jeudi 28 juin 2018

COMBIEN DE TEMPS SE MAINTIENT EN TOI LE BIEN-ÊTRE ?




Si tu te sens bien il est possible qu’au fond de toi tu sois en train de te préparer à être mal, ou si tu te sens mal il est possible qu’en réalité tu sois en train de te préparer à être bien. Être bien ou être mal ne sont précisément pas deux états d’âme, mais deux stations de la même stratégie mentale. Ce sont des moments plus ou moins courts ou transitoires dans la vie d’humains qui ne se sentent pas à l’aise avec eux-mêmes.


Quand les choses s’améliorent ou empirent de façon cyclique, c’est que nous nous trouvons face à un mode de trajet de vie que j’appelle « la montagne russe » des états d’âme. C’est toute une psycho-pathologie qui a été nommée Bipolarité ou syndrome maniaco-dépressif, que, selon mes observations, subissent presque tous les êtres humains que j’ai connu jusqu’à présent. Il y en a très peu qui sont stabilisés ou qui font un trajet en douceur et sans trop de hauts et de bas, et pour la plupart de ceux qui ont une forme de stabilité, c’est parce qu’ils sont traités psychiatriquement ou parce qu’ils fument de la marijuana tous les jours. Cela signifie que pour maintenir un état d’âme plus ou moins stable, il est nécessaire de modifier chimiquement l’organisme parce que sinon le besoin d’intensité et de changements abrupts explose. Cette bipolarité peut aussi s’expliquer par les oscillation du taux de l’adrénaline qui remuent intérieurement les sensations que l’on perçoit, ce qui installe l’esprit dans des mouvements brusques et instables, véritable torture pour quiconque le vit. Pour cette raison nous avons recours à des outils chimiquement stabilisants, qui adaptent et anesthésient avant de guérir ou de résoudre le problème. C’est l’état de somnolence chimique et émotionnel dans lequel vivent tant de personnes.

Mais ce n’est pas seulement par le biais de la modification chimique que nous somnolons face à une réalité si ennuyeuse, il a aussi été confirmé que la routine, l’étude, le travail, les horaires fixes, l’ordre et avoir toujours un agenda bien rempli d’activités sont divers recours qui permettent de ne pas accéder à ces espaces d’insatisfaction ou de réflexion profonde sur le vrai état dans lequel se trouve l’individu. Cette organisation du temps et des tâches agît comme un élément de distraction face à la réalité qui est vécue. Mais en plus on dispose d’outils supplémentaires pour des cas plus complexes ou des moments plus compliqués, comme par exemple : regarder la télé, fumer, se droguer, se saouler, voyager sans arrêt, changer de travail, de compagnon ou de lieu de résidence très souvent. Ainsi tout un panel de ressources de plus en plus importantes et variées se mettent en place pour occuper le temps et bouger sans cesse l’énergie quotidienne au cas où par mégarde on aurait un moment pour se retrouver face à soi-même, ce qui serait plus ou moins tragique pour chaque personne, en fonction du degré d’insatisfaction qu’elle a avec elle-même et avec sa vie. La question est de ne pas se rendre compte de l’état réel dans lequel on vit, et la solution sera donc de vivre distrait, occupé ou aliéné.

Derrière toute addiction il y a un jeu de bipolarité, et derrière tout jeu de bipolarité, il y a une structure addictive quelconque. Derrière toute dépression il y a une fuite, et derrière toute fuite il y a une sorte de folie produite par un excès de normalité.

Pour beaucoup de personnes la vie est devenue toute une préparation, fondée sur une stratégie inconsciente qui nous amène à être mal pour ensuite pouvoir être bien, ou une préparation fondée sur être bien pour ensuite être mal. Quel est l’attrait de cette stratégie ? Monter ou descendre ? Ou les deux ? Monter pour descendre ou descendre pour monter ? Il s’agit de différents jeux que nous jouons nous les êtres humains face au malheur d’avoir été adaptés à un environnement, à la société ou à la normalité qui exigent de nous d’être simples et normaux pour être intégrés au système.

Se trouver au sommet ou au fond de la vallée est tout aussi attrayant qu’addictif. Nous avons envie de vivre dans les deux extrêmes, nous nous y habituons tellement, qu’après nous ne voulons plus changer.

Lorsqu’on se trouve en bas dans la dépression ou l’angoisse, on peut y rester pour toujours plus facilement que la position de rester au sommet, car c’est si peu soutenable de se trouver dans un certain niveau de bien-être, que tôt ou tard, on trouvera une raison quelconque justifiée ou inventée pour tomber une nouvelle fois. Parce que le système de fuite ou de substitution que nous offre cette montagne russe quand on monte, n’est pas authentique et ne produit pas non plus de satisfaction réelle et profonde dans l’individu. C’est tout simplement un moyen pour s’offrir un moment de vertige et de profond abandon au moment présent.

La spiritualité n’échappe pas à cette pathologie, car en tant que génératrice d’états élargis ou amplifiés de conscience, elle représente une polarité élevée dans le sens où elle apporte un bien-être animique, une conscience cosmique, une compréhension de sujets complexes et une attitude transcendante ; tandis qu’à l’opposé le matérialisme représente l’extrême névrotique qui crée divers états de bas niveaux vibratoires tels que l’angoisse, la dépression, le stress, l’anxiété, les obsessions, l’avarice, les addictions, etc.

Dans ce contexte, je ne vois pas la psychose et la névrose comme des maladies mentales mais plutôt comme les deux points les plus élevés et les plus bas du même trajet que produit cette vie d’insatisfaction que nous vivons. Se déconnecter avec insouciance de la réalité ou se plonger avec obsession dans celle-ci sont deux états du même esprit qui n’est pas à l’aise avec la vie telle qu’elle est.  La nature du moi est conflictuelle, problématique et cherche à diviser, ainsi donc celui-ci vit dans la plainte et la sensation d’imperfection ; l’esprit constate qu’il manque quelque chose, que rien n’est complet, que les choses ne sont pas comme elles devraient être ou qu’elles ne seront jamais comme elles devraient être. Face à une telle pression interne il choisit de se plonger dans le puits de la dépression pour ensuite grimper au sommet de l’exaltation, ou bien de camper dans la sécurité, la passivité et la fausse paix que lui offre la vallée de l’angoisse.

En contrepartie de cette tendance vers le bas, il y en a qui sont dans une recherche obsessionnelle d’expériences majeures, voire même une recherche pour rester au sommet, dans des états d’illumination, d’amour suprême, de connexion cosmique ou d’ouverture de cœur ; ce que proposent plus ou moins tous les types de spiritualité que j’ai connu. Au fond, ceux qui sont à la recherche effrénée de la lumière ont la même intention que ceux qui veulent se plonger dans l’obscurité. Quelle est l’intention profonde qui dirige cette montagne russe humaine ?

Alberto José Varela

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