mardi 14 février 2017

Foutez vous la paix !



Et si le grand problème actuel était que la plupart des injonctions qui nous sont assénées pour nous calmer ne font que nous mettre une pression plus grande ? Il faudrait « méditer », manger comme ceci, faire tel entraînement pour être en forme, avoir de l’initiative, ne pas parler comme cela, être à la fois calme et dynamique, chaleureux et sérieux… Et si au contraire il fallait plutôt commencer par se foutre la paix pour commencer à vivre ? Mais comment lâcher-prise et se donner l’autorisation d’être soi-même ?

C’est ce que proposera d’explorer Fabrice Midal dans son nouveau livre Foutez-vous la paix ! Et commencez à vivre dont les différents chapitres inviteront à :

Chapitre 1- Cessez de méditerNe faites rien
Chapitre 2- Cessez d’obéirVous êtes intelligent
Chapitre 3- Cessez d’être sageSoyez enthousiaste
Chapitre 4- Cessez d’être calmeSoyez en paix
Chapitre 5- Cessez de vous réfrénerDésirez !
Chapitre 6- Cessez d’être passifSachez attendre
Chapitre 7- Cessez d’être conscientSoyez présent
Chapitre 8- Cessez de vouloir être parfaitAcceptez les intempéries
Chapitre 9- Cessez de chercher à tout comprendreDécouvrez le pouvoir de l’ignorance
Chapitre 10- Cessez de rationaliserLaissez faire
Chapitre 11- Cessez de vous comparerSoyez vous-même
Chapitre 12- Cessez d’avoir honte de vousSoyez vulnérable
Chapitre 13- Cessez de vous torturerDevenez votre meilleur ami
Chapitre 14- Cessez de vouloir aimerSoyez bienveillant
Chapitre 15- Cessez de discipliner vos enfantsLa méditation n’est pas de la Ritaline
Conclusion- L’émerveillement d’être

Interview

Entretien de Fabrice Midal avec quelques membres de l’École Occidentale de Méditation
— Janvier 2017

Livre Foutez vous la paix ! - Fabrice Midal
Vous venez de publier « Foutez-vous la paix… et commencez à vivre ! ». Un livre de plus dans votre impressionnante bibliographie ?
Fabrice Midal : Ce livre est un tournant dans mon existence. Depuis des années, j’essaye de transmettre la pratique de la méditation en Occident. Ce travail m’impose de réfléchir à la situation dans laquelle nous vivons, nous, Occidentaux, et aux défis que nous rencontrons. Il m’apparaît évident qu’année après année, il faut repenser à neuf le sens profond de la pratique ! On ne peut pas se contenter de répéter des usages qui ont existé un jour en Orient. « Foutez-vous la paix » marque une nouvelle étape qui m’est quasiment imposée par le monde d’aujourd’hui.
Qu’est-ce qui a donc tellement changé dans ce monde ?
Fabrice Midal : Sans doute la manière, jamais aussi violente, avec laquelle nous parvenons à intérioriser l’état de compétition de nos sociétés. Nous en arrivons à tout transformer en outils en vue de réussir quelque chose. Tout, y compris la méditation, devenue un instrument de plus de la violence économique qui est en train d’abîmer notre monde. Ou, à l’inverse, considérée comme le rêve d’un état de calme où nous serions à l’abri de cette violence sans nous y relier, comme si l’on pouvait prétendre s’abriter dans un bunker étanche. La méditation pouvait nous offrir un cadeau : nous autoriser à être comme nous sommes. Mais ce cadeau est bloqué. Sans doute, aussi, parce que son énoncé est trop abstrait ? Je le dirais alors autrement : Foutez-vous la paix ! Arrêtez de vous torturer ! Dans ce livre, je me livre à un exercice : essayer de discerner ce qui peut, de manière très concrète, nous aider à trouver ce sens de paix, de présence, qui ne soit ni un nouvel instrument de torture, ni une illusion de calme.
Concrètement, qu’est-ce qu’une méditation où l’on se fout la paix ?
Fabrice Midal : C’est une méditation où l’on ne cherche rien : ni à être calme, ni à faire le vide dans sa tête, ni à atteindre un état spirituel quelconque. Rien, à part se foutre complètement la paix et s’autoriser à être un humain. Je ne fais au fond que reprendre la définition propre de la méditation : entrer en rapport au présent tel qu’il est, sans jugement. En réalité, je vois autour de moi que cette définition n’est pas comprise dans toute sa radicalité. Je vois aussi qu’un « Foutez-vous la paix ! » est le secret à la fois le plus simple et le plus profond pour comprendre la pratique. Ces deux termes sont, aujourd’hui, perçus comme contradictoires : on estime que si c’est profond, ça va être compliqué ; et que si c’est simple, ce sera simpliste. C’est faux ! Le génie de la pratique réellement comprise est qu’elle est toute simple et extrêmement profonde. Je signale ici que j’ai mis en ligne, sur mon site internet, et en accès gratuit, les premiers exercices que j’ai conçus en ce sens. Ils seront suivis par d’autres exercices… pour apprendre à se foutre la paix.
Foutez-vous la paix ne serait pas une autre façon de dire : soyez présent ?
Fabrice Midal : « Soyez présent » est une injonction devenue très abstraite. Vous entrez en réunion, vous êtes stressé, angoissé. Vous répéter « Je dois être présent » ne vous sera pas très utile pour éloigner cette pression qui vous écrase et vos angoisses de mal faire. Etre présent en mangeant en pleine conscience ou en marchant en pleine conscience ne cible pas la cause de notre souffrance. Nous souffrons parce que nous voulons être parfaits, parce que nous ne nous autorisons pas à être. Ni même, d’ailleurs, à vivre dans un état de pleine présence. Vous foutre la paix, c’est autre chose. C’est accepter que vous n’avez pas besoin d’être parfait : il vous suffit d’être vous-même, confronté à cette pression au moment d’entrer en réunion. C’est alors que vous serez ouvert au saut radical de la présence. Un saut libérateur sans lequel on ne vit pas le moment présent…
Foutez-vous la paix semble renfermer une promesse de laxisme…
Fabrice Midal : C’est la question centrale. Nous avons tous, y compris moi-même, l’impression que si nous nous foutons la paix, si nous arrêtons de nous torturer, nous ne ferons rien, nous cèderons au laxisme et à la procrastination – le fait de tout remettre au lendemain. Alors, nous nous torturons, persuadés que les coups de fouet nous sont indispensables pour avancer. Essayez, foutez-vous la paix. Curieusement, vous vous rendrez compte que vous êtes alors au sommet de l’activité et de la justesse en toute situation. Tout l’enjeu de mon livre est de reconnaître et de mettre en valeur les rouages de ce mécanisme.
N’est-il pas trop tard pour apprendre à se foutre la paix ?
Nous sommes conditionnés par notre éducation qui nous interdit de le faire !

Fabrice Midal : Nous sommes surtout éduqués à ne pas nous faire confiance. Depuis la plus tendre enfance, on nous enjoint de tout vérifier, de ne pas nous laisser aller, de maintenir et renforcer la pression sur nous-même. On a l’impression que si nous nous laissons aller, un horrible monstre apparaîtra. Et pour qu’il n’apparaisse pas, nous ne devons pas relâcher notre auto surveillance. C’est une manière de nous terroriser. Arrêtons de nous torturer, pour donner droit à la bienveillance, qui n’est pas le laxisme, et qui est aussi le cœur central de la méditation.
Torturer n’est pas un mot trop fort ?
Fabrice Midal : C’est le mot juste. La manière dont nous nous traitons relèverait, si on la pratiquait sur autrui, de la loi sur le harcèlement. Nous avons oublié d’acheter du café ? Nous nous insultons (« quel(le) imbécile je suis ! ») au lieu de nous réconforter comme on le ferait avec un ami (« Ce n’est pas grave, on ira au bistro du coin »). Nous arrêtons de courir pour nous poser entre deux tâches ? Ce sont encore des insultes et des coups de fouet. En fait, nous nous traitons exactement comme les esclaves du XVIIIe siècle : jamais encouragés, toujours insultés, traités de fainéants et de bons à rien. Les esclavagistes craignaient que la moindre bienveillance à l’égard de leurs esclaves transforme ceux-ci en monstres. C’est l’attitude que nous avons avec nous-mêmes. Nous avons peur de nous foutre la paix, nous ne nous donnons pas les droits les plus élémentaires que nous accordons aux autres ! « Foutez-vous la paix » répond à un problème majeur de notre temps, révélé par le burn-out, une maladie étonnante puisque, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des individus s’effondrent parce qu’ils veulent tellement bien faire qu’ils ne sont plus en rapport avec eux-mêmes. Foutez-vous la paix, c’est retrouver l’écoute de soi qui nous rend libres et créatifs.
Se foutre la paix, en méditant et dans la vie de tous les jours ?
Fabrice Midal : Evidemment ! Je voudrais éclairer la pratique de la méditation en tant que geste fondamental pour surmonter la violence sociale et la haine de soi. Je veux surtout montrer les applications concrètes de cette pratique dans tous les aspects de notre vie quotidienne. Chaque chapitre est une main tendue au lecteur en ce sens. Aujourd’hui, le défi n’est pas d’enseigner la méditation, mais d’appliquer la méditation à la vie quotidienne, non pas avec des exercices supplémentaires, mais avec l’idée que la perspective ouverte dans la méditation colore tout le reste de ma journée et transforme en profondeur mon rapport à moi, aux autres et au monde.
couverture et quatrieme - foutez vous la paix

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