Je vais me faire une maison dans ton
ventre, un deux pièces douillet pour les jours de pluie, avec du parquet
qui craque et un vieux canapé déglingué, je vais rien changer, rien
repeindre, juste m’installer. J’emménage petit à petit, pas sûre que tu
réalises, une brosse à dent, un tapis à poils durs, du café pas trop
fort, je pousse les murs, ça résiste, je pousse plus fort, ca passe.
T’as pas l’air de souffrir, ca te fait pas peur, tu te laisses envahir.
Une fois lovée dans ton dedans, une fois collée à toi, aux boyaux, au
foie, faudra le vouloir pour m’éjecter, faudra opérer, des bistouris et
des pansements, je te laisse du vide quand je claque la porte, je te
laisse du rien et tu soupires. Alors peut-être que cette fois je ne
partirai pas. Peut-être qu’on sera liés par les cordons dégueulasses des
chairs, des morceaux microscopiques de ta peau morte sur mes doigts,
nos microbes, nos miasmes, le magma biologique chaud et sale de l’amour
vivant, qui fermente et qui pourrit, qui se décompose et qui refleurit.
Je sais pas pourquoi j’ai toujours
l’impression que les choses doivent être sales, organiques, salies par
l’usure, par le vent ou par la boue, par les pleurs ou par la pluie,
pour être jolies. J’ai l’impression que je ne vois la beauté que dans
l’organique, dans l’instant où j’oublie de respirer, entre deux
souffles, quand on ne sait pas ce qui va arriver. J’ai pas le goût des
dîners aux chandelles, sauf si on renverse, des balades en bateau, sauf
s’il pleut, de l’amour propre sans tâches, sauf si tu veux essayer.
J’aime bien le rose, le poudré, deux minutes, pour rigoler, ce que je
préfère c’est le gris, le métal, le bois, l’odeur de l’encens des
églises, celle du cuir dans ton cou, tes ongles presque carrés. J’aime
faire le grand écart entre l’amour parfait, celui que j’imagine, et la
réalité. Je crée quelque chose dans cet espace qui n’existe pas, que tu
occupes pleinement sans jamais y rentrer, tu peux me regarder rêver si
tu veux, la bouche ouverte quand je dors, les cheveux emmêlés.
Je ne suis pas une grande
communicante. Il faudra deviner, souvent. Il faudra demander, tout le
temps. Il faudra me sortir de ton ventre pour me faire exister, il
faudra que je devienne vraie, même si j’ai peur. J’ai peur tu sais.
Dehors c’est jamais vraiment bien, les silences sont moins jolis, les
attentes plus cruelles, le temps ne nous rend pas meilleur, dehors je ne
suis plus dedans, nous sommes deux, mitose. Je me roule dans l’avant,
dans l’anticipation, je me couvre d’histoires, de possibles, de
scenarii, je réfléchis. Je pense à toi. Surtout. Je pense à toi,
toujours. Et toi.
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