lundi 11 janvier 2016

An island / A rock



Je cherche les mots pour décoder la beauté. Je cherche les adjectifs et les verbes les plus sincères et les plus clairs. Je cherche à dire ce que je ressens en moi, ce que je vois, ce qu’il se passe dans mon coeur, dans mon ventre, dans ma tête, mais ça ne vient  pas. Je suis trop mobilisée à ressentir, ma peau, mes ongles, mes yeux, il y a trop à faire pour réfléchir et ordonner, penser et classer. Je veux pourtant me souvenir des belles choses, alors je note, je chante, je commence des poèmes que j’ai honte de déclamer, je hurle que ma vie est exactement comme je la voudrais, que je suis enfin arrivée à être moi, et qu’il n’y a rien de plus exaltant, et que si demain est noir, j’aurai la force de m’être trouvée, à force d’en chier.
Il aura fallu tout détruire, tout expier, il aura fallu te quitter, il aura fallu trancher les liens et les déclarer cassés pour toujours, il aura fallu apprendre à laisser partir, ouvrir les mains plutôt que de les refermer. Il aura fallu me battre, contre la petite voix qui me répète que je ne suis rien et que je n’y arriverai pas, qu’on est plus au chaud dans le moule des autres, il aura fallu prendre la ferme décision de m’aimer. C’est ma lune de miel personnelle, juste entre moi et moi même. Et je voudrais qu’elle dure, parce qu’on attire le bien en se le souhaitant, je n’y crois pas à ces conneries pourtant. Tout ira bien, même si. Tout est en ordre puisque j’habite enfin dans ma maison, j’ai investi les pièces de mon corps et de ma tête, pas de cartons qui traînent, de vieux dossiers à solder. J’assume pleinement, mes erreurs, mes envies, mes laideurs, mes passés. J’ai usé tant de temps à courir derrière quelqu’un que je n’étais pas, j’ai fait tellement d’efforts pour ressembler à celle que vous vouliez que je sois. C’est terminé.
Auprès de moi, dans la lumière, mes amies, mes soeurs de coeur, celles qui font battre mon sang plus fort, celle qui m’ont aimé malgré moi tant de fois, les très précieuses, les merveilleuses, merci. Pour la route partagée, pour les rires, pour les pleurs, pour les cris, pour les silences, pour la rage, pour la joie, pour ce qui viendra. Des amours, beaucoup, plein, des fidèles et des absents qui reviennent, des douceurs toujours, des découvertes, des neufs qui me font tant sourire que mes joues me tirent, des larmes qui me viennent au moment de jouir. Je suis aimée, et je chéris chacun de ces amours, je tente de les nourrir, des les entretenir, de les faire grandir. Je n’arrête pas d’apprendre, je n’arrête pas d’écouter. Je me nourris de vous, de vos histoires, de vos lumières, de ce que vous choisissez de partager, de vos stratégies subtiles pour m’acclimater. Je me laisse approcher, je n’ai plus peur, venez. Je n’ai plus besoin que les gens soient parfaits, je n’ai plus besoin de serments ou de promesses, j’ai besoin de vous pour les bonnes raisons, pas parce que je crains d’être oubliée. Et si tout cela paraît trop beau pour être vrai, si j’écris un évangile trop simple, pas assez miraculeux pour faire recette, tant pis. Il me va bien, il m’anime, il me transporte, il me protège, il me fait vivre. Je n’ai plus besoin de serrer le corps des autres pour me sentir exister, j’ai conscience de moi, enfin. J’ai besoin de vos rires, de vos colères, de votre tendresse, de vos histoires qui s’imbriquent dans la mienne pour ériger l’autel bancal de nos amours, j’ai besoin de votre peau, de vos odeurs, j’ai besoin de vos cerveaux qui tricotent dans le mien pour me faire avancer. Je n’ai -presque- plus peur d’être rejetée, ou de dire non, j’accepte de ne pas être choisie à chaque fois, je m’autorise enfin à refuser de l’être. Moi aussi, je peux choisir, je peux dire, je peux exister.
Je n’ai pas perdu mon temps jusqu’ici. Je ne regrette pas le chemin, les jolies choses, les ombres me semblent moins dures à présent. Je suis le résultat de ces années à me chercher, à me découvrir, à tester les limites de ma raison, de ma volonté. Je suis le produit de mes erreurs de casting, de mes raisonnements à faux, de mes coups de tête, de ma stratégie de l’échec. Je me réconcilie avec celle que j’ai été. Je me raconte mon histoire dans ma tête, et j’essaie de pardonner le personnage principal, elle n’était pas si mauvaise, elle a bien morflé. Je mets de la crème sur mes vergetures, je décore mes cicatrices de petits dessins naïfs. Je me ferai pousser des fleurs dans le vagin si je pouvais. C’est à ce point. Je célèbre le véhicule qui porte cette nouvelle douceur, je remercie les capitons, les os, mes pieds, de me porter. Oh, je suis dure encore pourtant, la douceur ne m’empêche pas d’hurler, de dire qu’il est très sain d’être en colère, d’alimenter mes révoltes, mon bonheur ne m’empêche pas de penser. Il rend ma peau plus épaisse aux injures, mon cuir est tanné, difficile de réussir à blesser quelqu’un-e qui sait profondément qui il-elle est. Tout glisse, rien ne pénètre en moi sans consentement, ni les bites, ni les mots, ni rien. Je suis une île à moi même, en auto-gestion totale, autonomie de pensée et de décision, et je suis décidée à le rester.

2 commentaires:

  1. Que c'est bien dit, Daria Marx à trouvé les mots pour se dire :)
    Vieviane

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.