jeudi 9 juillet 2015
Amour impossible
Tomber follement amoureux, se sentir grisé, empli d’une incroyable énergie et d’un bonheur sans limite… et puis savoir (ou découvrir par la suite) qu’il s’agit là d’un amour impossible, voilà quelque chose que nombre d’entre nous ont vécu.
Comme souvent dans ces situations, une part de nous tend irrésistiblement vers l’être aimé tandis qu’une autre s’en défend. Et dans ce monde où les opposés sont résolument tenus séparés, il ne peut exister dans le même temps une chose et son contraire. C’est donc le déchirement, la lutte entre le cœur et la raison : comment être amoureux de celui ou celle que l’on attendait depuis toujours et accepter que cet amour ne puisse être vécu ? Inondé d’amour, le cœur voit la raison brandir l’épée du pouvoir et de sa loi, et finit par se rendre, vaincu. C’est, pour un temps, le règne de la raison… jusqu’à ce que ses fondements soient ébranlés par le cœur qui se meurt.
Une spirale infernale commence et l’on oscille entre les contraires.
Il se peut alors que l’on s’en veuille d’avoir créé, ou de n’avoir pas évité, les circonstances qui nous ont fait (re)tomber dans le piège des amours impossibles, des complications et de l’infinie souffrance qu’ils génèrent. Peut-être s’était-on promis de ne plus succomber à la passion et à l’ivresse. Peine perdue, il suffit d’une circonstance particulière, on se croyait fort… et crac, on est pris. Vivre sans l’autre paraît impossible, vivre cet amour l’est tout autant.
Mais un coup de foudre n’est pas forcément la naissance d’un amour comme on l’entend habituellement, et celui qui accepte de se tourner vers ses rêves sera tout étonné de voir comment l’inconscient présente cet événement. L’émoi qui nous saisit face à l’être aimé peut en effet s’adresser à une partie de nous jusqu’alors ignorée ou inconnue. Il peut s’agir de nos valeurs les plus profondes ou d’entreprises que nous nous interdisons ou remettons sans cesse à plus tard ; c’est la raison pour laquelle nous ne pouvons concevoir de renoncer à cet amour. Ces valeurs, ces actions, nous les « jetons » (projetons) en quelque sorte sur le partenaire qui, s’il n’y prend garde, peut endosser le vêtement qui nous siérait tant. Et, sans en être aucunement conscients, nous attendons de lui qu’il se comporte comme nous le souhaiterions.
Dans ces moments de terrible souffrance et de grande confusion, les rêves nous réinventent. Ils nous apparaissent de prime abord incompréhensibles, mais une seconde lecture nous montre qu’ils illustrent pourtant savamment la situation. Tout en démêlant les choses, ils tissent, au fil des nuits, un vêtement nouveau, sur mesure, qui n’appartient qu’à nous : si les histoires d’amours impossibles sont légion, notre situation est unique, et les images des rêves le sont tout autant. En les faisant siennes, le rêveur peut voir des possibilités nouvelles se dessiner.
Une femme, lors d’un déplacement professionnel, rencontre un homme, se retrouve complètement sous le charme puis nourrit, des mois durant, le fantasme d’une union avec lui. La vie lui pèse et, chez elle, la situation avec son partenaire se dégrade.
Dans ses rêves, l’image d’un enfant de six mois apparaît, un enfant sur lequel elle doit veiller (la rencontre remonte à six mois). Et la rêveuse réalise alors que quelque chose en elle a en quelque sorte « épousé » cet homme, que l’union qu’elle espère tant à l’extérieur a bien eu lieu, et que de ce mariage — tout intérieur — quelque chose est né. En observant le rêve de plus près, elle réalise que l’enfant s’apparente à une femme en lien avec des compétences chèrement acquises au fil des années. Elle constate également que l’endroit où vit cet enfant n’est pas anodin puisqu’il symbolise à ses yeux ce qu’un ami proche a patiemment reconstruit après avoir quitté un milieu professionnel qui ne correspondait pas à ses valeurs. L’homme aimé incarne ainsi le métier « de ses rêves » et, en épousant l’idée qu’elle pourrait bien faire « un » avec ce métier, elle a donné naissance à un nouveau projet de vie, fruit de ses compétences. Et c’est sur cela qu’elle doit veiller ; il y a en elle, comme chez son ami, courage et détermination pour incarner ses valeurs de vie.
C’est ainsi que, lorsque l’on adhère à ce qui émerge de la profondeur nous sommes, un peu plus consciemment, de l’étoffe dont sont faits nos rêves.
Michèle Le Clech , Amour impossible
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