samedi 16 janvier 2016

Une encyclopédie de 500 pages sur la médecine traditionnelle prend forme grâce à une tribu de l’Amazonie


A Matsés shaman named Cesar. Photo courtesy of Acaté.

César est un Chaman Matsé Crédit photo : Acaté.


Malgré les grandes tragédies de notre temps, les traditions, les histoires, la culture et le savoir des autochtones nous font signe. Des langues et des légendes disparaissent, parfois même des tribus entières s’éteignent. Pourtant, une tribu Amazonienne – les Matsés du Brésil et du Pérou – ont créé une encyclopédie médicale du savoir traditionnel. L’encyclopédie, compilée par 5 chamans, assistés du groupe de conservation Acaté, détaille chaque plante médicinale de la médecine Matsé pour la guérison de toute sorte de maladie.




L’encyclopédie de médecine traditionnelle est la première en son genre. C’est la première fois que des chamans d’Amazonie transcrivent leur savoir médical dans leur langue maternelle et usant de leurs propres mots, nous dit Christopher Herndon, président et co-fondateur d’Acaté, lors d’une interview pour Mongabay (cf. interview ci-dessous).



L’encyclopédie Matsé n’est éditée qu’en langue Matsé afin de protéger le savoir médical traditionnel des grandes corporations et des chercheurs qui ont essayé de voler ces informations par le passé. Ce recueil médical est destiné à l’apprentissage des jeunes chamans souhaitant suivre les traditions. C’est la transmission du savoir.



“Un aîné Masté, très reconnu dans la communauté, est décédé sans pouvoir transmettre son savoir. Acaté et les chefs Matsés ont décidés de faire de cette encyclopédie une priorité avant que les anciens n’emportent leurs savoir avec eux.” explique Herndon.



Acaté a également commencé un programme d’échange entre les aînés Matsés et de jeunes élèves. À travers ce programme de parrainage, les autochtones espèrent préserver leur mode de vie comme ils le font depuis des siècles.



“Aujourd’hui, la connaissance des plantes médicinales dans les communautés autochtones s’éteint de plus en plus rapidement, c’est une vraie tragédie pour ces gens qui y perdent tout” explique Herndon. “La méthodologie développée par les Matsés et Acaté peut être suivie comme un exemple pour d’autres communautés autochtones, afin de préserver leurs savoirs ancestraux.”



Entretien avec CHRISTOPHER HERNDON, Doctorant en médecine.



Mongabay: Pourquoi cette encyclopédie est-elle si importante ?



Chris Herndon (left) and Arturo, a shaman (right), look over drafts of the new encyclopedia. Photo courtesy of Acaté.Chris Herndon (à gauche) et le chaman Arturo (à droite) examinent les ébauches de l’encyclopédie. Crédit photo : Acaté.


Christopher Herndon: C’est la première fois que des chamans de l’Amazonie transcrivent leur savoir médical dans leur langue maternelle en usant de leurs propres mots. Au cours des siècles, les connaissances des tribus d’Amazonie se sont faites par le bouche-à-oreille. Tout ce savoir, ces techniques et ces méthodes sont survenus grâce aux profonds liens spirituels que les Matsés entretiennent avec la nature. Ils vivent dans une partie du monde ou la biodiversité de l’écosystème est la plus impressionnante. Ils ont maîtrisé les connaissances des propriétés guérissantes des plantes et des animaux qui s’y trouvent.



Mais dans un monde ou le changement culturel est de plus en plus déstabilisant, même les sociétés les plus isolées disparaissent de manière fulgurante.
On ne peut pas sous-estimer la vitesse à laquelle ce savoir est perdu une fois qu’une communauté isolée prend contact avec le monde extérieur. Historiquement, la perte des systèmes endémiques de santé de la plupart des groupes autochtones relate de la dépendance totale au système très rudimentaire et limité des endroits les plus isolés. Ce n’est pas une surprise que dans la plupart des pays de résidences des communautés autochtones les taux de mortalité et de maladies soit très élevés





Carte indiquant la plupart du territoire Matsé, bien qu’elle n’inclue pas les communautés Matsés Brésiliennes de la réserve de Vale do Javari.
Crédit photo : Acaté/ Instituto Investigaciones de la Amazonia Peruana. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
Les Matsés sont de plus en plus concernés par la perte de leur culture et la pauvreté du système santé. C’est pourquoi cette initiative représente beaucoup pour eux. La méthodologie qu’ils ont élaborée afin de protéger et sauvegarder leur savoir peut servir d’exemple aux autres communautés faisant face à des problèmes similaires. Dans le but d’un mouvement de conservation plus large, nous savons qu’il y a une forte corrélation entre un écosystème intact et la région d’habitation des autochtones. Cela consolide donc l’idée que le renforcement de la culutre Matsé est la manière la plus effective de protéger les zones de forêts tropicales.


Mongabay: Pourquoi est-ce le moment venu pour collecter ces informations ?



Christopher Herndon: Le savoir Matsé et la sagesse des générations s’est retrouvé au bord de l’extinction. Pour certains anciens Matsés, leur connaissance ancestrale demeure intacte car la prise de contact avec le monde extérieur ne date que d’il y 50 ans. Les guérisseurs étaient adultes au moment de ce premier contact, ils avaient déjà la maîtrise de leur talent avant d’être déniés par les missionnaires et le gouvernement. Au commencement du projet, les chamans ne parvenaient pas à intéresser les plus jeunes.



“Un aîné Masté, très reconnu dans la communauté, est décédé sans pouvoir transmettre son savoir. Acaté et les chefs Matsés ont décidé de faire de cette encyclopédie une priorité avant que les anciens n’emportent leur savoir avec eux.”. Il ne s’agit pas de conserver des danses ou des costumes traditionnels. Il s’agit de la santé des communautés autochtones et de leurs générations futures. Les enjeux ne peuvent pas être plus élevés.


Mongabay: A quoi ressemble l’encyclopédie ?



Christopher Herndon: Après 2 ans de travail intense avec les Matsés, l’encyclopédie de 500 pages inclut des chapitres par 5 des plus grands chefs Matsés guérisseurs. Chaque addition est catégorisée par nom de maladie avec un paragraphe descriptif incluant comment reconnaître les symptômes, la cause, quelle plante utiliser et comment préparer la cure, ainsi que des alternatives thérapeutiques. Des photos de chaque plante, prisent par les Matsés eux-mêmes, illustrent chaque addition.



L’encyclopédie est écrite du point de vue des chamans et par eux-mêmes. Ils décrivent comment les animaux sont connectés à l’histoire naturelle des plantes et des maladies. C’est une vraie encyclopédie chamanique, complètement éditée par les chamans. C’est une première en son genre.


Mongabay: Espérez-vous que l’encyclopédie déclenche de plus gros efforts de conservation ?


Shaman and apprentice. Photo courtesy of Acaté.Un chaman et son apprenti Crédit photo : Acaté.



Christopher Herndon: Nous croyons durement que responsabiliser les tribus est la stratégie la plus efficace et la moins onéreuse en termes de conservation des forêts tropicales. Ce n’est pas une coïncidence que les parties intactes de la forêt tropicale des Neotropiques soient si proches des zones d’habitation des communautés autochtones. Ils comprennent les valeurs de la forêt tropicale car ils en dépendent. Cette relation s’étend au-delà du sens utilitaire. On parle aussi d’interconnectivité spirituelle qui nous semble difficile à comprendre d’un point de vue occidental mais néanmoins bien réel.



La plupart des menaces environnementales dont on entend parler aux informations – le pétrole, la déforestation, les mines etc. – viennent des industries opportunistes qui attendent l’affaiblissement de la cohésion sociale des groupes autochtones récemment en contact avec le monde extérieur, et profitent de leurs ressources et de leur dépendance croissante au monde extérieur.



L’autonomie est le thème fédérateur des 3 domaines du programme d’Acaté, l’économie durable, la médecine traditionnelle et l’agrologie. Acaté n’est pas à l’origine de ces 3 domaines prioritaires de la conservation ; Ils ont été élaborés en présence de Matsés lors de discussions avec les anciens. Ce sont eux qui savent déterminer que le meilleur moyen de protéger leur culture et leur territoire est d’adopter une position de force et d’autonomie.


The encyclopedia was reviewed and edited over several day in a gathering of the Matsés chiefs and remaining elder shamans. Photo courtesy of Acaté.L’encyclopédie a été revue et éditée sur plusieurs jours entre les chefs Matsés et les anciens chamans. Crédit photo : Acaté.



D’un point de vue purement conservationiste, les Matsés protègent, plus de 3 millions d’acres de forêt tropicale au Pérou seulement. Cette zone de forêt intacte et la plus riche en carbone et en biodiversité. Les communautés Matsés Brésiliennes du côté des rivières Javari et Yaquerana encadrent les frontières ouest de la réserve Matsé de la Vale do Javari. C’est une région approximativement de la taille de l’Autriche, elle détient le plus grand nombre de tribus isolées volontairement. Sur la frontière sud des territoires Matsés, sur le cours supérieur de la rivière Yaquerana, on trouve La Sierra del Divisor, une région d’une grande beauté, dotée d’une grande biodiversité et de tribus isolées. C’est pour cette raison que les Matsés, même s’ils ne sont au total 3 000 habitants, sont les mieux positionnés pour protéger les vastes étendues de forêt tropicale et les tribus qu’elles abritent. Leur donner cette responsabilité représente une grande avancée pour la conservation.


Mongabay: Vous dites que l’encyclopédie n’est que la première partie d’une initiative plus vaste par Acaté, quels sont les autres éléments nécessaires afin de maintenir leur système de santé traditionnel en vie ?



Christopher Herndon: La réalisation de cette encyclopédie est historique, c’est une première étape importante pour la sauvegarde du système santé des Matsés ainsi que leur sagesse et leur indépendance. Mais l’encyclopédie seule n’a pas assez de poids pour maintenir leur autonomie actuelle, car leur système de guérison est basé sur l’expérience que seule de longs apprentissages peuvent garantir.



Malheureusement, les influences extérieures ont poussé les jeunes hors des zones isolées. Aucun chaman n’avait d’apprentis. Pourtant, les villages dépendent et utilisent toujours autant la connaissance des plantes médicinales des anciens guérisseurs, dont la plupart ont plus de 60 ans.



Giant monkey frog. Photo by: Rhett A. Butler.Une grenouille Phyllomedusa Crédit photo : Rhett A. Butler.



Durant la phase II, le programme d’apprentissage, chaque chaman – dont la plupart ont travaillé sur les chapitres de l’encyclopédie – seront accompagnés par des jeunes Matsés dans la forêt afin d’apprendre quelles sont les plantes médicinales et comment assister les patients. Le programme d’apprentissage a été initié en 2014 dans le village d’Esitrón sous la surveillance du grand chaman Luis Dunu Chiaid. Grâce au succès de cet essai à Esitrón, les Matsés ont décidé de manière unanime que ce programme devait être mis en place dans tous les villages, et en priorité ceux qui n’avaient plus de guérisseurs.



Durant la phase II, le programme d’apprentissage, chaque chaman – dont la plupart ont travaillé sur les chapitres de l’encyclopédie – seront accompagnés par des jeunes Matsés dans la forêt afin d’apprendre quelles sont les plantes médicinales et comment assister les patients. Le programme d’apprentissage a été initié en 2014 dans le village d’Esitrón sous la surveillance du grand chaman Luis Dunu Chiaid. Grâce au succès de cet essai à Esitrón, les Matsés ont décidé de manière unanime que ce programme devait être mis en place dans tous les villages, et en priorité ceux qui n’avaient plus de guérisseurs.



De plus, il a été confirmé que le programme agro-forestier inclura dorénavant les plantes médicinales. Il sera basé sur le concept de la guérison par la forêt, créé par un des plus grands guérisseurs de Nuevo San Juan et géré par son fils Antonio Jimenez. Aux yeux d’un non initié, la forêt ne ressemble qu’à une simple forêt tropicale qui borde le chemin des fermes du village. En présence d’un chef chaman qui explique la fonction de chaque plante, on commence à réaliser que tout ce qui nous entoure peut être utilisé à des fins médicinales. Ces plantes sont cultivées par les guérisseurs Matsés pour la fabrication de leurs remèdes.



Les vignes de forêt et certains champignons ne poussent pas dans les endroits exposés au soleil, la forêt tropicale est alors un endroit idéal pour leur propagation. L’emplacement de la forêt est également idéal pour les Matsés car elle ne se trouve qu’à 10 15 minutes de leur village. Si votre enfant est malade, c’est tellement plus pratique que de parcourir 4 heures de trajet pour trouver un remède.



Mongabay: L’encyclopédie n’existe qu’en version Matsé afin de la protéger des bioprospections et du vol de la culture des Matsés. Craignent-ils vraiment la biopiraterie ?


Applied traditional medicine of the Matsés. Photo courtesy of Acaté.La pratique de la médecine traditionnelle Matsé. Crédit photo : Acaté.



Christopher Herndon: Malheureusement, l’histoire recèle d’exemple de vol. Les Matsés sont touchés en particulier, c’est un risque trop réel pour eux. Pour donner un exemple ; les secrétions cutanés de la grenouille Phyllomedusa (Phyllomedusa bicolor) sont utilisées lors des rituels de chasse des Matsés. Ces sécrétions, riches en peptides bioactives, sont administrées directement dans le corps par une application sur les brûlures ou les coupures. En quelques instants, la toxine provoque une activité cardiovasculaire et une réaction autonome entraînant un état de demi-conscience et une très forte acuité sensorielle.



Bien que l’espèce des grenouilles Phyllomedusa s’étend sur l’ensemble du nord de l’Amazonie, seul les Matsés et une poignée de tribus Panoans utilisent cet incroyable remède. Après que des rapports enregistrent cette information, plusieurs investigations menées dans des laboratoires révèlent que les secrétions contiennent un cocktail complexe de peptides aux propriétés vasoactives, narcotiques et antimicrobiennes. Les sociétés pharmaceutiques et les universités déposent des brevets sur ces peptides, sans attribuer de crédit aux tribus pour lesquelles cette découverte joue un rôle majeur. Un peptide antifongique de la grenouille a même été inséré de manière transgénique dans une pomme de terre.



La crainte de la biopiratrie est malheureusement bien réelle. Des groupes de conservation et des scientifiques d’Amazonie ont effectué de projets documentant la connaissance des autochtones sur la faune locale. Ils enregistraient certaines choses comme les noms d’oiseaux, mais ne touchaient absolument pas aux plantes médicinales de peur d’être accusés de participation à la biopiratrie. La perte rapide de la connaissance médicinale traditionnelle des groupes auochtones, est une vraie tragédie pour les communautés. La méthodologie développée par les Matsés et Acaté peut être suivie comme un exemple pour d’autres communautés autochtones, afin de les préserver de cette situation.


Mongabay: Quelle est la méthodologie d’Acaté et comment protègent-ils la connaissance des autochones ?



Christopher Herndon: Acaté et les Matsés ont élaboré une méthodologie innovatrice afin de protéger la connaissance ancestrale des plantes médicinales de l’oubli, tout en protégeant ces informations du vol et des partis extérieurs. L’encyclopédie n’est rédigée qu’en Matsé. Elle est faite par et pour les Matsés, il n’y aura pas de traductions en espagnol ni en anglais. Aucun nom scientifique n’est mentionné, ni de photo des caractéristiques des plantes.


Looking over the new encyclopedia. Photo courtesy of Acaté.La révision de la nouvelle encyclopédie Crédit photo : Acaté.



Chaque chapitre de l’encyclopédie traditionnelle a été écrit par un chaman expérimenté choisi par la communauté. Chaque chaman était accompagné par un jeune Matsé qui de mois en mois a transcrit le savoir des plantes médicinales par écrit et en photo. Les textes et photos ont ensuite été compilés et retapés par ordinateur par Wilmer Rodríguez López, un Matsé expert dans la transcription de sa langue natale.



Pendant la réunion, les chamans ont revu la compilation de l’encyclopédie, dont les brouillons font plus de 500 pages. Maintenant complétée, elle sera éditée et imprimée pour les Matsés. Aucun autre exemplaire ne sortira de la communauté Matsé.



Nous espérons que le succès et les efforts de la méthodologie utilisée sur l’encyclopédie se répercuteront dans toutes les communautés Amazoniennes et plus loin. D’ailleurs nous voyons déjà que cela porte ses fruits chez d’autres organisations.



Mongabay: Il est évident que le but est de protéger la culture et la connaissance des Matsés, mais leurs connaissances médicales pourraient théoriquement aider les gens dans le monde. Y a-t-il des conditions particulières sous lesquelles les Matsés et les chamans doivent se plier afin de partager les connaissances des plantes amazoniennes médicinales ? Ne font-ils plus confiance à personne ?



Christopher Herndon: Acaté ne peut parler au nom des Matsés à ce sujet. Ce que je peux dire après avoir travaillé avec les guérisseurs à travers l’Amazonie, c’est qu’ils sont généralement très enclins à partager leur savoir si on les approche respectueusement. Ils sont également très curieux quant aux différents systèmes de guérison, le leur inclut.



Matsés village. Photo courtesy of Acaté.Un village Matsé. Crédit photo : Acaté.



Certains produits pharmaceutiques, tels que la quinine et l’aspirine, ont pu être développés grâce aux apprentissages des guérisseurs traditionnels. À cause du climat politique et de la crainte internationale de la biopiratrie, il est de plus en plus difficile pour les sociétés pharmaceutiques bien intentionnées, dédiées à la distribution équitable des bénéfices, d’entreprendre de telles initiatives. Dans la contrainte de temps d’apprentissage et la complexité de la connaissance des autochtones, il est très difficile d’évaluer la compatibilité photochimique. L’Encyclopédie est un moyen pour les Matsés de garder la porte ouverte aux opportunités afin d’assurer un futur dont ils auront le maître mot.



Nous ne devons pas perdre de vue qu’avant la venue de cette encyclopédie, le système santé traditionnel des Matsés était près de disparaître à cause des influences du monde occidental. Les Matsés vivent dans des endroits isolés très difficiles à approvisionner. Les dispensaires médicaux, surtout ceux se situant les plus au nord de la rivière, sont souvent à court des médicaments les plus basiques. Ces médicaments sont malheureusement nécessaires pour traiter la maladie telle que le falciparum malaria, introduit par le contact avec le monde extérieur. Les Matsés, bien souvent sans revenus, doivent payer de leurs poches pour ces médicaments occidentaux très chers. Dans chaque village que j’ai visité, les microscopes destinés aux frottis sanguins pour le paludisme, étaient cassés. En comparaison, nous vivons dans un monde où tout est en abondance, même le système de santé. Si un dialogue devait être instauré, personnellement je pense qu’il devrait commencer par la question du soutien au Matsé aujourd’hui, plutôt qu’essayer de les aider dans le futur.


Mongabay: Beaucoup pensent que la médecine et la conservation des forêts tropicales sont deux domaines bien à part. Expliquez-nous comment la santé est reliée à l’environnement ?



Christopher Herndon: La santé des gens et leur culture sont intimement liées. Par exemple, les conditions médicales et socio-économiques difficiles de Haïti vont de pairs avec le fait que 98 % du pays est touché par la déforestation et que la plupart du territoire subit les effets néfastes de l’érosion. La frontière entre Haïti et la République Dominicaine peut-être très clairement identifiée depuis un satellite par la démarcation verte et marron des deux territoires, un autre exemple malheureux de la différence de gestion des ressources. Même chose sur des images de l’Éthiopie, sur lesquelles on se rend compte que quelques siècles auparavant, le pays bénéficiait d’une forêt luxuriante.



Clinic in Matsés village. The Matsés use both traditional healing and Western medicine, but supplying and running remote clinics is difficult. Photo courtesy of Acaté.La clinique d’un village Matsé. Les Matsés utilisent les méthodes de guérison traditionnelles et modernes, mais il s’avère difficile d’approvisionner les cliniques isolées. Crédit photo : Acaté.



Le destin des Matsés est étroitement lié au futur de leur forêt. En la protégeant et en renforçant leur culture, on protège leur santé des plaies des temps modernes comme le diabète, la malnutrition, la dépression et l’alcoolisme. Ce sont ce genre de maladie qui touchent les tribus en premier une fois le contact avec le monde extérieur établit. Vu de cette façon, la conservation bioculturelle est une mesure extrêmement préventive et efficace quant à la protection du système santé traditionnelle.


Mongabay: Comment cette encyclopédie aidera-t-elle à préserver la culture Matsé ?



Christopher Herndon: Parfois il suffit d’un outil simple mais aussi puissant qu’une idée. L’idée c’est que la culture, les traditions et un certain style de vie sont des choses importantes de la vie. On ne doit pas en avoir honte. L’idée que la forêt tropicale, qui sert de maison à certain, a d’immenses vertus infiniment plus importantes que les réserves de pétrole ou d’acajou (recherché pour produire des meubles de luxe). La simple idée que la connaissance de la forêt tropicale ne renvoie pas les gens à leur état primitif, mais leur donne une position de valeur pour ce qui est du mouvement de conservation. Cette encyclopédie est une étape concrète pour combler l’écart intergénérationnel avant qu’il ne soit trop tard. C’est une initiative qui redonne un coup de fouet au respect de la sagesse des anciens et redonne à la forêt tropicale sa place dans ce qui est l’apprentissage de la guérison.


Mongabay: L’encyclopédie a été achevée durant un rassemblement de chefs Matsés de tout le territoire et des chamans de la tribu. Comment était l’atmosphère pendant cette réunion ?



Herndon with shaman looking at medicinal plants. Photo courtesy of Acaté.Herndon et un chaman examinent des plantes médicinales. Crédit photo : Acaté.



Christopher Herndon: Cette réunion sans précédent s’est tenue dans un des villages le plus isolés du territoire Matsé. C’est très difficile de décrire avec des mots l’émotion de tous quand les anciens Matsés parlaient de la lutte qu’ils mènent depuis trop longtemps pour protéger le territoire Matsé. Beaucoup d’entre eux retenaient leurs larmes. Un chef Matsé implorait les jeunes de reprendre le flambeau une fois les anciens partis, comme ils l’ont fait eux-mêmes avec leurs grands-pères. Cela fait maintenant 15 ans que je travaille dans la conservation de la bioculture en Amazonie. C’est l’une des expériences la plus mémorable que je garde, l’éloquence oratoire et la détermination de ces gens. On réalise que les Matsés, au plus profonds d’eux-mêmes, sont des guerriers qui luttent depuis de longues années afin de protéger leur territoire.




Information : Chris Herndon siège au conseil de Mongabay.org, tandis que, Rhett Butler, le fondateur de Mongabay, siège au conseil d’Acaté Amazon Conservation. Rhett n’était pas impliqué dans le processus de cet entretien.


Article published by Maria Salazar on January 7, 2016.

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