De Guy Corneau
description par l’éditeur:
Immanquablement, presque immanquablement, vient un moment dans une vie où ça ne
va plus, où ça ne va plus du tout…
Nous nous sentons alors défaits, à la fois victimes des autres et bourreaux de nous-mêmes, incapables de sortir de la prison de nos peurs. Et si ce moment difficile était justement l’occasion de nous libérer, de devenir enfin les créateurs conscients de nos propres vies?
C’est à ce cheminement que Guy Corneau nous invite avec une simplicité
familière et lumineuse. Pour guider les étapes de notre transformation
intérieure, il nous présente les dieux fascinants de la mythologie égyptienne.
Osiris le glorieux, Seth le destructeur, Isis source de vie nous aident à
comprendre les situations riches et complexes que nous vivons. Les positions de
victime, bourreau, ou sauveur, se révèlent alors comme des rôles limitatifs dont
chacun peut se dégager pour se réconcilier avec soi-même. Et, peu à peu, voir
apparaître en soi un grand soleil. Il ne tient qu’à nous de le laisser briller,
et de déployer nos ailes tel Horus, le faucon de lumière. Psychologie,
psychanalyse, spiritualité : Guy Corneau fait appel à chacun de ces domaines et
s’appuie aussi sur son expérience personnelle, pour nous entraîner, loin du
cours magistral, dans une véritable danse de la vie. –
Extrait:
"Pour parler plus légèrement de ce combat entre l’ombre et la lumière, j’ai eu l’idée de composer un conte, un conte avec un dragon qui garde un trésor. Le dragon représente la personnalité. Le trésor représente l’individualité retrouvée. Et le héros représente le Disciple de la vie déterminé à sortir de son ignorance. Vu sous un autre angle, nous pourrions dire que le trésor symbolise l’autonomie de l’être et que le dragon incarne les épreuves de la vie qui doivent être affrontées pour entrer en possession de la richesse qu’est sa liberté
Il faut d’abord savoir que le dragon a derrière lui des siècles d’expérience. Peu d’êtres lui ont échappé véritablement. Il se moque des armes modernes. Vous pouvez faire sauter sa caverne à coups de missiles ou lui trancher la tête à l’arme automatique ; ce sont des solutions temporaires. Un jour ou l’autre, vous trouverez une queue de dragon dans un placard oublié. Rien ne sert de courir, il ira toujours où vous allez puisqu’il est en vous-même.
Pour qu’il accepte de libérer ses victimes, on doit l’affronter en combat singulier, au corps à corps. Il faudra foncer sans crainte d’y perdre des plumes, sans peur d’avoir peur.
Vous devez vous rappeler que ce dragon est passé maître dans l’art de la manipulation et de la culpabilisation. Son avantage sur vous est que tous les coups lui sont permis. Il peut vous émouvoir jusqu’aux larmes pour vous convaincre de ne pas porter le coup de grâce, et vous mettre la patte dessus l’instant d’après, triomphant sans honte. Son seul objectif est de vous garder en sa possession ; il est prêt à tout pour ça.
Vos armes sont limitées mais elles sont efficaces. La première est la volonté. On ne vient pas à bout du dragon de la personnalité par accident. Il est nécessaire de s’appliquer à cette tâche avec détermination. Tous les moments de relâche et d’oubli donnent du répit au personnage, lui permettent de refaire ses forces.
Le dragon se mobilise dès que vous entreprenez votre recherche. Il va dresser devant sa caverne un grand miroir et le tourner contre vous. Ce miroir a la propriété d’être recouvert d’une sorte de brouillard qui confond les assaillants. Voici la première épreuve. En approchant de la caverne vous ne verrez rien d’autre que vous-même et vous vous demanderez ce que vous êtes venu faire là. Tout à coup, la nature même du problème auquel vous vouliez vous attaquer vous échappera. Comme lorsqu’on va chez le médecin et que, une fois sur place, on a plus mal.
C’est le moment de sortir votre deuxième arme : le discernement. Vous devez vous asseoir pour réfléchir et retrouver le sens de votre démarche. Voyant que vous êtes assis à ne rien faire, les fantômes du passé ne manqueront pas de venir vous visiter. Votre enfance et votre age adulte vous reviendront. Le rapport avec vos parents refera surface. Vous constaterez combien ceux-ci vous ont fait souffrir et vous serez tenté de rejeter sur eux toute la responsabilité de vos malheurs, les utilisant comme boucs émissaires. C’est l’option du blâme. Certes, elle vous décharge de toute responsabilité mais elle vous garde victime des autres, et du dragon.
L’option est séduisante ; il faut donc posséder un couteau bien aiguisé pour trancher dans l’illusion. Nombre de chevaliers quittent le champ de bataille après cet examen de conscience qui les a fait conclure que leurs conditionnements relevaient de la responsabilité des autres.
Vous pouvez effectivement quitter le terrain sur le champ et vous satisfaire de ce constat : vous n’êtes ni si méchant ni si ingrat, il y en a des pires, et, tout compte fait, vous vous en êtes plutôt bien tiré. C’est à ce moment précis que des bruits étranges montent d’on ne sait où. Le dragon se tord de rire. Il se moque ouvertement de vous. Vous croyez l’avoir vaincu alors que le face à face n’a pas encore eu lieu. Somme toute, vous avez été une proie facile.
Si vous prenez conscience d’une fausse note en vous et décidez de rester dans la quête, le courage sera votre prochaine arme de combat. Au sortir de votre analyse, vous décèlerez les stratagèmes du dragon. Le miroir qui embrouille les pensées est placé devant l’ouverture de la caverne, il en est la porte d’entrée, pour ainsi dire. Muni de votre petit bagage de connaissance sur vous-même, vous pouvez maintenant y pénétrer. La caverne est noire et humide, empreinte d’une odeur sulfureuse qui donne envie de vomir. A nouveau, les doutes vous envahissent. Avez-vous le droit de faire ce que vous faites ? Pourquoi ne pas laisser les choses dormir comme elles sont ? N’êtes vous pas en train de faire souffrir vos proches avec vos velléités de compréhension et d’autonomie personnelle ? La culpabilité vous étouffe. C’est la troisième épreuve.
Vous aurez l’impression d’être devenu du jour au lendemain un mouton noir pour vos intimes. D’ailleurs, ils vous le manifesteront. Votre mère lance que vous allez la tuer, qu’on n’a pas le droit de dire ça à ses parents et que, après tout, elle a fait de son mieux. Votre mari et vos enfants vous feront sentir que la vie était plus agréable lorsque vous passiez vos journées à la maison. Votre femme menacera de divorcer si vous continuez à l’embêter avec vos histoires de psychologie.
Il est encore temps de fuir. Vous pouvez sortir de l’antre du dragon reprendre votre vie de bonne mère soumise et dévouée ou de garçon bien adapté. Vous pouvez continuer à jouer au gentil, avec un petit excès de temps à autre, histoire d’évacuer la tension. Rien de mal là dedans. Mais si vous en avez assez de ravaler vos frustrations, il vous reste à prendre votre courage à deux mains- poursuivez l’aventure. Sachez seulement qu’au-delà de ce point on n’en revient plus indemne.
Une chose est sûre, vous avez maintenant besoin d’une bougie pour y voir un peu plus clair. Dans les vrais contes de fées, cette bougie est le produit du courage, de la détermination et du discernement fondus ensemble, car le héros sait qu’il est lumière. Mais comme les héros et les héroïnes ne sont plus ce qu’ils étaient, vous sentirez croître en vous le besoin d’un peu d’aide extérieure.
Votre élan de liberté, sans parler de vos angoisses, vous jettera dans les livres de psychologie. Vous voudrez faire de la méditation, du taï chi, de la visualisation. Vous fréquenterez des maîtres spirituels, des psy, des médiums. Vous prendrez des temps de retraite, avalerez beaucoup de vitamines, ferez des diètes, et j’en passe. Avec un peu de chance, car il en faut tout de même un peu, la flamme de la conscience s’allumera. Vous aurez alors l’impression de savoir un peu mieux ce qui vous arrive et où vous en êtes. Premier répit, premier lâcher prise. Bien entendu, au début il s’agit d’une toute petite flamme tremblante, mais elle va quand même faire toute la différence. Parce qu’après ça vous pourrez voir à qui vous avez affaire. La quatrième épreuve vous guette. Elle a pour nom la consternation.
Vous allez d’abord voir la silhouette immense du dragon se profiler dans la pénombre puis vous vous rendrez compte que les anneaux du serpent forment les murs mêmes de la caverne. Autrement dit, le personnage vous entoure de toutes parts. Vous êtes au beau milieu d’un serpent lové autour de vous. Vous réaliserez d’un seul coup que votre liberté est nulle. Le serpent a toujours été là et vous en avez toujours été prisonnier. Son haleine imprègne chacune de vos cellules. Votre vie se résume en quelque sorte à ce ballet mécanique Victime-Sauveur-Persécuteur. Vous saurez alors qu’il n’y a pas d’action dans votre vie, il n’y a que des réactions programmées. Vous n’auriez jamais cru que le problème pouvait être si vaste. Vous allez regretter instantanément d’avoir allumé votre petite bougie. C’était moins pire avant car, comme le dit le dicton, ce qu’on ne sait pas ne nous fait pas mal.
Il vous faudra ici une double dose de détermination pour ne pas céder au sentiment d’impuissance, au défaitisme. C’est la cinquième épreuve. Seules peuvent désormais vous sauver la persévérance et votre foi chancelante en l’existence d’un trésor au-delà de ces méandres tortueux. Vous pouvez bien sur éteindre votre chandelle et faire comme si de rien n’était mais, d’une certaine façon, il est trop tard. Vous ne pourrez plus jamais oublier le spectacle.
Les écailles du monstre sont autant de petits miroirs sombres qui vous renvoient tous une image peu reluisante de votre vie. Ce sont les miroirs de l’ombre. Ils vous convient à un examen de conscience sans fards. D’un fragment à l’autre, vous découvrirez comment vous avez construit votre propre malheur. Comment à force d’atermoiements, vous avez réprimé votre goût de vivre et oublié l’essentiel : l’homme ou la femme libre que vous êtes.
Vous pouvez passer des années dans le dédale de ces petits miroirs. Car, même si le séjour est très inconfortable, on ne peut progresser qu’à petit pas. A mesure qu’on avance, la puanteur s’accroît et le dragon tente de vous étouffer en resserrant ses anneaux. Vous aurez des visions terrifiantes au cours desquelles vous tuerez vos proches. Vous crierez pendant votre sommeil, vous vous éveillerez en pleurant. Rien ne vous sera épargné. La peur, l’horreur, la terreur paralyseront chacun de vos pas ; elles vous démembreront avec plus d’efficacité que le plus habile des chirurgiens. Vous aurez l’impression de voler en éclats.
Vous verrez votre lâcheté, votre hypocrisie, vos manipulations, vos jugements impitoyables. Vous prendrez conscience de votre complaisance et de votre rage. Votre amour de la guerre, votre jouissance dans la maladie, votre capacité de tuer, votre vide, votre haine, votre exhibitionnisme, votre égocentrique, vous verrez tout ce que vous avez toujours souhaité que les autres voient en eux… et ne voient jamais chez vous. Certains jours, il vous semblera frôler la folie. La fibre même de votre être sera défaite à force d’avancer dans cette chaleur froide, dans cette humidité sèche, dans cette puanteur parfumée. Jusqu’à ce que, épuisé, vous déclariez forfait. Jusqu’à ce que vous abandonniez toutes vos postures, et le courage, et la détermination, et la persévérance, et la bougie et tout ce que vous avez appris.
Jusqu’à ce que vous vous déclariez battu à plate couture. Pire encore, jusqu’à ce que vous vous fichiez éperdument d’être vainqueur ou vaincu, battant ou battu.
Sans le savoir, vous aurez eu le bon réflexe au bon moment. Car à cet instant précis, vous serez face à face avec le monstre, à sa merci. Les méandres de l’ombre ne servent à rien d’autre qu’à vous épuiser, qu’à faire mourir en vous tout autre désir que celui de vivre quelques instants de paix véritable. Les miroirs de l’ombre servent à vous pousser fermement vers la simplicité de l’essentiel.
Vous pensiez vous retrouver devant un monstre fumant, agité par une colère intense. Pas du tout, le monstre est charmant. Vous devrez à ce point réunir ce qui vous reste de courage et de détermination pour briser la fascination qu’exercent sur vous les yeux de la bête – ils sont la meilleure arme du dragon. Pour gagner votre liberté, vous avez un dernier geste à accomplir : trancher les attaches qui vous lient à votre personnage tel le cordon ombilical à votre maman.
Vous serez alors assailli par la plus formidable attaque de doute, de peur et de culpabilité que vous ayez jamais connue. Maintenant qu’il risque de perdre sa victime, le dragon réagit. Vous entendrez ses cris stridents évoquer en vous la douleur insupportable d’une mère ou d’un enfant. Vous aurez l’impression de renoncer à la vie même. Vous ne devez pas vous laisser attendrir, cela vous tirerait immédiatement en arrière. Il vous faut assumer pleinement le geste que vous faites. Si vous résistez à l’appel des pleurs et maintenez votre volonté d’en finir avec le chantage, la possessivité et la jalousie, vous sentirez les liens céder peu à peu et le dragon blessé relâcher son emprise.
En tranchant la tête du dragon, vous tranchez votre lien au passé et votre compulsion à chercher à l’extérieur la solution à vos besoins. En tuant le dragon, vous renoncez à votre propre grandeur. Vous coupez le cordon ombilical de vos peurs. Vous ouvrez en vous-même un espace de liberté et d’autonomie réelle.
Vous saurez instantanément que l’enfance est finie, que ce ne sera plus jamais la faute des autres, que vous venez de prendre votre vie en main et que vous êtes désormais seul maître de votre destin. Vous direz adieu à la douce irresponsabilité qui a été la votre jusqu’à maintenant.
Cette humble victoire sur le dragon brisera votre indentification au personnage. Vous prendrez conscience que vous êtes parfaitement libre d’être ce que vous voulez, et que vous l’avez toujours été. Aux yeux du monde, cela n’a aucune espèce d’importance que vous utilisiez ou non cette liberté. A vos yeux, cela en a beaucoup. C’est toute la différence entre une vie contrainte, passée à l’attention aux autres, et une vie épanouie dont vous devenez peu à peu le maître ou la maîtresse d’œuvre.
A ce point de votre aventure, vos mains sont sales, vos vêtements puent la sueur froide et vous baignez dans le sang, comme un enfant nouveau né. Les liens mutilés forment autour de vous un cordon ombilical géant. Des larmes de joies vous submergent ; un formidable goût de vivre vous récompense pour vos peines. Un vent de fraîcheur balaie la caverne. Un coin de ciel bleu filtre à travers les rets que forment les anneaux du serpent. Il vous semble que pour la première fois, vous pouvez respirer sans entraves. Vous êtes en train de renaître. Le trésor ? Ah ! Oui, le trésor ! J’allais oublier le trésor ! En fait, c’est ça le trésor ! Vous vous rendez compte qu’au-delà du personnage, au-delà du dragon et de la caverne, il y a l’univers tout entier qui s’étend devant vous, ouvert.
En contemplant votre nouveau domaine, vos yeux s’emplissent de douceur et de compassion, des yeux qui ont vu toute la misère du monde et la tolèrent sans juger, des yeux qui voient à travers les êtres, des yeux qui ne trichent pas. Avec ces nouveaux yeux, vous verrez le cœur de votre mère et vous serez touché aux larmes. Vous verrez le cœur des êtres qui vous ont entouré pendant votre vie et vous comprendrez qu’ils vous voulaient du bien, malgré les coups, malgré les négligences.
Vous aurez les yeux d’une mère qui aime. Vous aurez les yeux de l’amour. Vous saurez à travers ces yeux que vous avez été aimé et que vous avez aimé. Ne serait ce qu’une heure, ne serait qu’une seconde, vous avez été un enfant du désir et de l’amour. Et par la grandeur de cette seconde, tout sera réparé.
Le reste, ce sont des détails, des ajustements. Ca ne veut rien dire. Vous n’aurez plus d’yeux que pour l’amour triomphant, l’essence même de tout ce qui est.
Vous serez devant le secret même de votre origine. Vous pourrez ouvrir votre cœur, reconnaître l’amour profond que la vie a eu pour vous, qu’elle a toujours et encore. Si vous ne pouvez assumer cet amour, votre esclavage continuera car c’est la haine qui fait la force de vos liens avec le dragon. Il n’a jamais eu d’emprise sur vous, il n’en a jamais eu d’autre que celle que vous lui avez permis d’avoir en inventant l’histoire de votre enchaînement.
Vous réaliserez que vos parents, vos enfants, vos patrons, vos amis vous reflètent parfaitement. Ils sont ceux dont vous aviez besoin pour évoluer et apprendre à vous détacher. Vous réaliserez qu’ils vous ont poussé à devenir vous-même et vous les aimerez. Sans conditions, vous les aimerez. En faisant la paix avec votre passé, vous entrerez dans le moment présent, vous deviendrez ce petit coin de ciel bleu et par lui vous prendrez possession du ciel.
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