Peu de phénomènes ont eu un impact profond au niveau mondial aussi rapidement que l'actuelle épidémie de Coronavirus. En un rien de temps, la vie humaine a été complètement réorganisée. J'ai demandé à Mattias Desmet, psychothérapeute et professeur de psychologie clinique à l'université de Gand, comment une telle chose est possible, quelles en sont les conséquences et à quoi nous pouvons nous attendre à l'avenir.
Près d'un an après le début de la Coronacrise, comment se porte la santé mentale de la population ?
Mattias Desmet — Pour l'instant, il existe peu de
chiffres qui montrent l'évolution d'indicateurs possibles comme la prise
d'antidépresseurs et d'anxiolytiques ou le nombre de suicides. Mais il
est surtout important de replacer le bien-être mental lié à la
Coronacrise dans sa continuité historique. La santé mentale était en déclin depuis des décennies.
Le nombre de dépressions et de problèmes d'anxiété ainsi que le nombre
de suicides ont depuis longtemps régulièrement augmenté. Et ces
dernières années, l'absentéisme dû à la souffrance psychologique et aux
burnouts a connu une croissance énorme. L'année précédant l'épidémie de
Coronavirus, on pouvait sentir ce malaise croître de manière
exponentielle. Cela donnait l'impression que la société se dirigeait
vers un point de basculement où une « réorganisation » psychologique du
système social était impérative. C'est ce qui se passe avec la
Coronacrise. Au début, nous avons remarqué que des personnes ayant peu
de connaissances sur le virus évoquaient des peurs terribles, et une véritable réaction de panique sociale s'est manifestée. Cela se produit surtout si une forte peur sous-jacente existe déjà chez une personne ou au sein d'une population.
Les dimensions psychologiques de l'actuelle Coronacrise sont
sérieusement sous-estimées. Une crise agit comme un traumatisme qui
prive un individu de son sens de l'histoire. Le traumatisme est
considéré comme un événement isolé en soi, alors qu'il fait partie d'un
processus continu. Par exemple, nous négligeons facilement le fait
qu'une partie importante de la population a été lors du confinement
initial étrangement soulagée, se sentant libérée du stress et de
l'anxiété. J'ai régulièrement entendu des gens dire : « Oui, ces mesures sont sévères, mais au moins je peux me détendre un peu ». Parce que le train-train de la vie quotidienne s'est arrêté, un calme s'est installé dans la société. Le
confinement a souvent libéré les gens d'une ornière psychologique, ce
qui a permis de créer un soutien inconscient pour le confinement.
Si la population n'avait pas déjà été épuisée par sa vie, et surtout
par son travail, elle n'aurait jamais soutenu le confinement. Du moins
pas en tant que réponse à une pandémie qui n'est pas trop grave par
rapport aux grandes pandémies du passé. Quelque chose de similaire s'est
produit lorsque le premier confinement a pris fin. On a alors
régulièrement entendu des déclarations telles que « Nous n'allons pas recommencer à vivre comme avant, être à nouveau coincés dans les embouteillages », etc. Les gens ne voulaient pas revenir à la vie normale d'avant la Coronacrise.
Si nous ne tenons pas compte du mécontentement de la population
vis-à-vis de son existence, nous ne comprendrons pas cette crise et nous
ne pourrons pas la résoudre. D'ailleurs, j'ai maintenant l'impression
que la nouvelle normalité est redevenue une ornière, et je ne serais pas
surpris que la santé mentale commence vraiment à se détériorer dans un
avenir proche. Peut-être surtout s'il s'avère que le vaccin n'apporte
pas la solution magique que l'on attend de lui.
Les cris de désespoir des jeunes apparaissent régulièrement dans les médias. Dans quelle mesure les prenez-vous au sérieux ?
Mattias Desmet — Eh bien, vous devez savoir que les
confinements et les mesures associées diffèrent complètement selon qu'il
s'agit de jeunes ou d'adultes. À la différence d'un adulte d'âge moyen,
la durée d'une année pour un jeune signifie une période au cours de
laquelle il subit un énorme développement psychologique, dont une grande
partie se déroule dans le dialogue avec ses pairs. Les jeunes d'aujourd'hui vivent cette période dans l'isolement,
et il se pourrait bien que cela ait des conséquences négatives pour la
majorité d'entre eux. Mais tout est complexe lorsqu'il s'agit des
jeunes. Par exemple, ceux qui souffraient auparavant d'anxiété sociale
aiguë ou d'isolement social se sentent peut-être mieux aujourd'hui parce
qu'ils ne sont plus les inadaptés. Mais de manière générale, la
jeunesse est sans doute la plus touchée par cette Coronacrise.
Qu'en est-il de l'anxiété chez les adultes ?
Mattias Desmet — Chez les adultes, la peur existe
également, mais l'objet de la peur diffère. Certains ont surtout peur du
virus lui-même. Certains habitants de ma rue osent à peine sortir de
chez eux. D'autres ont peur des conséquences économiques des mesures. Et
d'autres encore redoutent les changements sociaux qu'elles induisent.
Ils craignent l'émergence d'une société totalitaire. Comme moi (rires).
Les taux de mortalité et de morbidité associés au coronavirus sont ils proportionnels aux réactions de peur ?
Mattias Desmet — La maladie et la souffrance sont
toujours mauvaises, mais les effets délétères de la réponse du
gouvernement sont disproportionnés par rapport au risque sanitaire du
virus. Professionnellement, je suis impliqué dans deux projets de
recherche sur le Coronavirus. Par conséquent, j'ai travaillé de manière
assez intensive avec les données. Il est clair que le taux de mortalité
du virus est assez faible. Les chiffres annoncés par les médias sont
basés sur un décompte, disons, trop enthousiaste. Indépendamment de tout
problème médical préexistant, à peu près toutes les personnes âgées qui
sont mortes ont été ajoutées à la liste des décès imputables au virus.
Je ne connais personnellement qu'une seule personne qui a été
enregistrée comme morte du coronavirus. Il s'agissait d'un patient
atteint d'un cancer en phase terminale qui est mort avec et non à cause du coronavirus. Le fait d'ajouter ces types de décès aux décès dus au coronavirus augmente les chiffres et accroît l'anxiété de la population.
Plusieurs médecins urgentistes m'ont appelé pendant la deuxième vague.
Certains m'ont dit que leur service n'était absolument pas envahi de
patients atteints du coronavirus. D'autres m'ont dit que plus de la
moitié des patients de l'unité de soins intensifs n'avaient pas le
syndrome du coronavirus ou présentaient des symptômes si légers qu'ils
auraient été renvoyés chez eux pour guérir, si on leur avait
diagnostiqué une grippe. Mais vu la panique ambiante, cela s'est avéré
impossible. Malheureusement, ces médecins ont souhaité rester anonymes,
de sorte que leur message n'a pas atteint les médias et l'opinion
publique. Par la suite, certains d'entre eux ont également raconté leur
histoire à un journaliste de la chaîne d'information VRT, mais
malheureusement rien n'en est ressorti à ce jour. Et je tiens à
mentionner que d'autres médecins ont interprété les faits apparents
d'une manière complètement différente de celle décrite dans le récit
conventionnel.
Nous sommes frappés par la disparition de la capacité à critiquer le
consensus et les mesures contre le coronavirus, même au sein du monde
académique où les idéaux scientifiques exigent un tel esprit critique.
Comment l'expliquez-vous ?
Mattias Desmet — Ne vous méprenez pas : à l'université et dans le monde médical, de nombreuses personnes sont stupéfaites par ce qui se passe. J'ai pas mal d'amis dans le domaine médical qui n'acceptent pas la narration officielle. Ils disent « Ouvrez les yeux, ne voyez-vous pas que ce virus n'est pas la peste ? ». Mais trop souvent, ils ne font pas le pas de le dire publiquement.
De plus, pour chaque voix critique, trente autres suivent la narration
officielle, même si cela signifie qu'elles doivent abandonner leurs
normes scientifiques critiques.
Est-ce un signe de lâcheté ?
Mattias Desmet — Dans certains cas, ça l'est. En fait,
on peut en tout lieu distinguer trois groupes. Le premier groupe ne
croit pas à la version officielle et le dit publiquement. Le deuxième
groupe n'y croit pas non plus, mais l'accepte publiquement parce que,
compte tenu de la pression sociale, il n'ose pas faire autrement. Enfin,
le troisième groupe croit vraiment au récit dominant et éprouve une
véritable peur du virus. Ce dernier groupe se retrouve certainement
aussi dans les universités.
Il est frappant de constater que les études scientifiques, également
dans le cadre de cette Coronacrise, révèlent des résultats très divers.
Sur la base de ces résultats, les scientifiques peuvent défendre des
théories presque diamétralement opposées comme étant la seule vérité.
Comment une telle chose est-elle possible ?
Mattias Desmet — La recherche sur le coronavirus
regorge en effet de contradictions. Par exemple, en ce qui concerne
l'efficacité des masques faciaux ou de l'Hydroxychloroquine, le succès
de l'approche suédoise ou l'efficacité du test PCR. Plus curieusement
encore, les études contiennent un nombre considérable d'erreurs
improbables qu'une personne normalement saine d'esprit ne devrait pas
commettre. C'est encore le cas pour ce qui est d'établir le nombre
absolu d'infections, alors qu'un écolier sait que cela ne veut rien dire
tant que le nombre d'infections détectées n'est pas comparé au nombre
de tests effectués. Il est évident que plus vous effectuez de tests,
plus votre taux d'infection risque d'augmenter. Est-ce si difficile à
comprendre ? En outre, il faut garder à l'esprit que le test PCR peut
donner un grand nombre de faux positifs, car cette technique est
largement utilisée à mauvais escient pour ce qui est de diagnostiquer.
Tout cela fait que l'inexactitude des chiffres diffusés quotidiennement
par les médias est si grande que certaines personnes soupçonnent de
manière légitime une conspiration, bien qu'apocryphe à mon avis.
Là encore, il est préférable de replacer ce phénomène dans une
perspective historique, car la qualité problématique de la recherche
scientifique ne constitue pas un problème nouveau. En 2005, la «
crise de la réplication » a éclaté dans les sciences. Plusieurs comités
créés pour enquêter sur des cas de fraude scientifique ont constaté que
la recherche scientifique fourmille d'erreurs. Souvent, les
conclusions énoncées sont d'une valeur très douteuse. Dans le sillage de
cette crise, plusieurs articles ont été publiés avec des titres qui
laissent peu de place à l'imagination. En 2005, John Ioannidis,
professeur de statistiques médicales à Stanford, a publié « Why most published research findings are false
» [Pourquoi la plupart des résultats de recherche publiés sont faux -
NdT]. En 2016, un groupe de recherche différent a écrit sur le même
sujet, dans « Reproducibility: a Tragedy of Errors » [Reproductibilité : une tragédie d'erreurs - NdT] publié dans la revue médicale Nature.
Ce ne sont là que deux exemples de la très vaste littérature décrivant
ce problème. Je suis moi-même bien conscient de la fragilité des
fondements scientifiques relatifs à de nombreux résultats de recherche.
En plus de ma maîtrise en psychologie clinique, j'ai obtenu une maîtrise
en statistiques. Mon doctorat portait sur les problèmes d'évaluation
dans le domaine de la psychologie.
Comment la critique a-t-elle été reçue au sein du monde scientifique ?
Mattias Desmet — Elle a d'abord provoqué une onde de
choc, après quoi on a tenté de résoudre la crise en exigeant plus de
transparence et d'objectivité. Mais je ne pense pas que cela ait résolu
grand-chose. La cause du problème réside plutôt dans un type spécifique
de science qui a émergé au cours du siècle des Lumières. Cette
science est fondée sur une croyance absolue en l'objectivité. Selon les
adeptes de cette vision, le monde est presque totalement objectivable,
mesurable, prévisible et vérifiable. Mais la science elle-même a montré
que cette idée est intenable. Il existe des limites à
l'objectivité et, selon le domaine scientifique, on a de fortes chances
de rencontrer ces limites. La physique et la chimie se prêtent encore
relativement bien à l'évaluation. Mais c'est beaucoup moins le cas dans
d'autres domaines de recherche tels que l'économie, la science
biomédicale ou la psychologie, où un chercheur a plus de chances de
découvrir que la subjectivité d'un chercheur a eu une influence directe
sur ses observations. Et c'est précisément ce noyau subjectif que les
scientifiques ont cherché à éliminer du débat scientifique.
Paradoxalement — mais sans surprise — ce noyau s'épanouit dans son exil,
conduisant à l'opposé complet du résultat espéré. À savoir, un manque
radical dans l'objectivité et une prolifération de la subjectivité. Ce
problème a persisté même après la crise de la réplication et n'a pas été
résolu malgré les efforts des critiques. Par conséquent, aujourd'hui,
15 ans plus tard, dans les affres de la Coronacrise, nous continuons à
faire face aux exacts mêmes problèmes.
Les politiciens actuels fondent-ils les mesures contre le coronavirus sur des principes scientifiques incorrectement établis ?
Mattias Desmet — Je pense que oui. Ici aussi, nous
observons une sorte de croyance naïve en l'objectivité qui se transforme
en son contraire : un grave manque d'objectivité avec des monceaux
d'erreurs et de négligences. En outre, il existe un lien
sinistre entre l'émergence de ce type de science absolutiste et le
processus de manipulation et de totalitarisation de la société. Dans son livre Les origines du totalitarisme,
la penseuse politique germano-américaine Hannah Arendt décrit
brillamment comment ce processus s'est déroulé, entre autres, dans
l'Allemagne nazie. Par exemple, les régimes totalitaires naissants s'appuient généralement sur un discours « scientifique ». Ils affichent une grande préférence pour les chiffres et les statistiques, qui dégénèrent rapidement en pure propagande, caractérisée par un radical « mépris des faits ».
Par exemple, le nazisme a fondé son idéologie sur la supériorité de la
race aryenne. Toute une série de données dites scientifiques étayaient
leur théorie. Nous savons aujourd'hui que cette théorie n'avait aucune
validité scientifique, mais les scientifiques de l'époque utilisaient
les médias pour défendre les positions du régime. Hannah Arendt décrit
comment ces scientifiques ont invoqué des références scientifiques
douteuses, et pour le souligner elle utilise le mot « charlatans ». Elle
décrit également comment l'émergence de ce type de science et de ses
applications industrielles s'est accompagnée d'un inévitable changement
social. Les classes ont disparu et les liens sociaux normaux se sont
détériorés, dans un climat indéfinissable de peur, d'anxiété, de
frustration et de manque de cohésion. C'est dans de telles circonstances
que les masses développent des qualités psychologiques très
spécifiques. Toutes les peurs qui hantent la société deviennent liées à
un « objet » — par exemple, les Juifs — de sorte que les masses entrent
dans une sorte de lutte énergétique avec cet objet. Et sur ce processus
de conditionnement social des masses, se greffe ensuite une organisation
politique et constitutionnelle totalement nouvelle : l'État
totalitaire.
Aujourd'hui, on perçoit un phénomène similaire. La souffrance
psychologique, le manque de cohésion et la dégradation des liens sociaux
sont largement répandus dans la société. Puis survient une histoire qui
désigne un objet de peur, le virus, après quoi la population associe
fortement sa peur et son malaise à cet objet redouté. Pendant ce temps,
tous les médias lancent un appel constant à combattre collectivement
l'ennemi meurtrier. Les scientifiques qui transmettent le récit à la
population sont en contrepartie récompensés par un formidable pouvoir
social. Leur pouvoir psychologique est si grand que, sur leur
suggestion, l'ensemble de la société renonce brusquement à une foule de
coutumes sociales et se réorganise d'une manière que personne, au début
de 2020, ne pensait possible.
Selon vous, que va-t-il se passer maintenant ?
Mattias Desmet — La politique actuelle de la
Coronacrise rétablit de manière provisoire une certaine solidarité
sociale et rend à la société une forme de cohésion. Le fait de
travailler ensemble contre le virus crée une sorte d'intoxication, qui a
pour effet de réduire considérablement l'attention, de sorte que
d'autres sujets, tels que les préoccupations relatives aux dommages
collatéraux, passent au second plan. Pourtant, les Nations
unies et plusieurs scientifiques ont dès le départ alerté sur le fait
que les dommages collatéraux mondiaux pourraient générer bien plus de
décès que le virus, par exemple à cause de la faim et des retards dans
les traitements médicaux.
Le conditionnement social des masses a un autre effet curieux : il amène les individus à mettre psychologiquement de côté les motivations égoïstes et individuelles.
De cette façon, on peut tolérer un gouvernement qui supprime certains
plaisirs personnels. Pour ne donner qu'un exemple : les établissements
de restauration où les gens ont travaillé toute leur vie peuvent être
fermés sans grande protestation. Ou encore : la population est privée de
spectacles, de festivals et d'autres plaisirs culturels. Les
dirigeants totalitaires comprennent intuitivement que le conditionnement
social se trouve encore renforcé en tourmentant la population de
manière perverse. Je ne peux pas l'expliquer complètement pour
le moment, mais le processus de conditionnement social est
intrinsèquement autodestructeur. Une population affectée par ce
processus est capable d'énormes atrocités envers les autres, mais aussi
envers elle-même. Elle n'hésite absolument pas à se sacrifier. Cela
explique pourquoi, contrairement aux simples dictatures, un État
totalitaire ne peut pas survivre. Il finit par complètement s'auto-dévorer, pour ainsi dire. Mais ce processus nécessite généralement de nombreuses vies humaines.
Au sein de la crise actuelle et de la réponse qu'y apporte le gouvernement, identifiez-vous des caractéristiques totalitaires ?
Mattias Desmet — Absolument. Quand on s'éloigne de l'histoire du virus, on découvre un processus totalitaire par excellence.
Par exemple, selon Arendt, un État pré-totalitaire coupe tous les liens
sociaux de la population. Les simples dictatures le font au niveau
politique — elles veillent à ce que l'opposition ne puisse pas s'unir — mais les États totalitaires le font aussi au sein de la population, dans la sphère privée.
Pensez aux enfants qui — souvent sans le vouloir — dénonçaient leurs
parents au gouvernement dans les États totalitaires du XXe siècle. Le
totalitarisme est tellement axé sur le contrôle total qu'il crée
automatiquement la suspicion au sein de la population, amenant les
individus à s'espionner et à se dénoncer mutuellement. En
raison des restrictions, les gens n'osent plus s'exprimer contre la
majorité et sont moins capables de s'organiser. Il n'est pas difficile
dans la situation actuelle de reconnaître de tels phénomènes, en plus de
nombreuses autres caractéristiques propres à un totalitarisme émergent.
Quel est l'objectif ultime de cet État totalitaire ?
Mattias Desmet — Au début, il n'exige rien. Son
émergence est un processus automatique couplé d'une part à une grande
anxiété de la population et, d'autre part, à une pensée scientifique naïve qui considère que la connaissance totale est possible.
Aujourd'hui, il y a ceux qui pensent que la société ne doit plus être
fondée sur des récits politiques mais sur des faits et des chiffres
scientifiques, ce qui déroule le tapis rouge pour le règne de la
technocratie. Leur image idéale est ce que le philosophe néerlandais Ad
Verbrugge appelle « l'élevage intensif de l'homme ». Dans le cadre d'une
idéologie biologique-réductionniste et virologique, un suivi
biométrique permanent est préconisé et les populations sont soumises à
des interventions médicales préventives continues, telles que des
campagnes de vaccination. Tout cela pour soi-disant optimiser la santé
publique. Et toute une série de mesures d'hygiène médicale doivent être
mises en œuvre : éviter le contact, porter des masques, se désinfecter
continuellement les mains, se faire vacciner, etc. Pour les tenants de cette idéologie, on n'en fait jamais assez pour atteindre l'idéal de la meilleure « santé » possible. Dans un article de journal, on pouvait lire que la
population devait avoir encore plus peur. Ce n'est qu'ainsi qu'elle
s'en tiendra aux mesures recommandées par les virologues. Pour eux,
susciter la peur, c'est faire le bien. Mais en élaborant toutes
ces mesures draconiennes, les responsables politiques oublient que les
gens ne peuvent être en bonne santé, tant physique que mentale, sans
suffisamment de liberté, de vie privée et de droit à
l'autodétermination, des valeurs que cette vision technocratique
totalitaire ignore complètement. Bien que le gouvernement aspire à une
énorme amélioration de la santé de sa société, ses actions vont la
ruiner. Soit dit en passant et selon Hannah Arendt, il s'agit d'une
caractéristique fondamentale de la pensée totalitaire : elle aboutit à l'exact opposé de ce qu'elle poursuivait à l'origine.
Aujourd'hui, le virus crée la peur nécessaire sur laquelle repose le
totalitarisme. La découverte d'un vaccin et la campagne de vaccination
qui s'ensuivra permettront-elles d'apaiser cette peur et de mettre fin à
cette flambée totalitaire ?
Mattias Desmet — Un vaccin ne résoudra pas l'impasse actuelle. Car en vérité, cette crise n'est pas une crise sanitaire, il s'agit d'une profonde crise sociale et même culturelle.
D'ailleurs, le gouvernement a déjà annoncé qu'après la vaccination, les
mesures ne disparaîtront pas comme ça. Dans un article récent, on peut
même lire qu'il est frappant de constater que les pays déjà très avancés
dans la campagne de vaccination — comme Israël et la Grande-Bretagne —
continuent étrangement à renforcer les mesures de manière significative.
Je prévois plutôt ce scénario : malgré toutes les études prometteuses,
le vaccin n'apportera pas de solution. Et l'aveuglement qu'entraîne le
conditionnement social et la totalitarisation fera porter le
chapeau à ceux qui ne suivent pas la narration officielle et/ou refusent
de se faire vacciner. Ils serviront de boucs émissaires. On tentera de les faire taire. Et si cela réussit, le point de basculement redouté dans le processus de totalitarisation arrivera : ce n'est qu'après avoir complètement éliminé l'opposition que l'État totalitaire montrera sa forme la plus agressive.
Il devient alors — pour reprendre les termes d'Hannah Arendt — un
monstre qui mange ses propres enfants. En d'autres termes, le pire est
peut-être encore à venir.
Quelles sont vos réflexions en ce moment ?
Mattias Desmet — Je pense que les systèmes
totalitaires ont généralement tous les mêmes tendances à isoler les
populations de façon méthodique et que leurs parties « malades » seront
ultérieurement isolées et enfermées dans des camps, dans le but [sous couvert - NdT] de préserver la santé de la population.
Cette idée a d'ailleurs été suggérée à plusieurs reprises pendant la
Coronacrise, mais rejetée comme « irréalisable » en raison de la
résistance sociale. Mais cette résistance persistera-t-elle si la peur
continue à augmenter ? Vous me soupçonnerez peut-être d'être
excessivement paranoïaque, mais qui aurait pensé, début 2020, que notre
société ressemblerait à ce qu'elle est aujourd'hui ? Le
processus de totalitarisation est basé sur l'effet hypnotique d'une
narration et il ne peut être brisé que par une autre narration.
J'espère donc que davantage de personnes remettront en question le
danger supposé du virus et la nécessité des mesures actuelles, et
oseront en parler publiquement.
Pourquoi cette réaction de peur ne se produit-elle pas pour la crise climatique ?
Mattias Desmet — La crise climatique pourrait bien ne
pas être adaptée en tant qu'objet de peur. Elle est peut-être trop
abstraite et nous ne pouvons pas l'associer à la mort instantanée d'un
être cher ou de nous-mêmes. Et en tant qu'objet de peur, elle est aussi
moins directement liée à notre vision médico-biologique de l'homme. Par
conséquent, un virus constitue un objet de peur idéal.
Que nous dit la crise actuelle sur notre rapport à la mort ?
Mattias Desmet — La science dominante perçoit le monde
comme une interaction mécaniste d'atomes et autres particules
élémentaires qui entrent en collision de manière aléatoire et produisent
toutes sortes de phénomènes, y compris les humains. Cette science nous
rend désespérés et impuissants dès qu'il s'agit de faire face à la mort.
En même temps, la vie est vécue comme un acquis totalement insignifiant
et mécaniste, mais nous nous y accrochons comme si elle était la seule
chose que nous ayons, et nous entendons éliminer tout comportement
susceptible de nous exposer à sa perte. Et c'est impossible.
Paradoxalement, le fait de radicalement tenter d'éviter les risques, par
exemple par des mesures anti-Coronavirus, crée le plus grand des
risques. Il suffit de regarder les dommages collatéraux colossaux que
ces mesures engendrent.
Vous percevez l'évolution sociale actuelle comme allant dans une direction préjudiciable. Comment voyez-vous l'avenir ?
Mattias Desmet — Je suis convaincu que quelque chose
de beau résultera de tout cela. La science matérialiste part de l'idée
que le monde est constitué de particules matérielles. Or, cette science
révèle précisément que la matière est une forme de conscience, qu'il
n'existe aucune certitude et que l'esprit humain ne parvient pas à
appréhender le monde. Par exemple, le physicien danois et prix Nobel
Niels Bohr a soutenu que les particules élémentaires et les atomes se
comportent de manière radicalement irrationnelle et illogique. Selon
lui, ils étaient mieux compris par la poésie que par la logique.
Nous vivrons une expérience similaire sur le plan politique. Dans un
avenir proche, nous ferons peut-être la tentative la plus poussée de
notre histoire de tout contrôler de manière technologique et
rationnelle. En fin de compte, ce système se révélera inefficace et révélera notre besoin d'une société et d'une politique complètement différentes.
Le nouveau système reposera davantage sur le respect de ce qui est
finalement insaisissable pour l'esprit humain et sur le respect de l'art
et de l'intuition qui étaient au cœur des religions.
Aujourd'hui, sommes-nous dans un changement de paradigme ?
Mattias Desmet — Sans aucun doute. Cette crise annonce
la fin d'un paradigme historique culturel. Une partie de la transition a
déjà été effectuée dans les sciences. Les génies qui ont jeté les bases
de la physique moderne, de la théorie des systèmes complexes et
dynamiques, de la théorie du chaos et de la géométrie non euclidienne
avaient déjà compris qu'il n'existe pas une mais plusieurs logiques
différentes, qu'en toute chose il existe une part de subjectivité
intrinsèque et que les hommes vivent en résonance directe avec le monde
qui les entoure et toutes les complexités de la Nature. De plus, l'homme
est un être qui dans son existence énergétique dépend de ses
semblables. Les physiciens le savent depuis un certain temps, maintenant
c'est au tour du reste d'entre nous ! Nous assistons actuellement à la
dernière poussée de l'ancienne culture basée sur le contrôle et la
compréhension logique qui démontrera à une vitesse fulgurante l'échec
total qu'elle entraîne et son incapacité à organiser véritablement une
société de manière décente et humaine.
L'article original en flamand contenant des liens vers des documents complémentaires est disponible sur le site du blog ici.
L'interviewer et blogueur, Patrick Dewals, est un philosophe politique et un auteur.
Merci à un groupe de lecteurs de Lockdown Sceptics de l'avoir traduit [en anglais - NdT] pour nous.
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