Le désespoir est la matière première des changements radicaux. Seulement ceux qui peuvent laisser derrière eux tout ce en quoi ils ont cru peuvent espérer en échapper.- W.S.Burroughs cité par Derrick Jensen dans Endgame, « Courage », p.315.
C’est l’espoir le vrai meurtrier. L’espoir est dangereux. L’espoir nous permet de rester assis sur le radeau en naufrage au lieu de chercher à réagir. Oubliez l’espoir. Notre seule chance est d’évaluer en toute honnêteté et en toute franchise la situation telle qu’elle est. Au lieu d’être assis là et « d’espérer » un échappatoire, peut-être devrions-nous reconnaître que prendre conscience de la vérité de notre situation, même si elle est déplaisante, est positif car c’est la première étape nécessaire aux vrais changements.- Gringo Stars cité par Derrick Jensen dans Endgame, « Espoir », p.327.
L’espoir est la bride qui nous soumet.- Raoul Vaneigem cité par Derrick Jensen dans Endgame, « Espoir », p.327.
Le remède au désespoir n’est pas l’espoir. C’est de découvrir ce que nous voulons faire de ce qui nous importe.- Margaret Wheatley cité par Derrick Jensen dans Endgame, « Espoir », p.327.
Casey Maddox a écrit que quand la philosophie meurt, l’action commence. Je dirais en plus que quand nous cessons d’espérer en une aide extérieure, quand nous cessons d’espérer que cette situation horrible dans laquelle nous nous trouvons se résoudra d’elle-même de quelle que manière que ce soit , quand nous cessons d’espérer que la situation n’empirera pas, alors nous sommes finalement libres – vraiment libres – pour commencer honnêtement à travailler à la résoudre profondément. Je dirais que quand l’espoir meurt, l’action commence.
L’espoir peut être bien – et adapté – pour les prisonniers, mais les hommes et femmes libres n’en ont pas besoin.
Êtes-vous prisonniers ou êtes-vous libre?
(…)
Une merveilleuse chose se passe quand vous abandonnez l’espoir, c’est que vous prenez conscience que vous n’en aviez pas besoin jusque là. Vous prenez conscience que d’abandonner l’espoir ne vous tue pas, ni ne vous rend inefficace. En fait cela vous rend plus efficace, parce que vous cessez de compter sur quelque chose ou quelqu’un d’autre pour résoudre vos problèmes – vous cessez d’espérer que vos problèmes seront résolus grâce à l’assistance magique de Dieu, de la Mère Universelle, du Club Sierra, des vaillants défenseurs des arbres, du brave saumon ou de la terre elle-même – et vous commencez simplement à faire ce qui est nécessaire pour résoudre vos problèmes par vous-mêmes.
À cause de la civilisation industrielle, les spermatozoïdes humains ont diminué de moitié ces 50 dernières années. En même temps, les filles deviennent pubères plus tôt: 1% des filles de 3 ans ont de la poitrine et des poils pubiens, et dans seulement les 6 dernières années, le pourcentage de fille de moins de 8 ans ayant de la poitrine et des poils pubiens est passé de 1% à 6.7% pour les blanches et de 27.7% pour les noires.
Qu’allez-vous faire de cela? Allez-vous espérer que vos problèmes vont disparaître? Allez-vous espérer quelques solutions magiques? Allez-vous espérer que quelqu’un – n’importe qui – stoppera les crimes de l’industrie chimique?
Ou allez-vous faire quelque chose à ce propos?
Quand vous abandonnez l’espoir, c’est encore mieux que de ne pas être tué: ça vous tue. Vous mourez. Et il y a une chose merveilleuse dans le fait d’être mort, c’est qu’une fois mort, ils – ceux au pouvoir – ne peuvent plus vous toucher. Ni avec des promesses, ni avec des menaces, ni avec la violence elle-même. Une fois que vous êtes mort de cette façon, vous pouvez encore chanter, vous pouvez encore danser, vous pouvez encore faire l’amour, vous pouvez encore vous battre comme un diable – vous pouvez encore vivre parce que vous êtesencore plus vivant qu’avant – mais ceux au pouvoir ne peuvent plus avoir de prise sur vous. Vous en êtes venu à prendre conscience que quand l’espoir meurt, votre moi qui est mort avec l’espoir n’était pas vous, mais celui qui dépendait de ceux qui vous exploitent, celui qui croyait que ceux qui vous exploitent s’arrêteraient d’eux-mêmes, celui qui dépendait et croyait les mythologies propagées par ceux qui vous exploitent pour faciliter cette exploitation. Votre moi social est mort. Votre moi civilisé est mort. Votre moi manufacturé, fabriqué, tamponné, moulé est mort. La victime est morte.
Et qui reste quand ce moi meurt? Vous. Votre moi animal, nu, vulnérable et invulnérable, mortel, survivant. Celui qui ne ressent pas ce que la culture lui a appris à sentir, mais ce qu’il ressent. Celui qui n’est pas ce que la culture lui a appris à être mais qui est. Celui qui peut dire oui, celui qui peut dire non. Celui qui fait partie de la terre où vous vivez. Celui qui se battra (ou pas) pour défendre votre famille. Celui qui se battra (ou pas) pour défendre ceux que vous aimez. Celui qui se battra (ou pas) pour défendre la terre dont la vie de ceux qui vous aimez et la vôtre dépendent. Celui dont la moralité n’est pas basée sur ce que vous a appris la culture qui est en train de tuer la planète, de vous tuer, mais sur votre propre ressenti animal, qui nourrit votre amour et vous tient lié à votre famille, à vos amis, à votre terre. Pas la famille identifiée par l’état civil, mais la famille animale, qui requiert une terre, qui est tuée par les produits chimiques, l’animalité qui a été rabotée et déformée pour rentrer dans les besoins de la culture.
Je
sais que plusieurs lecteurs vont frissonner à l’idée de « retourner à
l’animal » en nous. Je le sais parce que j’en ai frissonné moi-même.
C’est un automatisme. Un acquis social. Après tout, nous, ô humains tout
puissants, ne sommes-nous pas civilisés? Au-dessus de l’animal? À y
réfléchir longuement, durant un bon 10 secondes, la réponse est pourtant
évidente : non.
Quand vous abandonnez l’espoir – quand vous êtes mort de cette façon, et êtes redevenus vraiment vivants – vous faites en sorte de ne plus être vulnérable à la cooptation de la rationalité et de la peur comme celle perpétrée par les nazis sur les juifs et les autres, celle perpétrée par les personnes violentes sur leur victime, celle perpétrée par la culture dominante sur nous tous. Ou du moins à ces circonstances physiques, sociales et émotionnelles forgées par ceux qui exploitent et qui font que les victimes se perçoivent comme n’ayant pas d’autre choix que de perpétrer cette cooptation sur elles-mêmes. Mais quand vous abandonnez l’espoir, cette relation exploiteur/victime se brise.
Quand vous abandonnez l’espoir, vous perdez bien des peurs. Et quand vous cessez de compter sur l’espoir pour, à la place, protéger ceux que vous aimez, vous devenez bien sûr dangereux pour ceux qui sont au pouvoir.
Au cas où vous vous poseriez la question, c’est une très bonne chose.
Endgame, « Espoir », pp.330-334. Derrick Jensen (traduit en français par Les Lucindas)
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