lundi 18 mars 2019

Me disputer



Hier soir je me suis disputée. J’ai été insensible. J’étais toute prise par mon cerveau pourri. Je me suis disputée avec lui, je me suis disputée avec moi. Je me suis réconciliée aussi, avec lui, je crois. Avec moi, c’est plus compliqué. Aujourd’hui je fais un bilan comptable bien chiche de ce qu’il me reste à offrir. Des lignes de débit, si nombreuses que j’en perds le chiffre. Des peurs et des bleus, à l’âme, au corps, au coeur, des peurs aussi grosses que des monstres tout dessous le lit, des réflexes de Cassandre, prête à croire qu’elle salit tout, toujours. Je me sens comme un animal stupide. Je peine à faire comprendre à mon système nerveux que tout est mieux, que nous nous sommes sauvés, que nous ne craignons plus rien. Je me défends alors qu’on ne m’attaque pas. Je pense à fuir alors que je ne le veux pas. Je suis abimée. Il m’aura fallu plus de trois années pour me l’avouer. J’ai fait semblant d’avoir la main, j’ai fait semblant de savoir ce que je faisais, j’ai voulu me donner le change, j’ai mis une tonne de béton sur la béance dégueulasse de 10 ans de silence, d’abus, d’humiliation et de mensonges. J’ai pleuré 2 heures lors de ma rupture. Et j’ai prétendu passer à autre chose. Personne ne devait savoir. Sauver la face, pour moi d’abord, impossible de regarder dans les yeux les mois perdus, les jours odieux, les couleuvres immondes immenses avalées dans un soupir, impossible d’aimer celle qui a tout accepté, celle qui a laissé faire, celle qui s’est accrochée à ce qui la tuait.

Je m’occupe de celle-là aujourd’hui. Je ne peux pas dire que je l’aime ou que je la comprends. Mais je la prends sous mon aile. J’ai repris la thérapie. Je lui donne la main, et on va s’asseoir sur un grand fauteuil vert en velours, pour se réconcilier. Il est trop tard pour les premiers soins, les points de suture à l’arrache ont lâchés, ca gangrène tranquille derrière mes pupilles, il faut drainer à grand coups d’eau salée. Aujourd’hui, je me suis laissée pleurer, seule, chez moi, à grand coup de chansons à textes et de post-rock mélancolique, je me suis forcée à ressentir, je me suis obligée à me souvenir. Fini les compartiments blindés pour déchets toxiques à enterrer, je veux me guérir, me recycler et grandir. Je veux surtout être authentique et libre dans mes relations à venir. La rééducation sera longue, il me faut me débarrasser de la certitude vénéneuse d’être impossible à aimer, de devoir toujours me sacrifier pour espérer recevoir en retour, et donc arrêter d’adopter les récits et les attitudes qui me mènent à répéter les mêmes mauvais films à l’infini. Je refuse la prophétie et son dogme, c’est le tuteur de mon nouveau paradigme.
Je ne sais pas quand j’arriverai à retrouver un état relationnel débarrassé de mes anciens traumatismes. Je ne sais pas en combien de temps on apprend à son corps à ne plus craindre la foudre. Je ne sais pas si j’arriverai un jour à me pardonner, d’être restée, d’avoir menti, d’avoir cru aux histoires que je me racontais pour échapper à la réalité. Je voudrais oublier, je sais que c’est impossible, je voudrais effacer, mon inconscient se rebiffe. Je travaille donc. Je m’attaque à ce que j’ai refusé de parler, à ce que je n’ai jamais expliqué, surtout pas à moi. Je vais décortiquer pour expurger, je vais retrouver confiance en ma capacité à bien aimer, et à être bien aimée. Je vais être juste, avec moi et les autres. Je vais m’autoriser la colère, je vais m’autoriser à me tromper. Je vais me laisser le temps de réfléchir, je vais me laisser le droit de pleurer. Je vais la sauver, celle qui est encore enfermée là-bas, même s’il faut que je la traîne chez le psy par la peau des pieds. Accroche-toi, on y va.

DariaMarx

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