ventre, la poitrine ou le dos sont les souvenirs du quotidien. Enfin, ça c’est une autre affaire.

Attraper les pensées dans la noosphère par le corps énergétique
Sans le laisser continuer, je lui demandai comment il savait tant de choses sur l’anthropologie, l’histoire et la philosophie.
Il répondit en souriant :
- N’as-tu pas remarqué comment j’ai procédé ? J’ai attrapé les pensées dans l’air. J’ai simplement étendu mes fibres énergétiques et capturé ces pensées, comme on pêche un poisson à la ligne, dans l’océan immense des pensées et des idées qui nous entoure :
Il fit de grands gestes avec ses bras.

Différences entre hommes et femmes
- Et ne sais-tu donc pas que l’une des principales différences entre les hommes et les femmes est leur manière d’accéder au savoir ?
Je ne voyais absolument pas ce qu’elle voulait dire. Elle arracha un morceau de papier de mon bloc et dessina deux personnages. Elle couronna l’un d’un cône et annonça que c’était l’homme. Sur la tête de l’autre, elle dessina le même cône mais inversé, la pointe vers le bas : c’était la femme.
- Les hommes acquièrent leurs connaissances étape par étape, expliqua-t-elle. Ils s’élèvent, ils grimpent vers le savoir. Les sorciers disent que les hommes tendent vers l’Esprit. Mais la forme du cône limite leurs connaissances.
S’aidant de son dessin, elle poursuivit :
- Tu vois, ils ne peuvent atteindre qu’un certain niveau : le sommet du cône. En revanche, comme tu le vois, le cône inversé sur la tête des femmes ressemble à un entonnoir. Les femmes peuvent s’ouvrir à la source de la connaissance, ou disons plutôt que la source peut les toucher directement, à la base évasée du cône. Les sorciers disent que le rapport des femmes au savoir est expansif. Alors que celui des hommes est restreint. Les hommes sont proches du concret et tendent vers l’abstrait alors que les femmes sont proches de l’abstrait et tentent malgré tout de se laisser aller dans le concret.
- Pourquoi les femmes, en dépit de leur ouverture au savoir et au concret, sont-elles considérées comme inférieures ?
- Cela tient à la manière dont les hommes et les femmes considèrent le pouvoir, expliqua-t-elle. En général, les femmes s’y intéressent pour l’exercer sur elles-mêmes plutôt que sur les autres. Alors que les hommes, c’est clair, souhaitent le pouvoir pour l’exercer sur les autres.

Dans « Conversation de fond avec Carlos Castaneda » (Graciela N.V. Corvalan)

Le corps d’énergie, la forme humaine
Plusieurs fois cette après-midi-là nous revînmes sur le sujet de la « forme humaine » et du « moule » de l’homme. Circonscrivant le sujet depuis différents points de vue, on mit de plus en plus et davantage en évidence que « la forme » humaine est cette écorce dure représentant ce qui est personnel.
« Cette forme humaine, dit-il, est comme une serviette de bain qui nous recouvre un depuis les aisselles jusqu’aux pieds. Derrière cette serviette il y a une bougie allumée qui va en se consumant jusqu’à l’extinction. Quand la bougie s’éteint, c’est parce qu’on est mort. Alors, vient l’Aigle et il le dévore.
« Les Voyants- continua Castaneda- sont des êtres capables de voir l’être humain comme un oeuf lumineux. Au coeur de cette sphère de lumière il y a la bougie allumée. Si le voyant voit que la bougie est toute petite, aussi forte cependant que peut paraître cette personne, cela signifie qu’elle est pratiquement au bout »

Dans « Carlos Castaneda, Carol Tiggs, Florinda Donner-Grau – Conférences, Interviews, Journaux, Notes de travail »

Le double est constitué de l’énergie du corps d’énergie
« Je voulais vous posez une question à propos du double. »
« Nous l’appelons ‘corps d’énergie’ ou ‘corps de rêve.’»
« C’est différent de l’oeuf lumineux? »
« Oui, le double est quelque chose d’autre. C’est une contrepartie. Nous en avons tous un, mais nous en sommes séparés à la naissance - comme le dit Spy Magazine. Les sorciers rappèlent le double à eux. Ils l’utilisent pour naviguer…là, dehors. »
 Quelqu’un demanda à Carlos si le double était la même énergie que le corps d’énergie, il dit oui.
Je demandai : « Est-ce que ça veut dire qu’à un moment, vous avez été capable de bouger votre point d’assemblage et rêver sans  l’usage de drogues ? »
« Certainement ! Répliqua t-il. C’était la façon de faire de don Juan. Vois-tu, Juan Matus n’en avait rien à foutre de ‘Carlos Castaneda’. Il s’intéressait à cet autre être, le corps d’énergie – ce que les sorciers appellent le double. C’était ça qu’il voulait réveiller.
« Tu utilises ton double pour rêver, pour naviguer dans la seconde attention. C’est ce qui t’amène à la liberté. ‘Je fais confiance au double pour accomplir son devoir’, disait don Juan. ‘Je ferai tout pour ça – pour l’aider à se réveiller.’ (…)
Mais nous avons tous un corps d’énergie, comme sur une position fantôme. Les sorciers l’appellent le double. C’est une autre position qu’en quelque sorte nous activons dans les rêves, intuitivement. Nous avons tous le sentiment qu’il existe quelque chose d’autre, là, mais nous n’avons pas l’énergie de le saisir. Ou bien nous sentons que nous pourrions être différent, ou plus cohérent, plus clair, plus vivant. Et nous ne pouvons pas. Nous ne le pouvons pas à cause du poids de la société, de notre travail, des soucis de la vie de tous les jours, de nos inquiétudes à propos de nous-mêmes, de « qu’est ce qu’il va m’arriver ». « Moi », « moi-même » et « Je » sont nos préoccupations premières. Nous n’avons pas d’énergie pour autre chose. Mais don Juan dit oui. Et les sorciers, pas seulement don Juan. Il y a une autre position que nous pouvons tous adopter, et nous devrions l’activer. Nous devrions l’utiliser comme contrepoids et c’est ce qui va nous donner l’énergie de ne pas nous faire emporter par la vie de tous les jours. Cela nous donnerait, cela nous permettrait d’avoir une petite perche, une petite plate-forme, en dehors du bourbier disons, sur laquelle nous serions, et qui nous permettrait de voir depuis une perspective différente. (…)

Ramener et synchroniser le corps d’énergie au corps physique
Le quatrième élément de la voie du guerrier est le corps d’énergie. Don Juan Matus expliquait que, depuis des temps immémoriaux, les sorciers avaient donné le nom de corps d’énergie à une configuration spéciale d’énergie qui appartenait individuellement à chaque être humain. Il appelait aussi cette configuration le corps de rêve, ou le double, ou l’autre. Sa préférence, selon la coutume des sorciers d’illustrer les concepts abstraits, était de l’appeler le corps d’énergie. Mais il m’a aussi parlé d’un nom secret amusant, pour le corps d’énergie, qui était utilisé comme euphémisme ou comme surnom, une expression de tendresse, une référence amicale à quelque chose d’incompréhensible et de voilé : « que ni te jodan » — ce qui veut dire en français, « il ne faut pas qu’on t’embête », le corps d’énergie ou autre.
Don Juan expliquait de façon formelle que le corps d’énergie était comme un conglomérat de champs d’énergie qui est l’image miroir des champs d’énergie qui composent le corps humain quand il est vu directement comme de l’énergie. Don Juan disait que pour les sorciers, le corps physique et le corps d’énergie étaient une seule et même unité. Il expliquait encore que les sorciers croyaient que le corps physique mettait bien en jeu le corps et l’esprit tels que nous les connaissions, mais que le corps physique et le corps d’énergie étaient les seules configurations énergétiques qui pouvaient se contrebalancer, dans le champ humain. Comme il n’y a pas de prétendu dualisme entre le corps et l’esprit, le seul dualisme qui puisse exister est celui du corps physique et du corps d’énergie.
Les sorciers soutiennent que percevoir est un processus d’interprétation de données sensorielles, mais que chaque être humain a la capacité de percevoir l’énergie directement, c’est-à-dire sans la faire passer par un système d’interprétation. Comme on l’a déjà dit, quand les êtres humains sont eux-mêmes perçus de cette manière, ils ont l’apparence d’une sphère de luminosité. Les sorciers affirment que cette sphère de luminosité est un conglomérat de champs d’énergie maintenus ensemble par une mystérieuse force agglutinante.
« Que voulez-vous dire par conglomérat de champs d’énergie ? » demandais-je à don Juan quand il me parla pour la première fois de ceci.
« Les champs d’énergie sont retenus compressés ensemble par une étrange force agglutinante, » répondit-il. « Un des arts des sorciers consiste à faire signe au corps d’énergie, qui est ordinairement très loin de sa contrepartie le corps physique, et de le rapprocher suffisament pour qu’il puisse gouverner énergétiquement tout ce que fait le corps physique. »
« Si tu veux être plus précis, » continua don Juan, « tu peux dire que quand le corps d’énergie se trouve très proche du corps physique, un sorcier voit deux sphères lumineuses, presque superposées l’une à l’autre. Avoir à proximité notre jumeau d’énergie devrait être notre état naturel, si ce n’est qu’il existe quelque chose qui éloigne le corps d’énergie du corps physique dès l’instant de notre naissance. »
Les sorciers de la lignée de don Juan insistaient au maximum sur l’indispensable discipline qu’il faut pour rapprocher le corps d’énergie du corps physique. Don Juan expliquait qu’une fois que le corps d’énergie atteignait un certain degré de vigueur, qui varie d’un individu à l’autre, sa proximité donnait aux sorciers l’opportunité de le forger pour qu’il devienne l’autre ou le double : un autre être, solide et tridimensionnel lui aussi, exactement comme eux-mêmes. Suivant les mêmes pratiques, les sorciers peuvent changer leur corps physique, solide et tridimensionnel, en une réplique parfaite du corps d’énergie ; c’est-à-dire un conglomérat de champs d’énergie pure qui sont invisibles à l’œil normal, comme c’est toujours le cas pour l’énergie ; une charge éthérée d’énergie capable de passer, par exemple, à travers un mur. (…)
« A travers quels processus », dis-je, « les sorciers peuvent-ils transformer leurs corps d’énergie éthérés en corps solides et tridimensionnels, et leurs corps physiques en énergie éthérée capable de passer à travers un mur ? »
Don Juan, adoptant un sérieux professoral, leva le doigt et dit : « Au travers de l’emploi volontaire — bien que pas toujours conscient — et pourtant tout à fait dans nos possibilités, mais pas entièrement dans nos compétences immédiates – de la force agglutinante qui relie ensemble le corps physique et le corps d’énergie comme deux conglomérats de champs d’énergie.« 
Exprimée sur le ton de la taquinerie, son explication était néanmoins une description phénoménologique extrêmement précise de processus inconcevables pour nos esprits linéaires, et pourtant continuellement accomplis par nos ressources énergétiques cachées. Les sorciers maintiennent que le lien entre le corps physique et le corps d’énergie est une mystérieuse force agglutinante que nous utilisons incessamment sans jamais en être conscients.
Nous avons déjà dit que quand les sorciers perçoivent le corps comme un conglomérat de champs d’énergie lumineuse, ils perçoivent une sphère de la taille des deux bras étendus latéralement et de la hauteur des bras tendus vers le haut. Ils perçoivent aussi que dans cette sphère il existe quelque chose qu’ils appellent le point d’assemblage ; un endroit d’une luminosité plus intense, de la taille d’une balle de tennis, situé derrière le dos, à hauteur des omoplates et à une longueur de bras derrière elles.
Les sorciers considèrent le point d’assemblage comme étant l’endroit où le flux d’énergie directe est transformé en données sensorielles et interprété comme le monde de la vie quotidienne. Don Juan disait que le point d’assemblage, à part faire tout cela, avait aussi une fonction secondaire très importante : c’était le lien étroit entre le corps physique et le point d’assemblage du corps d’énergie. Il décrivait cette liaison comme étant analogue à deux cercles magnétiques, chacun de la taille d’une balle de tennis, s’attirant l’un l’autre grâce à la force de l’intention.
Il disait aussi que tant que le corps physique et le corps d’énergie ne se sont pas rejoints, la connexion entre eux n’est qu’une ligne éthérique, qui est si ténue parfois qu’elle semble ne pas exister. Don Juan était certain que le corps d’énergie était repoussé de plus en plus loin à mesure qu’on grandissait, et que la mort était le résultat de la rupture de cette connexion ténue.

Dans « Le passage des sorciers » (Taisha Abelar)

 
Le faux dualisme du corps et de l’esprit
Il est essentiel, pour le moment, de couper tous les liens physiques et émotionnels avec le monde.
Pourquoi est-ce si important ?
Parce que, avant toute autre chose, tu dois acquérir l’unité. »
Clara expliqua que nous sommes convaincus qu’un dualisme existe en nous ; l’esprit est la part insubstantielle en nous, et le corps en est la part concrète. Cette division maintient notre énergie dans un état de séparation chaotique et l’empêche de s’unifier.
« Rester divisé est le lot de notre condition humaine, admit-elle. Cependant, notre division n’est pas entre l’esprit et le corps, mais entre le corps, qui héberge l’esprit ou le soi, et le double, qui est le réceptacle de notre énergie fondamentale. »
Elle expliqua qu’avant la naissance la dualité imposée à l’homme n’existe pas, mais qu’à partir de la naissance les deux parties sont séparées par la force de l’intention de l’espèce humaine. Une partie se tourne vers l’intérieur et devient le double. À la mort, la partie la plus lourde, le corps, retourne à la terre pour être absorbée par elle, et la partie légère, le double, devient libre. Malheureusement, comme le double n’a jamais été mené à la perfection, il n’expérimente la liberté que pendant un instant, avant d’être éparpillé dans l’univers.
« Si nous mourons sans effacer notre faux dualisme du corps et de l’esprit, nous mourons d’une mort ordinaire, dit-elle. (…)
« Comme je te l’ai déjà expliqué, le dualisme corps-esprit est une fausse dichotomie. La vraie division a lieu entre le corps physique, qui loge l’esprit, et le corps éthérique, ou le double, qui loge notre énergie. Le vol abstrait se produit quand nous amenons notre double à influencer notre vie quotidienne. En d’autres termes, au moment où notre corps physique devient totalement conscient de sa contrepartie énergétique, nous avons franchi le pas dans l’abstrait, un monde de conscience totalement différent.

2 commentaires:

  1. Merci cet article faisant suite à tes deux précédents Un super article ; je vais attaquer la lecture tu m m' a donné envie de découvrir cet auteur merci pour ton blog top !!

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  2. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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