Je devrais plutôt
tenter de dire ce que les rencontres, les séparations, les découvertes,
les éblouissements comme les désespérances m’ont appris dans le sens de
me découvrir, de me construire, d’influencer le déroulement de mon
existence.
J’ai ainsi appris
que la vie n’est faite que de rencontres et de séparations et qu’il nous
appartient de les vivre en acceptant de nous responsabiliser face à
chacune.
J’ai appris encore
qu’il y a toujours une part d’imprévisible dans le déroulement des jours
et donc qu’il m’appartenait de savoir accueillir les cadeaux inouïs ou
les blessures qui peuvent surgir dans l’immensité d’un jour.
J’ai appris bien sûr
à vivre au présent, à entrer de plain-pied dans l’instant, à ne pas
rester enfermé dans mon passé ou me laisser envahir par des projections
sur un futur trop chimérique.
J’ai appris
tardivement à remercier, chaque matin, la Vie d’être présente en moi et
autour de moi, à l’honorer chaque fois que cela m’est possible, à la
respecter en toute occasion, à la dynamiser avec mes ressources et mes
limites.
J’ai appris
difficilement à m’aimer, non d’un amour narcissique ou égocentrique
(même si la tentation était grande) mais d’un amour de bienveillance, de
respect et de tolérance.
J’ai appris avec
beaucoup de tâtonnements à me respecter en osant dire non quand je suis
confronté à des demandes qui ne correspondent pas à mes possibles ou à
ma sensibilité.
J’ai appris avec
enthousiasme que la beauté est partout, dans le vol d’un oiseau, comme
dans le geste d’un enfant pour tenter de capter le vol d’un papillon ou
encore dans le sourire d’un vieillard qui croise mon chemin.
J’ai appris
patiemment que nul ne sait à l’avance la durée de vie d’un amour et que
toute relation amoureuse est une relation à risques. Des risques que
j’ai pris.
J’ai appris
douloureusement que je n’avais pas assez pris de temps pour regarder mes
enfants quand ils étaient enfants, que j’aurais dû savoir jouer et rire
avec eux, plus souvent et surtout chaque fois qu’ ils me sollicitaient ;
que je n’avais pas su toujours les entendre et les accueillir dans
leurs attentes profondes et surtout que j’avais trop souvent confondu
mon amour pour eux avec quelques unes de mes peurs, tant je voulais le
meilleur pour eux, tant je désirais les protéger des risques (que
j’imaginais) de la vie.
J’ai appris avec
beaucoup de surprise que le temps s’accélérait en vieillissant et qu’il
était important non pas d’ajouter des années à la vie, mais de la vie
aux années.
J’ai appris malgré moi que je savais beaucoup de choses avec ma tête et peu de choses avec mon cœur.
J’ai appris que je
pouvais oser demander, si je prenais le risque de la réponse de l’autre,
aussi frustrante ou décevante qu’elle puisse être, que je pouvais
recevoir sans me sentir obligé de rendre, que je pouvais donner sans
envahir l’autre et refuser sans le blesser.
J’ai appris sans même le vouloir, que j’avais des besoins et qu’il ne fallait pas les confondre avec des désirs.
J’ai appris avec soulagement que je pouvais désapprendre tout l’inutile dont je me suis encombré pendant des années.
J’ai appris
joyeusement à planter des arbres. C’est le cadeau le plus vivant que je
peux faire jusqu’à ma mort à cette planète merveilleuse qui a accueilli
mes ancêtres et surtout mes géniteurs.
J’ai appris
doucement à recevoir le silence et à méditer quelques minutes chaque
jour pour laisser aux vibrations de l’univers la possibilité de me
rejoindre et de m’apprivoiser encore un peu.
Oui j’ai appris beaucoup et pourtant je cherche encore l’essentiel.
Jacques Salomé
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